27 juillet 2024
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Passeport vert, cauchemars aux frontières (II) : Alger-USA, opération séduction

Mémoires d’un émigré

Passeport vert, cauchemars aux frontières (II) : Alger-USA, opération séduction

Au mois de juin 1990, d’Alger j’avais réussi le pari de faire accepter une présentation sous forme de poster à une conférence aux USA.

Mais avant d’arracher le billet et le petit pécule de mission en devises accordé par l’USTHB, il a fallu franchir de nombreuses étapes administratives qui s’avèrent être de véritables parcours du combattant. Accrochez bien vos ceintures !

La première étape est celle liée à une autorisation d’absence délivrable par le vice-recteur chargé de la recherche (le recteur du vice, le surnommions-nous). Malgré ma persévérance, il ne voulait rien savoir. Le billet d’avion trop cher était l’excuse toute trouvée pour justifier son refus.

En cette période de mai, l’USTHB était en grève, et je ne sais pour quel motif, le recteur (Harroubia, le neveu de son général, à l’époque) nous fit l’honneur de participer à une assemblée générale organisée par le syndicat pour écouter nos débats.

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À un moment, je le vois sortir seul. C’était l’occasion à ne pas rater ! Je le suivis à pas cadencés et l’accostais avant qu’il n’atteigne le bâtiment principal pour lui présenter mon problème. Au contraire du vice-recteur, il avait bien compris qu’une communication acceptée aux USA, ça ne se refusait pas ! -j’ai vu passer votre dossier me dit-il, avant de promettre de tout faire pour me faire délivrer le billet d’avion ainsi que le pécule devises.

Harroubia tint parole ! 

Sachant que la petite somme en dollars ne suffirait pas pour un séjour d’une semaine aux USA, j’avais, au préalable, envoyé aux organisateurs une demande de prise en charge partielle. Si tant est qu’elle fut acceptée, je savais cependant que cela ne pouvait pas suffire pour réserver une chambre à 100 $ la nuit dans le « Resort » (sorte de lieu de villégiature de dimensions américaines éloigné de toute métropole) où devait se dérouler la conférence.

Mais, ayant vécu aux USA des années auparavant, je savais comment bien optimiser tout ça. J’ai donc calculé toutes les dérivées pour minimiser les dépenses. Arrivé à l’aéroport de Tulsa je louais une voiture dans l’idée de prendre une chambre dans un motel pas cher loin du « Resort », situé à Afton à une centaine de miles de Tulsa.

Résultat, à moins de 10 miles, j’avais réussi à louer une chambre pour 20 dollars la nuit et la 7ème gratuite. Sept nuits équivalent quasiment à une nuit dans le Resort. Cette « bonne affaire » ne manqua pas d’agacer un collègue (F. Saniez) atteint du syndrome de jalousie.

Le lendemain matin de mon arrivée, jour 1 de la conférence, c’est en voiture que je me rendis au « Resort ». Apercevant le groupe de Lamberneau, au loin -ils étaient pas moins de 7 à avoir fait le déplacement- je fais semblant de foncer tout droit sur eux pour les écraser. Ils s’écartent et F. Saniez lance : Ils sont fous ces américains ! Je m’arrête net, je descends de voiture et lui rétorque : Répète un peu ce que tu viens de dire : nous sommes fous, nous les Américains !? Et tout le groupe quasiment en chœur : Ah Kacem Madani, tu as réussi ton coup, bravo !  

Heureusement que j’étais là sinon ils n’auraient rien vu du pays et seraient restés bloqués dans le Resort ! Je les baladais donc à tour de rôle par groupe de 3 ou 4 !  

Retour sur la petite bourse accordée par les organisateurs. Avec la location de voiture et les 120 dollars d’hébergement, il ne me restait même plus de quoi payer l’essence pour un retour vers Tulsa. Mais j’avais bien calculé mon coup. Car, dès que j’ai reçu ma lettre d’acceptation, et sachant que le pécule algérien ne me suffirait pas, j’avais rédigé une lettre aux organisateurs de la conférence pour solliciter une aide financière (une façon directe de demander l’aumône. Mais c’était ça ou rien). N’ayant pas reçu de réponse à Alger, J’en avais conclu qu’aucune aide ne me serait accordée. Mais voilà qu’à peine assis sur mon siège à la salle de conférence, je sens quelqu’un sur la rangée arrière me taper sur l’épaule. C’était un professeur Belge qui nous rendait visite assez régulièrement à Alger et qui était membre du comité d’organisation de la conférence. -Madani me dit-il, j’ai une surprise pour toi. Il me tend une enveloppe dans laquelle est inséré un chèque de 400 $. Alors que le pécule que j’avais reçu d’Alger ne dépassait pas 250 $. C’était inespéré ! Je prends le chèque et le montre à F. Saniez médusé. -Tu vois Saniez, lui dis-je, moi on me paie pour que je vienne assister à la conférence, pas toi ! Ce qui ne manqua pas de l’agacer, encore une fois.

