27 juillet 2024
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Pour une réappropriation de toute l’histoire et cultures de l’Algérie

Yennayer 2968

Pour une réappropriation de toute l’histoire et cultures de l’Algérie

Yennayer est une date phare dans le long combat pour la reconnaissance du fait Amazigh en Algérie, voire dans toute l’Afrique du nord. Depuis le printemps berbère de 1980, la célébration de Yennayer connaît un net regain d’intérêt. Ce qui donne souvent lieu tous les ans à un dîner copieux (Immensi n’Yennayer) à base, selon les régions, de couscous avec du poulet et légumes secs, chakhchoukha au poulet, seksou s’uchedhlouh (leqdid) (viande séchée)… en signe de bon augure pour que la saison soit pluvieuse et les récoltes abondantes.

La fête de Yennayer est marquée aussi par certains rituels auxquels les populations rurales, notamment, sont attachées, comme la coupe de cheveux aux enfants, le nettoyage des maisons, l’accueil du nouvel An avec des vêtements et des ustensiles neufs, (changement des Inyen el kanoun, soit les pierres du kanoun, de l’âtre)… Fêté quasiment dans toutes les régions d’Algérie et même par la diaspora algérienne en France, Canada, États-Unis… de nombreuses manifestations culturelles sont ainsi organisées à cette occasion : galas artistiques, conférences, tables rondes, émissions de TV… Et c’est l’occasion pour de nombreuses associations du mouvement culturel berbère ou Amazigh de renouveler une revendication ancienne : celle de la reconnaissance du premier jour de l’an Amazigh comme fête nationale. Le travail du mouvement associatif et culturel est enfin couronné de succès.

Sa consécration officielle par le président de la république lors du Conseil des ministres du 27 décembre 2017, comme journée chômée et payée, à partir de cette année, au même titre que le premier jour de l’an Hégire et le nouvel an chrétien, n’est que justice rendue et l’aboutissement légitime de plusieurs décennies de luttes. Yennayer est fêté tout les douze janvier en Afrique du nord, il marque le jour de l’An du calendrier agraire, utilisé depuis l’antiquité par les Berbères.

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Historiquement, c’est incontestablement au regretté militant des Aurès, Ammar Negadi (décédé à Paris en décembre 2008), précurseur du militantisme berbériste dans les Aurès, que revient l’honneur d’avoir proposé, entre autres, au cours des années 1970 la transcription du berbère par l’utilisation de l’alphabet Tifinagh ainsi que la date zéro du calendrier berbère, dont il est l’inventeur, à l’Académie berbère à Paris. Pour ce faire, il choisit l’an 950 av. Jésus-Christ correspondant à l’intronisation du Roi berbère Chachneq (Shechong), pharaon d’Égypte, qui réunifia ce dernier, conquit la Palestine et fonda la XXIIe dynastie qui régna sur l’Égypte jusqu’à l’an 715 av. J.-C. Cet événement ainsi que le roi Chachneq apparaissent bien dans la bible sous le nom de Sésaq et Shishaq en hébraïque. « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur », disait très justement Winston Churchill.

L’idée de Negadi a, sans doute, germé grâce à la mémoire collective de sa région natale, les Aurès, qui continue à présent à désigner Yennar ou Yennayer par l’expression berbère « Ass n’ferraûn », littéralement le jour du Pharaon. Il s’était lancé, dès lors, à corps perdu dans des recherches sur l’histoire de ce Pharaon berbère et plus généralement sur l’histoire des berbères, ce qui lui a permis de constituer un fonds documentaire de plus de 1500 ouvrages qu’il avait offert à la bibliothèque de sa Commune Thamarwant (Marwana) dans la wilaya de Batna. À cause de la bureaucratie et l’hostilité que suscite parfois cette question, ce fonds n’est, hélas, pas encore réceptionné.

La reconnaissance officielle de cette date historique participe d’un processus long mais inexorable d’appropriation d’une histoire, d’une langue, d’une culture et d’un patrimoine commun à tous les Algériens, voire à tous les Nord-Africains, injustement combattus et reniés jusque-là. Car l’un des aspects, le plus méconnu et le plus difficile à formuler, de la crise dont souffre l’Algérie depuis son indépendance est une réappropriation complexe et difficile de son histoire riche et son identité plurielle. Un conflit qui renvoie à l’univers des imaginaires collectifs, des visions et des représentations contradictoires que les différentes composantes de la société se font d’elles-mêmes. Il s’agit en d’autres termes d’un conflit né de l’incapacité des individus et des institutions à intégrer l’héritage historique et culturel de l’Algérie dans toute sa diversité et plusieurs fois millénaire.

Dans un élan légitime mais improvisé de réappropriation identitaire, le FLN a livré le champ culturel, au lendemain de l’indépendance, à un immense bricolage idéologique largement inspiré de la conception de l’association des uléma de Ben Badis. L’improvisation et la précipitation, ayant présidé à ce travail de reconstruction nécessaire, ont donné lieu à une mythologisation outrée de la personnalité arabo-islamique, soit une conception très appauvrie et surtout jacobine et idéologique de l’identité fondée sur l’unité culturelle et cultuelle forgée durant le mouvement national, excluant ainsi les différences culturelles et linguistiques pourtant très présentes à différents niveaux de la structure sociale. Une identité idéologique en décalage avec la réalité qui relève davantage de l’ordre du discours politico-religieux que de l’ordre du réel, une identité plus prescriptive que descriptive.

Au-delà de sa portée symbolique et sa légitimité incontestable, cette reconnaissance officielle est un facteur d’apaisement, susceptible de réconcilier les Algériens avec leur histoire et de favoriser un sens d’appartenance plus profond à une algérianité plurielle et apaisée. Et de sortir le pays des identités meurtrières et des identités folkloriques.

T. K.

Auteur
Tahar Khalfoune

 




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