Lundi 9 septembre 2019
Quitte ou double ou le dernier tournant
Le constat est établi par la plupart des Algériens (pas seulement des spécialistes des sciences sociales : historiens, politologues , sociologues…) : le pays a raté sa décolonisation en 1962 ; révolution avortée, indépendance confisquée, fleuve détourné, les qualificatifs sont nombreux.
Le système colonial dont les méfaits et les crimes ne sont plus à décrire est remplacé (reconduit disent certains) par un autre système tout aussi prédateur et discriminatoire : les colons français chassés , d’autres colons drapés dans l’emblème national ont pris le relais. Les Algériens sont restés dans leur grande majorité les indigènes qu’ils étaient de 1830 à 1962, avec la carte d’identité nationale algérienne en guise de statut d’hommes et de femmes libres, ayant accédé formellement à l’indépendance et à la dignité. Sous le règne de cette nouvelle caste, l’Algérie est mise sous le boisseau, privatisée pillée et ses ressources mises à la disposition de familles, d’amis et de copains affairistes nationaux et /ou étrangers, pendant que les jeunes algériens sont voués à l’errance et à l’exil.
En février 2019, l’heure de la révolte massive a sonné, après moult tentatives isolées, notamment en Kabylie, durement réprimées et parfois dans un bain de sang (1963, 1988, 2001…). C’est un moment historique décisif. Ou ça passe ou ça casse, pari tragique s’il en est ! Mais on n’a pas le choix, la révolution en cours doit triompher, les Algériens l’ont bien compris : l’échec est inconcevable tant le prix à payer serait exorbitant !
D’instinct, les millions de personnes qui déferlent dans les rues des cités algériennes savent que le retour du système si décrié serait terrible pour eux et leurs enfants. C’est quasiment uns question de vie ou de mort. Quitte ou double !
Il faut aussi être lucide, le triomphe de la révolution et donc la fin du système ne signifie pas le bonheur immédiat. Le pays est exsangue, en ruine ; il faudra le reconstruire.
De nombreux secteurs de l’armature nationale (éducation, économie, culture, institutions…) sont délabrés, nécessitant une mise à plat pour être rebâtis à partir de zéro ou quasiment. Cela requiert du sacrifice, du temps, de la patience, de la méthode, donc un nouvel Etat fondé sur de nouveaux principes de gouvernance, voire une nouvelle philosophie pour l’avenir de la nation algérienne. C’est aussi cela la lutte ; l’abandonner en rase campagne, serait rééditer l’expérience douloureuse et fort coûteuse de 1962. On ne peut pas faire marche arrière ; c’est le dernier tournant. C’est mon point de vue.