Samedi 15 juin 2019
Qui a intérêt à embraser le Moyen-Orient ?
Le jeudi 13 juin 2019, deux tankers, un norvégien et un japonais, ont pris feu dans le détroit de Hormuz, abandonnés par leurs équipages et à la dérive. Reliant le Golfe persique à la mer d’Oman, le détroit d’Hormuz, long de 63 km et large de 40 km se situe entre Oman, l’Iran et l’Arabie saoudite.
Les conséquences ont été immédiates. Comme chaque jour, 18 millions de barils de pétrole, soit 20% de la consommation mondiale, transitent en effet par cette zone maritime stratégique, les cours du brut ont de suite grimpé de 4% peu après l’annonce des incendies à bord des navires, le prix du baril dépassant les 62 dollars. L’incident est d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas le premier dans cette zone en première ligne des tensions persistantes entre l’Iran d’une part et les Etats-Unis et ses alliés arabes du Golfe de l’autre. C’est une escalade qui a commencé bien longtemps mais sans révéler le mystère de celui qui tire réellement les ficelles. En effet, en janvier 2008, cinq bateaux à moteur iranien armés se confrontèrent à trois navires de guerre de l’armée américaine, menaçant de les faire exploser.
L’officier supérieur dans la région à l’époque, l’amiral Kevin J. Cosgriff avait alors qualifié les actions iraniennes « d’inutilement provocatrices ». Le 22 avril dernier, à la suite des pressions exercées par les États-Unis, l’Iran avait menacé de suspendre le trafic maritime du détroit d’Hormuz. Le 12 mai, au total quatre tankers étaient attaqués dans le golfe d’Oman, deux saoudiens, un norvégien ainsi qu’un émirati. Une investigation menée par les Émirats Arabes unis, publiée le 7 juin dernier révèle l’utilisation probable d’explosifs magnétiques attachés aux coques. Suite à l’incident, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite avaient alors qualifié l’incident de « sabotage ».
Les États-Unis avaient accusé l’Iran qui nie encore toute implication. Deux jours plus tard survient une attaque revendiquée par les rebelles houthis : des canalisations d’importance stratégique sont frappées par des drones, obligeant l’Arabie saoudite à suspendre momentanément ses exportations vers l’ouest du pays. Les attaques ciblées, dont on présume qu’elles sont d’origine iranienne, qui selon certains analystes pourraient mener à une nouvelle guerre hybride régionale devraient être discutées au prochain G20, prévu fin juin au Japon.
Pour ce dernier incident d’hier, les choses n’ont pas évolué car chacun taquine l’autre sans en mesurer les conséquences qui pourraient attiser les nombreux conflits dans la région. Il faut préciser par ailleurs que les tensions dans la région vont au-delà des rivalités entre l’Iran et les États-Unis. De fait, l’Arabie saoudite et l’Iran sont tous deux engagés dans une série de guerre proxy dans la région, notamment le Yémen. Ces dernières provocations surviennent durant la visite du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, en Iran dans l’espoir d’apaiser les tensions. C’est une visite historique puisqu’aucun Premier ministre japonais ne s’était rendu en Iran depuis quarante ans.
Proche allié des États-Unis et partenaire économique important de l’Iran, le Japon se positionne en tant que médiateur entre Téhéran et Washington donc muni d’un accord formel du président des Etats-Unis Donald Trump. « Personne ne veut une guerre. Le Japon souhaite jouer un rôle primordial dans sa capacité à atténuer les tensions, tel est l’objectif de mon voyage », a confié le Premier ministre japonais aux médias ce jeudi.
Pour le chef suprême iranien Ali Khamenei, « s’il y a eu une montée des tensions dans la région, c’est à cause de la guerre économique américaine contre l’Iran. Quand cela s’arrêtera, nous assisterons à un changement très positif dans la région et dans le monde » assurait-il hier lors d’un immense rassemblement pour commémorer la mort de leur père spirituel Khomeiny. Il faut dire que le détroit d’Hormuz, par le manque d’alternatives d’acheminement, est l’étranglement le plus important au monde pour le transport maritime de pétrole, pétrochimie et gaz naturels.
Bien que l’Arabie saoudite bénéficie d’une route alternative composée de pipelines vers le port de Yanbu sur la côte de la mer Rouge, ainsi que les Émirats arabes unis, les autres pays producteurs du Golfe, Iran compris, dépendent du détroit, renforçant la nécessité de stabilité géopolitique. Un embrasement éventuel dans cette région fera grimper le prix du baril à plus de 200 dollars selon de nombreux analystes.