26 avril 2024
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Ramadhan 2023 : ventre affamé, couffin vide…

Ramadhan

En ne se préoccupant que des besoins matériels de la société, la classe politique a fermé les yeux sur le mécontentement, les frustrations voire le désespoir des populations, sentiments qui caractérisent une société en voie de perdre son âme. La société est un corps moral qui souffre ou prospère à travers les activités morales de ses membres.

La santé morale d’une société exige une certaine harmonie entre les aspirations, les expériences et les réalisations, les accomplissements entre les rêves et les réalités, entre les revendications et leur satisfaction.

Richesse matérielle et misère morale se conjuguent au présent. L’argent facile fascine dans une société où « l’être se cache derrière le « paraître », et le « je » derrière le « nous ». C’est ainsi que le paraître est considéré comme plus que l’être.

C’est le primat de l’émotion sur la raison, le virtuel sur le réel, le paranormal sur le normal, le court terme sur le long terme. Il nous faut tout, tout de suite et sans effort comme nos gouvernants de la villa du colon déclaré vacante aux comptes offshore dans les paradis fiscaux, au lait de chèvre au lait de vache, du blé dur au blé tendre, de la galette traditionnelle à la baguette parisienne, du gourdin au couffin, du programme antipénurie des années 1980 aux pénuries  programmées des années de souveraineté dans la dépendance et la corruption.au nom du développement.

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Les Algériens se sont débarrassés du bleu de travail de la colonisation pour enfiler la djellaba blanche de l’indépendance. Ils ont retiré les bottes de paysan pour porter les claquettes du citadin.

Du silence religieux des campagnes au vacarme étourdissant des villes. Pour le défunt Président Boumediene « les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux, un peuple qui a faim n’a pas besoin d’écouter des versets, je le dis avec toute la considération que j’ai pour le coran que j’ai appris à l’âge de dix ans. Les peuples qui ont faim ont besoin de pain, les peuples ignorants de savoir, les peuples malades d’hôpitaux ».

Ce discours s’inscrivait dans le courant de pensée qui soutenait à l’époque que la modernité allait faire disparaître le religieux. Au cours des années 70, les idéologies matérialistes (marxisme, léninisme, maoïsme etc…) dominaient la pensée et les débats publics. Pour les révolutionnaires du tiers monde, l’idée d’Etat national était plus importante que la religion.

La philosophie du progrès qui garantissait le bonheur des peuples sur terre élaguant les problèmes existentiels à plus tard. Les révolutionnaires de la première heure, éduqués dans le culte des lumières de la révolution française se retrouvent plongés dans le culte des ténèbres de la révolution bolchévique dont ils ignoraient les tenants et aboutissants.

La boulimie des citadins pour des produits importés contre la frugalité des paysans (consommation des produits du terroir). Ce sont les tripes qui commandent et non pas les neurones. C’est la politique par le bas celle du ventre. Les algériens tiennent plus à remplir leurs ventres à partir des importations qu’à sauver leur âme malgré leur fréquentation nombreuse et assidue à la mosquée. Le pouvoir maîtrise parfaitement les ressorts de la société algérienne. Et il les manie avec brio.

Déjà dans l’empire romain, un poète disait que « pour bien gouverner, il fallait au peuple du pain et des jeux ». Ainsi le peuple pouvait se nourrir et se divertir et laisser les gouvernants vaquer à leurs occupations.

En lui assurant de la nourriture et des jeux, on l’empêche de rentrer dans le jeu politique et ainsi on évite les révoltes, les émeutes, les contestations. En procédant à la redistribution de la manne pétrolière et gazière à des fins de légitimation, l’Etat naissant « dépolitise » la société en « l’infantilisant ». Infantiliser la société, cela consiste à agir envers la société comme si elle était un enfant. L’enfant est celui qui n’a pas la capacité de parler ou d’agir, il doit obéir. L’infantilisation s’est développée avec l’Etat providence.

L’Etat est là pour le protéger, le surprotéger, veiller sur son sommeil et sur sa nourriture. L’infantilisation touche tous les individus, se propage dans tous les domaines de la vie en société. Même si elle n’est pas consciente, elle aboutit à un déséquilibre psychique de l’individu difficile à stabiliser (une tête d’enfant dans un corps d’adulte). Après 60 ans d’indépendance, le peuple algérien est devenu un peuple « nourrisson » qui court derrière le « sachet de lait » produit à partir de la poudre importée.

Qui osera le « sevrer » ? Il sera aussitôt « mordu ». Tel un nourrisson, pour éviter qu’il crie, on lui présente le biberon ; pour l’empêcher de se mouvoir, on serre un peu plus la lange. L’Etat est là pour répondre aux besoins nutritionnels et non aux besoins relationnels de la population (besoins de se dire, d’être entendus, d’être reconnus, d’être valorisés, bref d’exister).

Du haut en bas de la pyramide, perdre le pouvoir, c’est perdre la propriété acquise et la seule possibilité de s’en protéger c’est de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens. De nombreuses « certitudes étatiques » vacillent (fascination de l’Occident) au profit « des certitudes religieuses » (Retour brutal du religieux). Après soixante ans d’indépendance, l’Etat algérien post colonial s’est avéré plus un Etat rentier qu’un Etat laborieux. Un Etat qui repose sur la démobilisation de la société grâce à une manne pétrolière.

D’un autre côté, un Etat qui n’a pas besoin de taxer sa population n’a pas de compte à lui rendre. Une société indigente qui dépend de l’étranger pour sa subsistance et qui ne réclame pas de travail pour produire sa propre nourriture est une société en voie d’être cédée au plus offrant. Ce sont les sources pétrolières et gazières qui alimentent le budget de l’Etat (75 %) et remplissent le couffin de la ménagère (98 %).

Au fur et à mesure que le pétrole devient la principale activité économique du pays et le premier secteur d’exportation, les gouvernements tendent à être de plus en plus dépendant des revenus pétroliers et gaziers. Ceux-ci deviennent la source majeure des revenus de l’Etat, l’unique source de devises étrangères et finalement la base économique du pouvoir en place.

Cette dépendance accrue envers les revenus pétroliers et gaziers affecte négativement la capacité de l’Etat et l’aptitude du gouvernement à prendre a en charge les besoins des populations.

Nietzsche écrit : « L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids : il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : “Moi, l’État, je suis le Peuple. » »

Dr A. Boumezrag

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