9 mai 2024
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Reboiser oui, mais comment ?

DECRYPTAGE

Reboiser oui, mais comment ?

Si chacun œuvre de son côté, la forêt se reconstituera en harmonie.

Récemment une commission intersectorielle a été installée pour mener à bien une campagne de reboisement visant la plantation de 43 millions d’arbres pour cette année.

Ce plan de reboisement doit impérativement traduire une vision cohérente des préoccupations forestières et écologiques du pays.

Nasser Lebed, auteur de l’article intitulé « Campagne de reboisement : Place aux arbres du terroir » (publié par le quotidien El Watan en date du 03 octobre 2019), préconise « la plantation des arbres de terroir pour donner à nos campagnes, montagnes, villages et villes plus d’esthétique et par la même respecter la loi de la nature des quatre saisons ».

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Cette initiative, somme toute louable, mérite tout de même d’être analysée sous divers angles à savoir :

1. Le profil forestier de l’Algérie

En Algérie, les forêts, les reboisements, les maquis et les garrigues occupent une superficie d’environ 4 100 000 ha (*), néanmoins chaque année environ 36 000 ha sont parcourus par les incendies. La forêt algérienne est directement liée au climat méditerranéen qui caractérise tout le nord de l’Algérie. Ces forêts sont hétérogènes et inégalement réparties en fonction de la distribution des méso-climats, de l’orographie et de l’action anthropique (les forêts climaciques sont assez réduites).

Les caractères du milieu confèrent à la forêt une vulnérabilité et une fragilité accentuées par une exploitation qui dure depuis quelques millénaires. La dégradation ancienne de la forêt a entraîné un déséquilibre important entre les superficies existantes et les superficies potentielles.

Sur les 48 wilayas que compte l’Algérie, 40 disposent d’une couverture forestière. Les huit wilayas du sud sont dépourvues de forêts. La wilaya d’El Tarf dispose du taux de couverture forestière le plus élevé (57,51%), alors que pour la wilaya de Naâma le taux de couverture n’est que de 0,36%. Pour ce qui est de la superficie forestière, la wilaya de Batna vient en tête avec 314 565 ha tandis que la wilaya d’Alger avec 5000 ha ferme la marche.

Les 4,1 millions de couverture forestière ne représentent qu’un taux de boisement de 10,89 % en ne considérant que le nord du pays, et seulement 1,72 % si l’on se réfère à l’ensemble du territoire national. Dans les deux cas, cette couverture forestière est nettement insuffisante en comparaison au taux mondial estimé à 25 %. 

(*) 21,5 % de pin d’Alep, 5,6 % de Chêne liège, 2,6 % de chêne vert, 1,2 % de chêne zen & chêne Afares, 1 % d’eucalyptus, 0,8 % de pin maritime, 0,4 % de Cèdre de l’Atlas, 3 % autres (thuya + genévrier + frêne), 17,5 % de reboisement & protection et 46,4 % de maquis + broussailles + Vides.

2. Les travaux sylvicoles

Les travaux forestiers doivent être réalisés avec soin et selon les normes environnementales. Ils englobent :

  • La plantation : qui va de la production de plants à la mise en place en passant par les travaux de préparation du sol ;

  • La transplantation : il s’agit du déplacement des arbres ;

  • Les régénérations naturelles : qui vont du crochetage du sol aux dégagements et dépressages ; 

  • La conduite des jeunes peuplements : qui inclue les désignations, les tailles de formation et l’élagage.

Afin de réussir sa plantation forestière qu’elle soit feuillus ou résineuse, il est primordial de disposer de sujets d’origine génétique reconnue, c’est-à-dire des matériels forestiers de reproduction (MFR).

Les plants mis sur le marché doivent répondre à des normes de   qualité extérieure et être accompagnés d’informations sur leur qualité génétique.

Tout au long de la chaîne de production et jusqu’à la plantation, un certificat reconnu par l’état doit suivre les jeunes plants (ce qui permettra de remonter jusqu’à l’origine des graines utilisées).

3. La plantation et le reboisement

Pour replanter les parcelles de forêt, il est nécessaire de procéder à l’enlèvement des souches, au débroussaillage et au labour (si nécessaire).

Pourquoi le métier de « reboiseur » est essentiel à l’avenir des forêts ? Cette question trouve sa réponse dans le fait que les tâches effectuées par les professionnels du reboisement sont autant multiples (préparation des sols, plantations, suivi de la croissance des plants) qu’indispensables car concourant à l’entretien de la forêt. 

