18 mai 2024
spot_img
AccueilIdéeQuelle stratégie pour l’industrie automobile en Algérie ?

Quelle stratégie pour l’industrie automobile en Algérie ?

ANALYSE

Quelle stratégie pour l’industrie automobile en Algérie ?

En février 2018 j’écrivais dans ce même journal (1): Sonacome a créé PVP (Production de Véhicules Particuliers) dans les années 1970 chargée de la production automobile. Depuis un demi-siècle nous avons importé des quatre coins du monde (Europe, Amérique latine, Asie) des centaines de milliers de véhicules circulant dans des villes sans parking et sur des routes dégradées.

Aujourd’hui, nous sommes ramenés à débattre sur des quotas d’importation de véhicules. En fait le problème du transport urbain (puisque que 80% des Algériens vivent dans un peu plus de 20 villes sur une bande littorale de 200 km), se résume aux importations ou au montage de modèles étrangers d’automobiles.

Durant un demi-siècle, l’Etat a omis d’assurer aux citadins un service public de transport en commun adéquat pour dissuader les ménages de se doter d’un véhicule pour chacun des membres majeurs d’une même famille. Et pourtant, il existe de grandes villes dans l’autre rive où l’usage d’un véhicule privé est superflu tant les transports en commun sont développés.

Les industries mécaniques, dont la production de véhicules automobiles en particulier, ont toujours été au centre de controverses entre des intérêts mafieux et une politique populiste désuète. Depuis plus de 20 ans plusieurs ministres de l’Industrie nous ont pondu des stratégies inconsistantes de montage, assemblage, fabrication et production de véhicules automobiles avec plusieurs grands constructeurs (Renault, Volkswagen, Hyundai)

- Advertisement -

Notons d’abord que bon nombre de pays, bien plus industrialisés que l’Algérie, n’ont pas de production d’automobiles.

Par ailleurs, observons les pays africains à l’instar de la Tunisie ou du Nigeria qui ont expérimenté ex nihilo, des projets de  montage ou d’assemblage, ont fini en fiasco. L’exemple du Maroc avec le Groupe Renault est particulier et repose sur une délocalisation de production de 375.000 véhicules/an et de divers composants, tournée essentiellement vers l’exportation.

Le constructeur Peugeot lui emboîte le pas et le Maroc se verrait  ainsi propulser au rang des grands producteurs automobiles dans le monde. L’expérience de Fiat en Turquie est aussi un autre «success story» qui place ce pays aussi parmi les grands. Sur d’autres continents Amérique latine et Asie, l’approche est toujours particulière.

Pour l’Argentine, le Brésil, le Mexique en Amérique latine et l’Iran, la Turquie, la RP de Chine, la Russie dans l’autre continent et pour chacun des ces pays, c’est en fait, un cas particulier et une histoire industrielle. Les niveaux des populations, d’industrialisation, du pouvoir d’achat et des besoins spécifiques sont très différents et donc aucune transposition de modèle ou de stratégie ne peut être faite. Le plus souvent, il s’agit d’une stratégie internationale de conquête de marchés de grands constructeurs en bonne intelligence avec l’Etat concerné soit indirectement avec des groupes locaux industriels puissants et bien implantés.  

Si nous revenons en Algérie, en 1986, j’ai eu à traiter au Ministère de l’Industrie lourde MILD le dossier de production de véhicules particuliers, de l’intégration et la production de pièces de rechange. Je ne souhaite pas ici aborder en détails la problématique mais seulement rappeler les conclusions :

1/ Les formules d’importations & assemblages sur place de kits pré-montés SKD (Semi Knocked Down) voire CKD (Complete Knocked Down) ne seraient point économiques en Algérie.

2/ Le rachat d’un processus complet (Outils d’emboutissage des carrosseries, chaîne de peinture, sellerie, outillage de fabrication des kits) d’un ancien modèle de véhicule avec assistance technique du constructeur. Il s’agissait en fait, d’une délocalisation d’une usine ancienne. Le Mexique a opté pour cette alternative avec Volkswagen pour continuer avec succès la fabrication de la «coccinelle».

3/ Offrir un environnement propice pour la délocalisation d’un constructeur en Algérie (exonérations fiscales, zone franche portuaire, garanties d’achat d’un quota de véhicules produits localement).

Déjà en 1986 la formule (1) fut écartée car le prix du CKD ou SKD serait supérieur au prix d’importation du fait de la robotisation qui avançait à pas de géant. Ajouté à cela, la sous-traitance locale inexistante et le climat des affaires non attractif.

Pour la formule (3) le port Bellara de Jijel semblait approprié pour être une zone franche mais notre système administratif le rendait inopérant. Quant à la formule (2) nous avions une offre de Maruti (India) pour les petites voitures et de Tata (India) pour les pick-up. La taille des véhicules semblait trop petite pour nos décideurs et la marque «Tata» pour les pick up n’a pas suscité d’enthousiasme.

L’Algérie a donc continué d’importer des lots de véhicules de divers pays (Europe, Japon, Brésil essentiellement) et a connu tous les déboires des pays sous développés avec des trafics en tous genres :

  • Importations frauduleuses à l’instar des véhicules ZH

  • Acheminement par des réseaux mafieux de véhicules de luxe volés en Europe

  • Augmentation des accidents de la circulation pour cause de pièces de contrefaçon

Ces 20 dernières années, en la matière que s’est-il passé ? Rien à mes yeux qui soit nouveau ou surprenant. L’importation des véhicules a été confiée tout azimut à des entreprises privées avec obligation d’assurer un service après vente d’une part et d’investir dans l’intégration d’autre part. Pour le service après-vente, sur le plan technicité et qualité nous sommes toujours médiocres.

La majorité des importateurs sont bien plus des commerçants que des industriels. Tous, sans exception, ont fait d’énormes profits dans les ventes dopées par le crédit et leasing. En matières d’investissement, les choses sont plus critiques.

Aucune société privée n’a de stratégie à long terme car l’Algérie entière navigue à vue. Les revenus en devises suivent les cours volatils du pétrole et donc tous savent que leur activité en dépend étroitement.

Aucun ne croit d’ailleurs à une industrie automobile prospère ni même les gouvernements successifs et donc feignent d’y croire en limitant leurs engagements et en allongeant la durée cette contrainte d’investir dans l’industrialisation.

Voici la stratégie : Booster les ventes et faire un maximum de profits (marge, surfacturation, vente en 2ème main) le plus vite possible et investir le moins et le plus lentement possible.

Des fortunes colossales ont été bâties en US$ en moins de 10 ans par des oligarques qui ne sont pas des capitaines de l’industrie de l’automobile mais des «businessiyas».

Aujourd’hui, malgré la chute des cours pétroliers, quelques importateurs continuent à siphonner les recettes en devises de l’Etat par un simulacre grossier d’intégration avec la complicité des autorités (Banque d’Algérie et Ministère) et l’appui inconditionnel de banques publiques.

Voici un autre scandale, au su et au vu de tous les Algériens, l’importation de véhicules de luxe en devises tout en activant la planche à billets.

En définitive, je vous livre mes conclusions : il n’y a jamais eu de stratégie industrielle automobile cohérente en Algérie.

Quand on est dans la «Hisaba», l’importation de véhicule est une sacrée source de «easy money» en devises.    

Liès Goumiri

https://lematindalgerie.comlalgerie-besoin-dune-strategie-industrielle-globale-et-coherente

 

Auteur
Liès Goumiri

 




LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents