Le face-à-face entretenu entre le pouvoir central et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) s’est imposé, ces derniers jours, au cœur d’une actualité brouillée par le verrouillage des espaces d’expression plurielle et l’effacement du débat contradictoire.
Dans ce climat d’injonctions croisées, l’opinion nationale se retrouve sommée de choisir entre la menace de sécession brandie par Ferhat Mehenni et l’obligation de réaffirmer, sans nuance, son attachement à l’unité nationale. Cette confrontation, longtemps marginalisée dans le débat public, est désormais instrumentalisée par les deux camps, chacun alimentant la radicalité de l’autre. Entre la fermeté sécuritaire d’un pouvoir soucieux de préserver son hégémonie sociale et politique au nom de l’intégrité territoriale, et la rhétorique d’un mouvement qui se pose en incarnation ultime et unique d’un ressentiment régional, la Kabylie et l’Algérie en général semblent condamnées à naviguer entre Charybde et Scylla. Il y a péril et urgence,et en l’espèce, toutes les cartes et donc les responsabilités de ce qui peut advenir relèvent du pouvoir seul.
Un cadrage étatique qui se referme sur lui-même
Depuis son classement comme organisation terroriste en 2021, le MAK est appréhendé par les autorités exclusivement sous l’angle sécuritaire. Disons-le tout de suite, le MAK jusqu’à preuve fu ocntraire est un mouvement politique. Le discours officiel insiste sur le risque de fragmentation nationale, sur les influences extérieures et sur la nécessité de répondre avec fermeté à toute tentative de remise en cause de l’unité. Cette lecture univoque, en se focalisant sur la menace, reconduit l’idée que la répression constitue la seule réponse légitime. La réponse est déconnectée des réalités crues qui s’offrent aux citoyens.
Ce cadrage idéologique populiste se heurte à une impasse. En évacuant les dimensions historiques, culturelles et politiques de la question kabyle, le pouvoir s’enferme dans une logique défensive qui alimente les frustrations. L’absence d’espaces de dialogue, de mécanismes de médiation ou de reconnaissance pluraliste renforce un sentiment de confiscation du débat public. Le risque est alors de voir s’étendre une défiance diffuse, qui dépasse largement la seule région concernée.
Un mouvement qui prospère sur la polarisation
De son côté, le MAK s’efforce de construire son influence sur la dénonciation d’un « système » perçu comme uniformisateur et hostile à l’expression identitaire. La radicalité du discours de Ferhat Mhenni trouve un écho auprès d’une partie de la jeunesse kabyle, en Algérie comme dans la diaspora, marquée par le traumatisme politique du Printemps noir de 2001. Le mouvement s’enracine dans un ressentiment profond et réel, nourri par l’idée que la Kabylie a été laissée seule face à la répression sanglante du pouvoir, sans solidarité nationale manifeste à l’égard des 128 jeunes manifestants tués par balles réelles par des gendarmes, ni adhésion significative au projet politique fédérateur porté par la plateforme d’El Kseur, élaborée par consensus par les aarchs de Kabylie.
De cette désillusion est née un changement de paradigme progressive : le MAK est passé d’une revendication d’autonomie régionale à une option séparatiste assumée, ses dirigeants estimant que les voies institutionnelles étaient définitivement closes. Le mépris du régime a fait le lit de profonds ressentiments.
Cette dynamique est aujourd’hui entretenue sur les réseaux sociaux, où l’organisation diffuse un récit victimaire et polarisant, opposant un « peuple kabyle » idéalisé à un État présenté comme intrinsèquement oppressif, au risque de figer la question identitaire dans une logique d’affrontement sans débouché politique clair.
Toutefois, le mouvement n’échappe pas à ses propres contradictions : fonctionnement opaque, absence de stratégie politique crédible, alliances fluctuantes, dont la cohérence et les finalités interrogent et discours souvent déconnecté des réalités locales. Sa ligne de rupture totale, si elle peut mobiliser, ne propose pas d’horizon démocratique clair, laissant la question identitaire captive d’une logique de confrontation plus que de construction. Et sa proximité avec Israël etble courant de l’extrême droite en France n’est pas pour rassurer.
Une dynamique réciproque qui entretient la crise
L’un des aspects les plus préoccupants de cette confrontation réside dans son caractère autoréférentiel : la radicalité de l’un justifie la rigidité de l’autre, dans un cercle vicieux où chaque camp se légitime par l’excès qu’il attribue à son adversaire. Le pouvoir mobilise la rhétorique séparatiste pour resserrer son contrôle, légitimer la fermeture du champ politique et persister dans une logique visant à imposer un récit uniciste de l’identité nationale. Dans ce cadre, l’intégration de la dimension amazighe et de la langue tamazight est fréquemment présentée comme acquise, alors même qu’elle demeure largement cantonnée à des dispositifs symboliques, nourrissant le sentiment d’un décalage persistant entre reconnaissance constitutionnelle et réalité politique.
