« Raqqa, nid d’espions » de Yannick Laude
Raqqa, ville de Syrie, ancienne « capitale » de « l’État islamique ». C’est là que se déroule l’histoire imaginée par Yannick Laude dans son dernier roman dont le titre est Raqqa, nid d’espions.
Le lieu de l’intrigue étant connu, il serait bon d’aller au-delà des clichés et de l’aplomb à mettre en scène une histoire policière précisément à cet endroit si dangereux de la planète djihadiste. Ce n’est pas la première fois que l’auteur est confronté à cette ville et à ce moment précis de la geste islamiste. Il avait déjà publié, chez le même éditeur, un précédent roman qu’il a intitulé « Meurtre à Raqqa ».
C’est à travers la narration de Merwan Milet, chef de la police de la ville de Raqqa, kurde (et ce point est loin d’être anodin quand on connait la haine des kurdes chez les islamistes de Daesh), cultivant les apparences d’un personnage asservi et déférent, que nous voguons au centre l’intrigue.
Nous voilà en compagnie d’un prestidigitateur qui est l’incarnation du militant convaincu mais qui maintient haut dans sa façon de se conduire cette honorabilité qui manque à beaucoup. C’est là que se trouve la performance de Yannick Laude, nous offrir un portrait avenant d’un individu qui mérite notre désapprobation, et même notre détestation. La dérision et la fantaisie sont des qualités dont le personnage a été doté pour se sortir des situations les plus catastrophiques. Et par là même de protéger les siens.
Autour de Merwan Milet vaquent à leurs affaires certains acteurs de cette faction qui a dirigé Daesh et qui, eux, sont sincères dans leur engagement. Tout est mis pour restreindre le champ d’action de notre personnage qui éprouve énormément de difficultés.
Les rebondissements ne manquent pas. Comme policier, sa fonction lui impose d’enquêter dans un cadre que la totalité de ses confrères ne connaissent pas. La principale préoccupation de notre détective est de ne pas dévoiler sa pensée profonde. Il lui faut donc sans cesse rasséréner ses chefs en cachant ses véritables opinions. Dans cette fiction, il faut également noter la présence d’une espionne française totalement déconcertante que le narrateur regarde avec bienveillance.
Raqqa, nid d’espions est un roman au réseau complexe où se chevauchent de multiples entrecroisements dans lesquels nous nous laissons emporter avec angoisse en suivant le cheminement de notre paladin qui nous donne des sueurs froides. C’est à l’évidence un grand roman que nous dédie Yannick Laude.
Kamel Bencheikh
*Raqqa, nid d’espions, Yannick Laude, Editions Albin Michel, 2022