Côté science, c’était plus que je n’espérais aussi. Je posais des questions à tout va aux conférenciers, alors que nos 7 compères restaient tout le temps cois ! C’est vrai que j’avais un sacré avantage, celui de la maîtrise de l’anglais.

J’épiais G. Stallion de loin. Il acquiesça à chacune de mes interventions. Puis vint une conférence sur notre sujet commun : le laser à semi-conducteur avec contre réaction optique. J’étais le premier à poser une question qui s’avérait être une sacrée colle pour le conférencier. Il répondit bredouillant « well, that is a good question » avant de s’élancer dans des explications peu convaincantes ! Pendant la pause, il vint me rejoindre pour un débat à bâtons rompus sur ses résultats et les nôtres, sous les yeux émerveillés du groupe de Lamberneau.

Quant à mon poster, il avait eu sa petite dose de succès, puisque j’eus droit à de bonnes séances de questions-réponses. Notamment celle d’un Physicien Hindou-Américain, très célèbre à l’époque, qui n’arrivait pas à reproduire une étape de calculs exposés dans une précédente publication. 

C’est ce jour-là, je crois bien, j’en suis certain même, que j’ai mis toute l’équipe de recherche dans ma poche.  G. Stallion, le directeur de l’équipe a été totalement séduit, et n’avait pas tardé à m’ouvrir les portes de son laboratoire pour huit ans de CDD (*) !

Connaître « the american way of life », c’est savoir optimiser chaque étape de votre périple. Sur le chemin du retour vers Tulsa, je m’étais promis de tout faire pour rendre visite à un ami qui résidait depuis 10 ans à Milwaukee, dans le Wisconsin, à plus de 1200 km de Tulsa. Quasiment la distance qui sépare Alger de Paris. Nous en avions discuté au téléphone quelques jours avant la fin de la conférence, et tout comme moi, il brûlait d’envie de me revoir.

Arrivé au guichet de l’aéroport j’entreprenais des tractations avec une agence de voyage (en ces temps-là, l’université nous délivrait des billets ouverts qui nous permettaient un choix étendu de retours) pour savoir s’il était possible de transformer mon billet Tulsa-New-York-Paris en Tulsa-Chicago-Paris et quel supplément reviendrait à ma charge. La responsable d’agence se met directement au travail. Elle effectue toutes sortes de recherches et de calculs. Au bout d’un moment elle m’annonce que vu que cela ne changeait pas grand-chose en termes de distance, elle pouvait modifier ma réservation pour zéro dollars de supplément ! Bingo ! à moi Chicago ! Restait le trajet Chicago Milwaukee. Il y avait les bus Greyhound pour cela. C’est ainsi que je rendis visite et revu pendant quelques jours un ami de collège, de Lycée et de quartier, que je n’avais pas vu depuis 10 ans !

Retour à Alger. Avec ce qui me restait des 400 $ et une autre coquette somme que m’avait refilé mon ami, j’avais acheté de nombreux cadeaux. Tous ces objets qui sentaient le neuf n’étaient pas du goût du douanier qui se mit à râler !

Quand je lui dis que c’étaient des petits cadeaux pour ma petite famille, il répond :

– Ah Non « bezzaf a3lik » ! D’abord montre-moi ton passeport ! Tu fais quoi dans la vie ? 

– Je suis enseignant ! 

– Eh bien il faut faire attention à votre pays « ya cheikh » ! rétorque-t-il. 

Voilà comment, selon notre douanier, je devais faire attention au pays : éviter de ramener un petit ballon de foot à mon fils pendant que les « kmakem » détournaient des milliards de dollars ! 

Dommage que je ne susse pas plus tôt que le destin du pays dépendait de ce ballon et d’autres petites bricoles du genre ! J’en aurais exempté mon fils, et nous n’aurions pas connu tous ces désastres socio-économiques qui ont ruiné le pays ! Comme quoi, l’effet papillon, ce n’est pas qu’une affaire de météo ! (À suivre).

 

(*)https://lematindalgerie.commes-combats-pour-la-survie-letranger-iv-avec-lema-gouilles-leist-ma-tuer

Auteur
Kacem Madani

 




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