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Pour un front national et un dialogue permanent

Professeur Abderrahmane Mebtoul

Pour un front national et un dialogue permanent

L’Algérie contrairement aux discours pessimistes démobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, avec les tensions géostratégiques au niveau de ses frontières posant la problématique de la sa sécurité extérieure mais également posant la problématique de la sécurité intérieure  du fait des tensions budgétaires et sociales. Pour éviter toute sinistrose, l’Algérie ne traverse pas une crise financière mais une crise de gouvernance, risquant, si l’on n’y prend pas garde, de se transformer en crise financière horizon 2020. Les différents mouvements sociaux que connaît l’Algérie actuellement reflètent une dynamique sociale normale que connaissent maints pays.  Mais la solution dernière reste le dialogue productif privilégiant les intérêts supérieurs  de l’Algérie. A ce titre je salue les directives en date du 27 février 2018  de son Excellence Mr le Président de la République, pour le cas des enseignants, d’ouvrir le dialogue productif sans démagogie,  entre le Ministère de l’éducation nationale  et les syndicats, les actions  autoritaires des deux cotés, étant l’ère du passé, afin d’éviter des tensions inutiles.

Les tensions dans la région, notamment pour la protection de ses frontières, la situation en Libye, au Mali et accessoirement les actions terroristes à sa frontière en Tunisie ont imposé à l’Algérie des dépenses supplémentaires.(1) En effet, face aux tensions régionales, les  frontières Algérie-Mali est de 1 376 km, celle entre l’Algérie et la Libye de 982 km, entre l’Algérie et le Niger de 956 km, entre l’Algérie et la Tunisie de 965 km  sont à surveiller avec un cout croissant. C’est ainsi que  l’Algérie a déployé une véritable task-force pour sécuriser ses frontières afin de faire face à l’instabilité chronique de l’autre côté des frontières et dont les événements récents confirment la continuelle aggravation.  Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, partie prenante du Dialogue méditerranéen (DM), l’Algérie agit en fonction d’un certain nombre de principes et à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région. C’est que la fin de la Guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l’histoire contemporaine. Le premier événement marque la fin d’un monde né un demi-siècle plutôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats.Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autre source de menace: ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s’autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, des stratégies d’adaptations sont nécessaires  pour l’Algérie. Mais l’action militaire et sécuritaire.  pour avoir  efficacité réelle , il s’agira de  résoudre les problèmes de développement interne lié à la bonne gouvernance, donc à la moralité ,   existant un lien dialectique entre sécurité et développement, devant  concilier efficacité économique et une profonde justice sociale tenant compte de la dure réalité mondiale où tout pays qui n’avance pas recule forcément.

 2.-. D’où l’importance de profondes  réformes institutionnelles et l’optimalisation de la dépense publique impliquant plus de décentralisation à ne pas confondre avec l’avatar néfaste du régionalisme et de la déconcentration qui renforce la bureaucratisation ainsi que de nouvelles formes de protection sociale. La vision centralisatrice jacobine annihile les créativités et la régionalisation économique est une voie salutaire pour bon nombre de pays évitant l’autoritarisme d’en haut de peu d’efficacité tant économique que sociale impliquant des institutions appropriées.  Dès lors, une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne s’impose, réorganisation fonction de la revalorisation de la ressource humaine renvoyant à l’urgence de la révision du statut de la Fonction publique et du système fiscal. Les collectivités locales doivent se préparer à une mutation radicale devant faire passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités entreprises responsables de l’aménagement du développement et du marketing de leur son territoire.   Pour répondre à cet enjeu majeur, on doit miser sur la valorisation du territoire et l’organisation du développement autour d’espaces équilibrés et solidaires (éco- pôles qui regrouperaient universités- centres de recherche- entreprises- chambres de commerce- administrations) tenant compte de l’urgence d’une urbanisation maîtrisée (actuellement anarchique avec des coûts directs et indirects faramineux) et de la protection de l’environnement et du cadre de vie qui se dégradent de jour en jour. Il ya urgence de la mise en place de nouveaux mécanismes de régulations sociales devant revoir la gestion des caisses de retraite et de la sécurité sociale, les subventions ciblées devant dorénavant être budgétisées non plus au niveau des entreprises mais sur le budget de l’Etat. L’avenir est dans une plus grande flexibilité de la force de travail reposant sur une formation permanente et notamment dans les gisements importants d’emplois sur les activités de services, des emplois de proximité, ce qui impliquera le développement important dans les années à venir des services marchands rendus nécessaires par l’élévation du niveau de qualification.