Ce rétrécissement du débat public et cette rigidification du discours institutionnel produisent également des effets sociaux et discursifs perceptibles. Sur les réseaux sociaux, certains groupes et individus se réclamant de courants idéologiques identifiables développent ainsi une rhétorique stigmatisante et injurieuse à l’encontre de la Kabylie, mobilisant un vocabulaire fortement péjoratif pour discréditer sa population et délégitimer les figures historiques qui en sont issues, allant jusqu’à relativiser, voire occulter, sa contribution à la Révolution.
Le MAK, en retour, s’appuie sur ce climat de fermeture et de stigmatisation pour renforcer son discours d’exclusion et son sentiment d’assiégement. Cette dynamique de rétroaction contribue à figer les positions, privant le débat national de toute nuance et enfermant la Kabylie dans une alternative faussée entre répression sécuritaire et surenchère identitaire.
L’impasse d’une gouvernance sans médiation
Au-delà du duel Pouvoir–MAK, la situation révèle un déficit structurel de médiation politique en Algérie. Les acteurs locaux porteurs d’un discours autonome mais non séparatiste – élus, universitaires, associations, forces culturelles – se trouvent marginalisés dans un contexte où toute critique est suspectée de collusion ou de dérive. La disparition de ces voix intermédiaires laisse le champ libre aux logiques d’affrontement, au détriment de toute perspective de sortie de crise. La chappe de plomb imposée depuis avril 2021 par le régime empêche toute possibilité de débats contradictoires et d’alternative.
Avec Tebboune on est dans l’incantation et la flagornerie avec le déni comme ligne de fuite. Dans un pays aussi pluriel que l’Algérie, la réduction de la question identitaire à un enjeu sécuritaire est dangereuse. Elle empêche de penser la diversité comme un socle de cohésion et non comme un risque. Elle fragilise le lien politique en imposant une unité proclamée plutôt que négociée et partagée.
Sortir du piège : un changement de paradigme nécessaire
Pour dépasser cette confrontation stérile, un changement profond de paradigme s’impose. Il passe par la réouverture du champ politique, la restauration de la confiance, la reconnaissance des expressions culturelles et linguistiques dans toute leur pluralité, mais aussi par la nécessité pour les acteurs régionaux de reconstruire un discours politique responsable, éloigné des simplifications dangereuses.
En d’autres termes, réaffirmer la dimension algérienne de l’identité nationale, telle que la concevaient les militants primo-indépendantistes du mouvement nationaliste des années 1940 qui proclamaient une Algerie exclusivement algérienne n’excluant aucune de ses composantes : ethnique, culturelle et linguistique.
Ni la fermeture autoritaire ni la radicalisation identitaire ne constituent une issue. Ce que révèle aujourd’hui la tension entretenue par le pouvoir autour du MAK, c’est la difficulté, pour l’Algérie, d’engager un débat national apaisé sur la diversité et l’appartenance. Tant que ce débat restera confisqué ou instrumentalisé, le pays demeurera pris entre Charybde et Scylla, condamné à naviguer entre deux périls nourris l’un par l’autre.
Sofiane Ayache


Donc l’autodétermination du pays kabyle est imminente , justement pour dissiper toutes ces malentendus ,on est pas et on serait pas obligé de suivre leur politique comme des moutons !
Le discours du pouvoir est réfutables sur tous les points évoqués ici.
Il parle d’unité nationale mais n’hésite pas à traiter même l’option autonomiste (admettons qu’elle soit viable sous un tel régime) de la même façon que la revendication indépendantiste.
Il ferme tout les espaces et s’étonne que les gens essayent de respirer ailleurs.
La réalité est que l’Algérie est un projet totalitaire. Sa création ne doit rien à ses peuples. Et son fonctionnement ne peut déroger à cet esprit. Faute de quoi il faudrait lui trouver un autre nom.
D’une Algérie française et rien que française, elle est passée, logiquement, à une Algérie uniquement arabe musulmane. Le pouvoir est au fond fidèle à la logique du pays.
Sinon pourquoi la berbérité est vouée à la guerre parallèle, intense, avec des moyens colossaux pour la détruire. Ses enfants sont condamnés à l’islamisation et à l’arabisation, à l’orientalisation en fin de parcours. Rien que dans le secteur éducatif, les enfants berbère doivent-ils étudier en arabe. On leur bourre quotidiennement le crâne avec l’histoire de l’Arabie, de l’islam raconté par les envahisseur ? Pourquoi ériger-elle l’a insulte de nos ancêtre dans tous les espaces publics en politique prioritaire ?
Sur le plan économique, ça fonctionne de la même manière. Les régions, Alger et grandes villes comprises d’ailleurs, n’ont pas cessé de devenir un fardeau, de vivre de l’assistanat que prodigue le Sud chaque jour qui passe un peu plus et ce depuis les années 70. Si, en 62, chaque région vivait de son travail, en 80, ça l’était moins, en 2000 encore moins et en 2025 le pays est totalement assisté et ce n’est pas fini. Les ´citoyens’ sont desorlais pieds et poings liés au pouvoir distributeur pour manger.