Une forêt n’est adulte qu’au bout d’une vingtaine d’années au minimum. La réussite des reboisements dépend grandement des conditions climatiques. Une erreur commise en forêt est très souvent irréparable. C’est pourquoi, le professionnel du reboisement est tenu d’assurer le suivi du développement pendant toute cette période, tant par la reprise des plants que par les opérations successives (qui doivent être réalisées en temps et lieu) dont il a la charge.

4. La forêt en tant que patrimoine vivant

C’est pendant sa phase de croissance qu’une forêt reconstitue son stock de biomasse. Grâce à la photosynthèse, la forêt fonctionne comme une véritable « pompe à CO2 » qui stocke dans le bois et les sols le CO2 atmosphérique.

Exploiter la forêt c’est préserver la biodiversité, développer l’utilisation du bois comme matériau, limiter l’utilisation d’énergie fossile, retenir et fertiliser les sols, créer des ressources économiques et des zones de loisirs et de détente. 

Outre la plantation, l’entretien et l’exploitation du patrimoine forestier, les compétences des professionnels des travaux forestiers et de la gestion forestière doivent impérativement être aussi mises à profit pour la constitution de surfaces boisées sur les zones délaissées ou perturbées par les activités industrielles comme sur les terrains délaissés par l’agriculture.

Investir dans l’entretien et le développement des forêts crée un lien durable entre l’homme, la nature et les besoins de la société. 

5. La photosynthèse suralimentée

La réaction de photosynthèse (mot dérivé du grec phos, « lumière ») consomme du dioxyde de carbone (CO2) de l’air et de l’eau pour produire des dérivés des sucres. Pour fabriquer cette matière organique, les cellules des végétaux possèdent des compartiments appelés chloroplastes qui contiennent des pigments – comme la chlorophylle de couleur verte – transformant l’énergie lumineuse en énergie chimique.

Des modèles informatiques de la photosynthèse offrent la possibilité de tester virtuellement des milliers de changements de l’activité des gènes impliqués dans la photosynthèse. Les chercheurs peuvent aussi étudier l’impact théorique de l’intégration de gènes étrangers à la plante sur le rendement énergétique, et identifier les meilleures cibles à manipuler génétiquement. Ainsi l’intégration d’ADN d’algues et de bactéries pourrait augmenter la productivité de 60% !

Attention ! L’effet des modifications génétiques sur la physiologie générale de la plante doit être pris en compte. Exemple, retoucher une enzyme clé de la photosynthèse, telle que la Rubisco, pourrait avoir des conséquences plus larges. Celle-ci riche en azote, est un élément important notamment pour la fabrication des graines. Améliorer la photosynthèse, c’est donc aussi prendre le risque de perturber d’autres fonctions capitales pour la plante.

6. La multitude des tâches à accomplir

Les tâches réalisées par les entreprises du secteur forestier sont multiples et variées. Elles se résument comme suit :

  • Préparer le reboisement 

Installer une régénération forestière naturelle ou artificielle nécessite des travaux préparatoires à l’instar du broyage ou des travaux de sols. 

Le broyage permet de nettoyer les parcelles des rémanents d’exploitation des coupes précédentes, ou de la végétation existante, tout en gardant sur le site la matière organique, qui peut servir à la fois de paillage ou d’engrais naturel. 

Le travail du sol est aussi une étape importante. Il existe plusieurs solutions en fonction de la taille de la parcelle, de la qualité du sol et du résultat souhaité. Dans tous les cas, il faut bien veiller à ne pas retourner les sols car leur richesse se trouve dans les 30 premiers centimètres.

  •  Développer et entretenir la forêt

Le travail forestier est un art qui doit concilier l’esthétique du paysage, les contraintes économiques et la satisfaction des attentes des « utilisateurs » : Si le bois de la forêt est une ressource, l’exploiter a un coût, l’abandonner en a aussi un !

  • Planter des arbres

Bien que la période de plantation s’effectue généralement d’octobre à mai, les spécificités de chaque essence, des sols et des conditions météorologiques sont si déterminantes qu’elles conditionnent la réussite du reboisement. 

  • Veiller à la croissance des plants

Les dégagements nécessaires à la croissance des plants peuvent être réalisés de différentes manières. Le reboiseur doit se projeter dans le temps pour échelonner les coupes sur plusieurs décennies. 