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3- C’est dans ce cadre qu’il y a lieu de distinguer plusieurs formes de protection. Outre toutes les entités religieuses d’assistance qui dans les sociétés traditionnelles jouent un rôle souvent important, fondamentalement nous avons quatre institutions qui jouent un rôle décisif dans la couverture des risques de l’existence, et ceci d’une manière à la fois concurrente, complémentaire et solidaire : la famille et la tribu, l’entreprise, les marchés et l’Etat.   Premièrement, la famille et la tribu peuvent être considérées, d’un point de vue économique, comme une «petite société d’assurance», où l’on mutualise les risques. Encore que la contraction de la famille élargie, le développement de l’instabilité familiale, l’éclatement des tribus pour des raisons de mutations sociologiques et économiques surtout avec l’exode et le taux d’urbanisation ont en quelque sorte appelée de nouvelles formes d’interventions de l’Etat, qui avec des moyens financiers limités a accentué le divorce Etat/citoyens.  –Deuxièmement, l’entreprise est appelée à l’avenir à jouer comme facteur de gestion des risques de l’existence. Cette question du partage des risques ouvre le débat concernant le développement d’un nouveau mode de développement, ni capitalisme sauvage, ni bureaucratie-étatique, fondé à la fois certes sur l’efficacité mais également sur une profonde justice sociale.  Le troisième acteur historique de la protection sociale, ce sont les marchés. L’épargne, l’assurance et la prévoyance ont été posées dès le début du XIXe siècle comme le principal moyen de se protéger contre les risques de l’existence.    Quatrièmement, entre ces trois ensembles d’institutions famille/tribus, entreprise, marchés, intervient l’Etat dont la fonction a largement évolué en tant qu’institution en intervenant en matière de protection sociale comme employeur, pour aménager le statut des fonctionnaires et avec l’institution de la Sécurité sociale, l’Etat fait de la protection sociale une de ses fonctions fondamentale.

 4- A  court terme, bien que la situation soit difficile avec les tensions budgétaires, contrairement aux supputations de certains méconnaissant la morphologie sociale, ou de certains faisant peur avec le calcul de préserver le statu quo en différant les réformes nécessaires versant toujours dans l’alarmisme, sans proposer de solutions réalistes, l’Algérie n’est pas en crise financière mais a besoin d’une nouvelle gouvernance. Mais attention à l’autosatisfaction : Il suffit d’aller enquêter dans les quartiers d’Algérie et de recueillir les sentiments des citoyens, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, pour constater qu’il existe une véritable crise morale, un sentiment d’injustice sociale et de révolte latente surtout d’une jeunesse désespérée de son avenir. L’Algérie a un répit seulement de trois ans pour changer de cap et éviter de vives tensions sociales 2019-2020.  La situation peut être maîtrisable, sous réserve d’une plus grande rigueur budgétaire et d’une lutte contre les surcoûts, le gaspillage et la corruption renvoyant au mode de gouvernance. Faute de réformes structurelles, évitant les replâtrages, le retour au FMI sera inévitable à l’horizon 2019-2020, avec d’inévitables tensions sociales et politiques avec des incidences géostratégiques facteur de déstabilisation de toute la région méditerranéenne et africaine (voir notre interview 28/12/2017 au quotidien American Herald Tribune).

5-L’Algérie est un grand pays et a toutes les potentialités de relever les nombreux défis. Les discours de sinistrose, sans analyse objective, répondent à des calculs politiques étroits et sont source de déstabilisation. Dans cette conjoncture de tensions budgétaires et sociales s’impose un large front national et le dialogue permanent ( voir notre interview TV Dzaier New’s 24/02/2018 et Chorouk Tv 26/02/2018)  regroupant toutes les forces politiques, sociales et économiques. Des intermédiations politiques et sociales crédibles, loin de ces organisations rentières,   entre les citoyens  et l’Etat sont  indispensables  pour trouver des solutions crédibles. Par ailleurs, la  réforme du système financier est considérée, à juste titre, comme l’indice le plus probant de la volonté politique des Etats d’ouvrir ou non l’économie nationale à la libre entreprise.   Je considère que le rôle de l’intellectuel n’est pas de fonctionner aux ordres, de produire des louanges par la soumission qui est contre-productive pour le pouvoir lui-même en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société. Méditons ces réflexions pleines de sagesse de John Maynard Keynes grand économiste du XXe siècle pour qui «il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur celui de ses concitoyen», du grand philosophe Aristote : «le doute est le commencement de la sagesse» et de ce proverbe amazonien «quand on rêve seul, ce n’est qu’un rêve mais quand on rêve tous ensemble, c’est déjà le commencement de la réalité.  En résumé, sur le plan extérieur, une coopération internationale est urgente notamment dans le domaine du renseignement et la mutualisation des dépenses militaires, mais devant concilier développement et sécurité. Sur le plan interne, du moins à court terme,  m’Algérie contrairement aux discours pessimistes démobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, ne traverse pas une crise financière mais une crise de gouvernance, risquant, si l’on n’y prend pas garde, de se transformer en crise financière horizon 2020. Les différents mouvements sociaux que connaît l’Algérie actuellement reflètent une dynamique sociale normale que connaissent maints pays. A ce titre je salue les directives en date du 27 février 2018  de son Excellence Mr le Président de la République, pour le cas des enseignants, d’ouvrir le dialogue entre le Ministère de l’éducation nationale  et les syndicats, les actions  autoritaires des deux cotés, étant une gouvernance  du passé, afin d’éviter des tensions inutiles. Et  la solution dernière reste le dialogue, toujours le dialogue productif, sans démagogie,  tenant comte de la situation sécuritaire, économique et sociale du pays.

ademmebtoul@gmail.com

 

Auteur
Pr. Abderrahmane Mebtoul

 




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