23 novembre 2024
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Quand je serai président, beaucoup vont fuir ma dictature (*)

REGARD

Quand je serai président, beaucoup vont fuir ma dictature (*)

« Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. Ce qui constitue une république, c’est la destruction de tout qui s’opposent à elle », Saint Just.

A l’indépendance, il y avait un vide sidéral dans tous les domaines avec le départ des troupes françaises et l’exode massif des colons. La population autochtone ne s’était pas préparée à se prendre en charge occupée à panser les plaies de la guerre, et fêter les retrouvailles sans se soucier du lendemain. Pour le peuple, seule l’indépendance compte. Le reste viendra après. Une révolution inachevée, le territoire a été libéré par les armes, le peuple manifeste pacifiquement et de façon civilisée sa souveraineté et son indépendance.

L’Algérie après la guerre recouvre son indépendance en plein chaos administratif et au milieu de règlements de comptes sanglants. Les troupes françaises quittent le pays, c’est la politique de « la terre brûlée ». Le départ précipité des colons en 1962 a créé un vide à tous les niveaux. C’est l’armée de l’extérieur, organisée et disciplinée, qui va combler ce vide et se substituer à l’autorité coloniale afin de maintenir l’ordre, sauvegarder l’unité nationale et défendre l’intégrité territoriale.

Au niveau de l’administration, les petits fonctionnaires sont survalorisés par le départ des fonctionnaires français ou assimilés et à la différence des moudjahidines, ils savent comment fonctionne l’appareil de l’Etat hérité de l’ère coloniale..

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La langue française est l’héritage le plus durable et le moins contesté de l’époque coloniale (butin de la guerre de libération). C’est sur les résidus de l’administration française, instrument redoutable de la domination française en Algérie (les Sections Administratives Spécialisées), que s’est construit un Etat national. C’est pourquoi, le contrôle de l’Etat et de son administration sont un enjeu capital sinon vital pour les parvenus de l’indépendance.

L’enjeu réside dans la maîtrise de l’appareil de l’Etat par le biais d’une mainmise sur les centres principaux d’allocation des ressources. Ainsi la couche sociale qui maîtrisera l’administration disposera d’un redoutable instrument de pouvoir. « Les nations ne peuvent avoir de tranquillité sans une armée et pas d’armée sans une solde et pas de soldes sans des impôts ». Il n’y a pas de nation sans Etat et pas d’Etat sans impôts. Les impôts et taxes ne peuvent être prélevés que sur une population active et non sur une masse oisive.

La fiscalité pétrolière s’est substituée à la fiscalité ordinaire jusqu’à la remplacer. C’est le couple pétrole-armée qui a permis de jeter les rudiments d’un Etat-Nation post colonial, atténuer plus ou moins les disparités, unifier les régions, fédérer les tribus, standardiser les modes de vie et de pensée, panser les traumatismes, assurer la stabilité. En dehors de ce couple, c’est l’éclatement. Mais c’est un équilibre fragile et instable qui échappe à la volonté des algériens.

L’extérieur est à l’affût pour exploiter la moindre opportunité pour intervenir et s’accaparer directement des richesses du pays en divisant les algériens sur une base géographique, ethnique, régionaliste ou religieuse, et les exemples ne manquent pas en Afrique.

Le danger est imminent. Si l’Etat n’a pas besoin de lever l’impôt, à quoi peut-il servir sinon corrompre ? Si l’armée est la tête de l’Etat, à quoi peut servir son bras armé sinon à réprimer ? Le régime s’est imposé par la répression et la corruption, la société civile est sa clientèle, L’Etat son fonds de commerce, l’administration son comptoir, la rente sa marchandise 

La France est une terre de culture, l’Algérie est une terre de soldats.

L’Algérie a été conquise par les armes, elle s’est libérée par les armes. C’est la « sacralisation des armes ». En posant la violence comme solution ultime au drame de la colonisation, la révolution du 1er novembre 1954 a été amenée à faire de l’armée, la source exclusive du pouvoir en Algérie. Forts de cette légitimité historique, les dirigeants algériens vont faire du secteur des hydrocarbures la source exclusive des revenus du pays rendant le recours aux importations incontournables à la satisfaction des besoins du marché local notamment en biens de consommation finale.

L’argent du pétrole et du gaz donne l’illusion aux hommes que le pouvoir est « éternel » et qu’il peut se transmettre de père en fils. Les régimes arabes déclinants sont rongés par le désir sanglant d’une transmission héréditaire du pouvoir (Syrie, Egypte, Libye etc…) à l’instar des monarchies arabes du golfe (Arabie Saoudite, les Emirats etc..).

Les démocraties occidentales (Etats Unis, Union européenne,) s’accommodent parfaitement de la présence symbolique des régimes politiques arabes sur la scène internationale car il y va de leurs intérêts.  Des intérêts qui coïncident avec les régimes en place. C’est la corruption des mœurs politiques.

Il existe d’ailleurs une relation inversement proportionnelle entre le niveau de prix du brut et le niveau de liberté des peuples. C’est dans ce contexte qu’un régime clanique militaro-rentier s’est installé durablement et confortablement en Algérie. Il a obtenu l’assentiment du peuple. Il dispense les algériens de réfléchir, de travailler et de produire. « Dormez, dormez braves gens, l’Etat veille sur votre sommeil » leur chuchote-t-il.