  • Procéder à l’élagage au sol 

L’élagage est l’activité qui consiste à couper (à l’aide d’une canne à élaguer) les branches latérales (ébranchage) du fût d’un arbre pour en orienter ou limiter le développement afin de restreindre la présence ultérieure de nœuds lorsque l’arbre sera débité en planches. Cette technique permet de valoriser l’arbre et de produire un bois de bonne qualité. 

  • Procéder à la taille de formation

La taille de formation se pratique sur les jeunes arbres afin de maintenir un équilibre entre les racines et la ramure. Elle permet de sculpter la silhouette future de l’arbre en supprimant certaines parties pour ne privilégier que les branches charpentières et les branches secondaires qui donneront une forme harmonieuse à l’arbre. Cette technique améliore la forme des troncs et les rend plus droits et plus hauts.

7. La technologie

Il faut savoir que la meilleure solution actuelle pour reboiser rapidement et sans risque les zones déforestées consiste en l’utilisation de drones équipés d’une caméra multispectrale associée à un ‘Lidar’.

En survolant à basse altitude les zones déboisées, ces drones cartographient à l’aide d’une caméra multispectrale associée à un Lidar pour une représentation 3D centimétrique du terrain. Ce procédé permet d’identifier précisément les espèces végétales, les nuisibles éventuellement présents, les souches et les arbustes. 

Les drones ‘planteurs’ peuvent alors larguer de petites capsules biodégradables (paquets de semences associés à des éléments nutritifs) comme des missiles pour planter des arbres à grande échelle aux endroits les plus appropriés. Avec cette méthode, le taux de germination est optimal.

A titre d’information, dix de ces drones seraient capables théoriquement de planter jusqu’à 400 000 arbres par jour !

8. L’organisation

Le succès d’une telle entreprise dépend essentiellement de son organisation. Celle-ci est considérée comme étant performante quand elle utilise au mieux ses ressources (matérielles, humaines et financières) afin d’atteindre ses objectifs.

De ce fait, des structures horizontales avec un management beaucoup plus collaboratif devront être mises en œuvre. En d’autres termes, le manager devra déléguer et donner davantage de responsabilités et d’autonomie à ses collaborateurs. Il devra passer de « chef » à « manager », avec un rôle d’accompagnement beaucoup plus prégnant.

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) porteront cette dynamique de l’horizontalité en incitant les acteurs – utilisateurs à se conformer aux orientations « Utilisateurs / Données / Clients » et par conséquent à adopter une vision transversale par processus.

Grâce à une information transparente, qui circulera aussi bien dans le sens de la hiérarchie (Top – down) que transversalement (Bottom – up), la réactivité des acteurs croîtra (meilleure coopération interne et meilleure compétitivité externe), le partage de l’information s’améliorera et le système de communication de manière générale sera source de mobilisation des énergies. 

Tout le monde pourra disposer de l’accès à l’information et le partage des connaissances en sera plus facilité. Le pouvoir centralisé, notamment lié à l’information, tendra à disparaître pour laisser place à une toile de responsabilités plus complexe mais aussi plus pertinente.

Pour accomplir ce projet de reforestation, nous préconisons donc la répartition des responsabilités suivantes :

  1. – Responsable de projet (en charge de la planification stratégique, du suivi des réalisations et de l’élaboration des rapports annuels de gestion) ;

  2. – Responsable de l’importation des équipements électriques, électromécaniques, hydrauliques et des composants électroniques ;

  3. – Responsable des bases de vie et de la logistique ;

  4. – Responsable de l’analyse de l’eau, des études hydrauliques, des forages, des pompes immergées, des bassins d’accumulation, des stations de filtration, des drainages agricoles et de l’installation des systèmes d’irrigation et d’arrosage ;

  5. – Responsable des études de sol et des espèces d’arbre à planter (choix conditionné par les conditions agro – pédoclimatiques), et de la technologie à utiliser (drones planteurs) ;

  6. – Responsable de la biotechnologie forestière. Il s’agit de la culture in vitro qui suppose une infrastructure composée de laboratoires, serres et pépinières permettant de sélectionner et produire avec une plus grande efficacité des variétés d’arbres physiologiquement et génétiquement homogènes (multiplication végétative).

En effet, la production de matériel végétal est un métier complexe soumis aux aléas climatiques. Les diverses exigences pédoclimatiques des essences permettent leur implantation sur une grande variété de types de sols.

