L’indépendance est comme un pont. Au départ personne n’en veut ; à l’arrivée tout e monde l’emprunte. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets.
« La décolonisation est notre intérêt et par conséquent notre politique. Pourquoi resterions nous accrochés à des dominations coûteuses, sanglantes et sans issue alors que notre pays est à renouveler de fond en comble » Charles De Gaulle, conférence de presse, 11 avril 1961 « La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (La Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine. L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les «textes et le fusil». Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ». La révolution algérienne qui a démarré avec la mort d’un instituteur français tué par le FLN dans les Aurès s’est terminée avec l’assassinat de l’instituteur et écrivain algérien Mouloud Feraoun par l’OAS à Alger. C’est là tout un symbole.
Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes». L’enjeu des pouvoirs colonial et postcolonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte» (la corruption).
Les dirigeants, dans leurs délires, se déclarant être « l’incarnation du peuple » considèrent l’Algérie décolonisée comme un « butin de guerre » à se partager et la population comme un troupeau de moutons à qui on a confié la garde. Tantôt, le berger les amène à l’abattoir, tantôt aux pâturages selon les circonstances du moment et les vœux du propriétaire. Ils gèrent les ressources du pays comme conquérants alors qu’ils se proclament ses libérateurs.
La France est partie mais ses intérêts sont préservés. L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique économique et sociale Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France ». Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dès 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée.
Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie post coloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire peu soucieux des intérêts de la majorité de la population.
La révolution du 1er novembre 1954 a été enfantée par les massacres du 08 mai 1945, a grandi dans les maquis de l’intérieur et fût adoptée à l’âge adulte par l’armée des frontières qui en fera son étendard. En posant la violence comme solution ultime au drame de la colonisation, la révolution du 1er novembre 1954 a été amenée à faire de l’armée, la source exclusive du pouvoir en Algérie.
La construction d’un Etat national d’inspiration de la mystique soviétique a permis aux dirigeants algériens d’occulter au nom de l’idéologie socialiste ses apparences avec le modèle colonial français, c’est-à-dire un Etat national comme héritier de L’Etat colonial français. De l’Etat colonial à l’Etat national ne s’est opéré en fait qu’un certain déplacement du centre relais. Ce qui n’était qu’un centre administratif devient la capitale Mais l’Algérie n’est pas la France.
L’Algérie est agraire, pastorale et tribale. La France est moderne, industrielle, jacobine. Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision sans participation de la population locale, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance. Ce schéma d’aménagement du territoire initié par De Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée.
La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente. Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin n’est-ce pas là une preuve évidente.. Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple.
Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. Il s’agissait pour la France d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. On peut dire qu’elle a réussi son pari au-delà de toutes ses espérances.
Le nationalisme s’est révélé qu’un acte illusoire de souveraineté. L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel et dans un rituel religieux sans esprit novateur. Si la recherche de l’indépendance fût un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elles impliquaient.
La décolonisation a donné naissance à des entités étatiques artificielles dominées par des régimes politiques autocratiques et despotiques sans légitimité historique ou démocratique qu’ils soient monarchique, militaire, ou policier veillant jalousement sur leurs frontières c’est-à-dire leur espace de domination politique, économique et culturelle.
« Le poignard le plus aigu, le poison le plus actif et le plus durable, c’est la plume dans les mains sales. Avec cela on gâte un peuple, on gâte un siècle. Il s’écrit aujourd’hui des choses qui lèveront la semence de crimes » Louis Veillot.
Dr A Boumezrag