Les compétences s’exilent, la médiocrité s’installe, la corruption se propage, le népotisme s’étend. En s’emparant du pouvoir, l’homme investit l’Etat et fait de la religion un instrument de domination du peuple. Par la faute du pétrole et du gaz, nous avons un seul exportateur, des milliers d’importateurs, des millions de consommateurs. Par la grâce du pétrole, nous avons un Etat, une armée, des avions, des blindés, des bureaux, des comptoirs, des gadgets.

L’Algérie a produit plus de généraux que d’entrepreneurs. Nous n’avons plus de paysans, plus d’artisans, plus d’ouvriers, plus de balayeurs. L’Algérie se précarise. Elle offre à sa jeunesse à la force de l’âge comme perspectives que la caserne, la prison, l’exil ou le suicide. Par ignorance ou par calcul, on demande à l’Administration de promouvoir le développement sachant que ce n’est pas dans sa vocation. Est-ce un héritage d’un passé colonial récent ou une distribution clientéliste de la rente ?

Des walis sont nommés ministres, des oligarques investissent à l’étranger, les commerçants baissent les rideaux, les médecins émigrent, les étudiants se tapent la tête, les enfants se droguent, les bébés sont jetés dans les poubelles, les casernes font le plein, les prisons débordent, les campagnes se vident, les villes s’entassent. Les ordures s’amassent. Les rats circulent, les hommes se terrent, les femmes activent.

Avec la baisse continuelle du prix du baril de pétrole et l’absence d’une élite intellectuelle devant conduire les changements, le scénario d’octobre 1988 risque de se reproduire avec son cortège de morts et de disparus. Nous sommes un peuple émotif et non de raison. Comme la rente est versatile dans son volume et dans sa durée de vie, à chaque soubresaut, le peuple redevient un enfant. Il recherche un père protecteur et une mère nourricière. Et en dehors de l’armée et du pétrole, il n’a point de parents adoptifs. C’est un éternel enfant. Et comme toute personne immature, il lui faut de l’aide.

Enfant, il est né ; enfant, il le restera. Il a un attachement viscéral à la mère (la terre) et une peur maladive du père (l’autorité). Le cordon ombilical le reliant à l’Europe n’est pas coupé. Les oléoducs et les .gazoducs sont là pour en témoigner. Et ils sont sous bonne garde dans les profondeurs de la méditerranée. En surface, il y a les cadavres des harragas qui flottent et sur les bateaux des conteneurs des marchandises respirant de la cocaïne. C’est là le secret de la longévité du régime politique algérien. Mais cette longévité a un prix : la dignité d’un peuple meurtri qui ne coûte que l’équivalent d’une baguette de pain importée en pièces détachées réglée par les recettes en devises provenant de la vente des hydrocarbures décrétés propriétés, de l’Etat et non de la nation. Et comme l’Etat se confond avec le régime cela devient une propriété du régime.

Le sort du peuple est lié strictement à celui du régime. La dignité d’un peuple, c’est le jour de l’indépendance, elle ne dure que vingt-quatre heures, le reste c’est l’indignité. Hier c’était la colonisation française, à présent c’est la dépendance aux hydrocarbures. La spécificité de la société algérienne, c’est qu’elle ne permet pas aux forces de s’auto-transformer, de s’autoréguler, de s’accroître. Tout le monde s’abreuve à la même source.

C’est le couple armée-pétrole qui a donné naissance au mode de gouvernance en vigueur. L’édifice du régime est en béton armé. Il repose sur des fondations antisismiques. La façade politique est en carton-pâte servant de décor au regard  de l’étranger lequel n’est pas dupe mais soucieux de ses intérêts. La population étant réduite à une masse compacte sans poids et sans voix déambulant dans les rues sans but.

Le chômage de masse de longue durée risque de déclencher une violence des masses laquelle peut dériver sur une destruction massive irréversible. Un pouvoir que l’élite s’acquiert sur un peuple au moyen de sa dégradation morale. Tout peuple a les dirigeants qu’il mérite. Tout dirigeant n’est que le reflet de son propre peuple. « Malheur à un peuple qui se nourrit de ce qu’il ne produit pas et se vêtit de ce qu’il ne tisse pas» dit un adage populaire. Tout peuple dont la profession est de tendre la main à l’Etat pour recevoir et non pour donner, est un peuple condamné à être mal gouverné. Il est sujet et non citoyen.

La crise actuelle est la résultante de toute révolution armée dont l’objectif n’est pas la libération d’un peuple mais l’appropriation d’un territoire. La révolution du sourire se propose de libérer le peuple et de fonder un Etat de Droit. Elle est au milieu du gué. L’histoire va-t-elle se répéter, « un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre ».

La jeunesse n’est pas dupe, elle est instruite, elle connaît l’histoire : « Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez leur dire les choses les plus stupides et les plus crues » leur a appris Adolf Hitler. On ne peut nager à contre courant de l’histoire. 

Dr A. B.

(*) Le titre est une citation de Japhet Nsanzumukiza

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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