Il est donc fortement recommandé pour chacune de ces essences de sélectionner (au travers d’un large programme de recherche) les variétés ayant la meilleure productivité ; 

  1. – Responsable des stations d’énergie renouvelable qui garantissent une électricité fiable et compétitive en utilisant les technologies de stockage et les énergies renouvelables avec intelligence ;

  2. – Responsables des zones (à définir) éligibles au reboisement. Véritables managers opérationnels qui seront chargés de l’élaboration de la cartographie des processus (démarche simple et pratique pour identifier et établir la carte des processus métier), du contrôle budgétaire, contrôle de gestion et contrôle qualité ;

  3. – Responsable de l’entretien et du nettoyage des forêts et du respect des normes en matière de prévention contre les incendies (pare-feu forestiers et pistes permettant de limiter la propagation des incendies de façon préventive et d’éviter les dommages socioéconomiques dus aux feux de forêt), ainsi que des systèmes de détection précoce des départs de feux et de systèmes d’alerte rapide ;

  4. – Responsable de l’évaluation du potentiel économique des forêts et de l’exploitation forestière raisonnée.

Conclusion

L’Algérie constitue une entité écologique exceptionnelle  dans la biosphère. La forêt algérienne a besoin d’être protégée mais les grands efforts consentis dans la protection et le développement du sous-secteur des forêts sont sans cesse éprouvés par les déboisements dus principalement aux incendies de forêts pour lesquels on note une forte présomption d’actes volontaires.

L’année 2019 a été particulièrement catastrophique. La superficie du couvert forestier dévastée par les feux a atteint le chiffre effarant de 560 000 ha ! 

La perte de la biodiversité et de l’équilibre des écosystèmes forestiers, l’érosion du sol et l’envasement des barrages comptent parmi les conséquences de cette dévastation. C’est pourquoi, pour les prévenir et se préparer à mieux les affronter, l’identification des causes des feux est désormais déterminante. 

Les forêts ont un impact direct sur le climat.  Les arbres ralentissent le réchauffement climatique en stockant le CO2 émis par l’Homme dans l’atmosphère. « Reforester » massivement la Terre serait l’une des solutions les plus efficaces pour atténuer le changement climatique, selon une étude parue dans « Science ».

« Il y a de la place pour 0,9 milliard d’hectares de couvert arboré supplémentaires » sur Terre. Un chiffre astronomique qui confirme que « la restauration des arbres fait partie des stratégies les plus efficaces pour atténuer le changement climatique ».

Signalons opportunément que la photosynthèse est le processus qui permet aux végétaux chlorophylliens (à feuilles vertes) de se développer en utilisant l’énergie de la lumière, ainsi que le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère et l’eau présente dans le sol.

En libérant de l’oxygène dans l’atmosphère, la photosynthèse a rendu possible l’évolution des êtres vivants vers des formes de vie plus complexes.

Aujourd’hui encore, c’est elle qui maintient constant le taux d’oxygène dans l’atmosphère terrestre, un élément essentiel à la vie sur Terre. C’est pourquoi les forêts sont appelées « le poumon vert de la planète ».

En plus des répercussions sur la planète au niveau local mais aussi au niveau mondial, le déclin du couvert forestier menace également la vie des communautés et une biodiversité d’exception.

Alors agissons rapidement, consciencieusement et surtout intelligemment car il y va de notre survie !

Enfin, il faut savoir que « dans chaque forêt il y a un arbre qui nous correspond, pour ne pas nous détruire, protégeons-là ».

M.H.

Note

Les nouvelles dispositions européennes s’appliquent à 58 essences (une vingtaine précédemment) correspondant à des espèces principales mais aussi à des essences secondaires comme les bouleaux, le charme, les aulnes, etc. Quatre catégories se distinguent par des étiquettes de couleurs différentes :

– étiquette bleue : matériels testés, issus de vergers à graines ou de peuplements classés ayant démontrés leur supériorité génétique (volume, rectitude, etc.).

– étiquette rose : matériel prometteur dont la supériorité n’a pas été prouvée. Variété améliorée produites en vergers à graines.

– étiquette verte : matériels sélectionnés en fonction de l’adaptation du peuplement aux conditions écologiques et issus de peuplements classés et regroupés en région de provenance.

– étiquette jaune : matériels identifiés dont seule l’origine géographique est connue.

Auteur
Mourad Hamdan, consultant en management

 




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