Mercredi 23 décembre 2020
Pourquoi Sonatrach devra revoir la démarche de sa force de vente
Il ne sert à rien de venir devant l’opinion publique et présenter des bilans fallacieux qui ne ramènent rien de concret à l’économie nationale, notamment lorsqu’il s’agit de parler du groupe Sonatrach principal pourvoyeur de capitaux aux autres secteurs et des devises pour le fonctionnement de l’ensemble des circuits socio- économiques de l’Algérie.
La crise sanitaire due au Covid-19 a affecté l’ensemble des géants pétroliers qui ne le cachent nullement pour une simple raison que l’industrie pétrolière fonctionne en 3D, dans un marché décloisonné, déréglementé et désintermédié où tout est transparent où il est difficile de dissimuler l’information autant « jouer franc jeu ».
Dans la pratique des sociétés commerciales, une force de vente est composée d’éléments stables qui capitalisent et consolident l’expérience dans les transactions de l’entité qui les emploient. C’est cette démarche qui leur permet de constituer un réseau pour élaborer une fiche clients ou d’intermédiaires pour placer le produit dont elles sont chargées de vendre ou moins sans perte surtout dans des moments de crises conjoncturelles.
Tout porte à croire que la structure commerciale du mastodonte Sonatrach continue de ne compter que sur la vente par contrat et attend que les clients viennent taper à sa porte cette dernière décennie que ce soit pour les différents bruts ou le gaz du pétrole liquéfié (GPL) transportables.
L’exemple le plus simple à méditer par la commerciale est celui des producteurs de gaz de schiste américains acculés par leurs banques sont venus la concurrencer en faisant du dumping commercial sur les côtes espagnoles lui causant des trous dans son approvisionnement en gaz pour ce pays.
Même si les bateaux américains vendent parfois à perte, leurs propriétaires ont atteint leur objectif de ramasser du liquide pour sauver l’industrie du schiste américain et ils y ont réussi du moins pour cette période de forte crise due au ralentissement de l’économie mondiale caractérisé par une faible demande des hydrocarbures toutes les formes confondues et un prix relativement bas.
De février à novembre 2020, le Sahara Blend est vendu moins cher
Bien que la plupart des grandes raffineries modernes ou celles revampées sont conçues pour un mélange de brut comme feed-stock, le Sahara Blend algérien reste très demandé par les raffineurs de part sa légèreté, 34° API proche de la limite conventionnelle des 45° et ne contient que 0,1% de soufre qui leur évite la corrosion dans les colonnes de distillation.
Habituellement proche de la référence européenne Brent, le Sahara Blend a toujours bénéficié d’une prime de qualité entre 0,4 à 4 dollars. Il est donc très demandé dans de nombreuses raffineries européennes mais aussi celles de la côte est américaine, région où il existe une forte pression sociétale écologique. Il suffit uniquement de les identifier dans la liste de la clientèle en permanence.
Il est vrai que l’Algérie ne pèse pas lourd en quantité à vendre mais ses 400 à 450 000 barils jours rentrent comme composants et vital pour les liquidités du pays qui aurait besoin mensuellement d’un minimum de 2,5 à 3 milliards de dollars pour financer des importations incompressibles. Les raffineurs ne font pas de politique mais agissent en fonction des intérêts de leurs actionnaires.
Rappelons qu’en plein guerre froide entre l’AIE et l’OPEC, l’Arabie saoudite a passé un « deal » dit de « Netback »qui leur assure la marge pour augmenter les parts de marché de la compagnie saoudienne. Pourtant la nouvelle équipe de Sonatrach pour la première fois en Algérie est formée de jeunes, coachés par un poids lourd de la commercialisation des hydrocarbures en suivant le mastodonte dans toutes ses péripéties commerciales depuis les années 1970. Il s’agit de l’ex-vice-président commercialisation de Sonatrach appelé en renfort.
Avait-il les coudées franches ou serait-il face à un mauvais choix du facteur humain ? Difficile à en juger mais en général, un leader aussi génial soit-il ne pourra mener une équipe si elle reste insensible à toute symbolique patriotique, narcissique tournée vers elle-même et gère « la bouche ouverte ». Son schème motivationnel ne réagit à aucun stimulant moral. Le résultat ne sera que défavorable à l’entreprise.
Dans un draft arrêté mi-décembre 2020, le prix du baril moyen de l’année 2020 du Sahara Blend figure à 40,76 dollars contre 64,50 dollars en 2019. Une courbe établie par Oil Price (01) offre de curieuses données qui coïncident avec la mise en place de la nouvelle équipe commerciale de Sonatrach.
Ainsi du 20 février 2020 au 5 mars, notre brut aurait perdu – 5 dollars qui se sont accentués entre le 20 avril et le 10 juin à -15 dollars pour revenir à – 3 dollars entre le 5 septembre et le 20 novembre. Aujourd’hui par exemple, à l’heure où nous écrivons, le Sahara Blend a gagné par rapport au Brent + 0,56 dollars.
Mais en moyenne de l’année 2019, le baril du Brent a été coté à 43,05 dollars avec un point haut de 71,75 dollars et un autre bas de 15,98 dollars. On estime la perte annuelle du brut algérien par rapport à la moyenne de la référence qui lui est proche à 2,30 dollars.
On aurait totalisé un manque à gagner de près 1,5 milliard de dollars rien que dans la vente du brut, ce qui est l’équivalent de l’ensemble des charges du personnel qui figurent dans le rapport financier 2019 de 184 milliards de dinars (1 ,4 milliards de dollars). Il faut préciser qu’en dépit des réunions fréquentes des organes statutaires du groupe (CE, CA, AG), aucune coordination ne semble exister entre la commerciale et l’amont producteur pétrolier pour tenir compte des fluctuations saisonnières. Il est arrivé que l’amont programme des arrêts pour maintenance des gisements producteurs en hiver où la demande est importante et les prix intéressants, l’exemple de la brouille Sonatrach/Engie est édifiant.
Enfin selon l’agence Bloomberg dans un papier du 11 décembre en cours (02) (03), Sonatrach, qui exploite l’usine d’exportation de GNL d’Arzew, arrêté suite aux dernières intempéries, n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire. Au contraire, Sonatrach n’a proposé aucune cargaison sur le marché au comptant pour profiter de la remontée des prix et de l’augmentation de la demande hivernale, ce qui suggère que la société dispose de volumes limités à vendre.
La maintenance imprévue des installations de l’Australie et du Qatar a réduit l’approvisionnement mondial au cours des derniers mois, alors que la demande augmente de la part des clients à la recherche de volumes pour l’hiver. Le manque de cargaisons disponibles a poussé les taux au comptant asiatiques au plus haut niveau en environ deux ans.
Au moins deux navires de GNL sont au ralenti près du port d’Arzew, l’un d’entre eux – le Lalla Fatma N’Soumer – en place depuis le 1er décembre, selon les données de suivi des navires sur Bloomberg.
Rabah Reghis
Renvois