Il faut peut-être souligner d’emblée que la présentation du PDG de Sonatrach Tawfiq Hakkar du bilan de la période 2020-2022 de sa gouvernance à la tête du groupe Sonatrach M. Abdelmadjid Tebboune qui effectue une visite de travail et d’inspection dans la wilaya d’Oran, reste un non événement.
Pourquoi ? Parce que le jeune PDG évoque des chiffres séduisants d’augmentation des exportations de gaz sans pour autant justifier d’où les ramène-t-il sinon au détriment de la conservation des gisements.
Ensuite les réserves des découvertes en effort propre de Sonatrach réalisées durant cette période, sont déjà comptabilisées dans le portefeuille d’activité. En termes simples, les réserves n’ont pas bougé d’un iota. De tout cela, la manchette retenue par l’Agence de Presse officielle est cette déclaration relative aux recettes « attendues » fin 2022 estimées à 50 milliards de dollars.(01).
Or, une recette attendue ou espérée s’estime comme toute espérance mathématique avec une certaine probabilité qu’il est difficile d’apprécier aujourd’hui à cause du facteur géopolitique dont elle est sujette.
Normalement pour un manager de cette stature, les prévisions sont plus précises et se font à partir des contrats existants extrapolées avec un coefficient de régression qui se rapproche du l’unité.
Bien avant cette visite surprise du chef de l’Etat à Oran, Sonatrach avait l’habitude de donner les resultats de ses ventes à l’extérieur des six premiers mois de l’année en cours, les médias nationaux et internationaux (02) se sont emballés par la flambée des prix du baril et, partant celui du gaz pour accréditer l’Algérie d’une « cagnotte » 2022 entre 56-58 milliards de dollars.
Cette offensive médiatique qui arrangerait les affaires du management du secteur de l’énergie en l’encourageant par sponsoring est basée sur un calcul du prix budgétaire qui passerait en moyenne de 50 dollars le baril à près de 110 dollars en vigueur durant cette année selon certains titres est contreproductive et ne travaille pas l’intérêt général pour au moins trois raisons.
1-Les prix du marché « spot » sont différents de ceux contractuels
Ces prix sont soumis à l’offre et la demande et ils sont différents de ceux pratiqués dans des contrats notamment long terme qui leur sont indexés mais l’augmentation, lorsque les contrats les prévoient, n’est en aucun cas de la même ampleur, comme le laissent entendre ces titres euphoriquement.
On sait à la date d’aujourd’hui soit le 25/06/2022, que le prix du marché spot du Brent de la mer du Nord est en moyenne de la période allant du 1/01/2022 à aujourd’hui est de 107,57 dollars le baril avec un pic haut de 139,13 dollars le baril et celui bas de 77,04 dollars le baril. Le Sahara Blend du type algérien qui lui est proche atteindrait fin juin au rythme actuel étant une forte demande 108 dollars le baril. Il est aujourd’hui coté à 117,25 dollars le baril.
Il se trouve justement que l’Algérie en se référant aux données de la douane exporte en volume plus de gaz que de brut dans une fourchette de 18 à 25 millions de tonnes du brut, 13 à 14 millions de produits raffinés, 6 à 8 millions de condensat, 6 à 7 millions de Gaz de pétrole liquéfié (GPL), enfin quelques tonnes métriques de produits pétrochimiques de 60 à 80 tonnes. Le reste c’est du gaz naturel autour de 25 à 30 milliards de m3 et le Gaz naturel Llquéfié (GNL) dans une fourchette de 20 à 27 millions de m3.
Toutes ces ventes de gaz en volume sont contractuelles avec les compagnies françaises, espagnoles, italiennes et turques avec des prix déterminés d’avance mais restent indexés de jour en jour avec ceux des bruts et négociés tout les 3 ans lorsque les prix remontent très haut et durent dans le temps.
Cette indexation dans les meilleurs des cas ne ramène pas plus de 2 dollars. Exemple, lorsque les prix du million de British Thermic Unit (MMBTU) ont atteint l’hiver dernier entre 50 et 60 dollars MMBTU, les prix contractuels se situaient entre 6 et 8 dollars. Les prix affichés dans les principaux pays de l’Union Européenne (UE) durant la période janvier février mars 2022 du mégawatheure seraient de 29 euros. Ce prix contient celui du gaz importé d’Algérie auquel il faut ajouter le coût de production de l’électricité dans les centrales. Si l’on considère qu’un mètre cube de gaz au niveau de la mer où se situent les principaux clients de Sonatrach équivaut entre 9,2 et 10,1 kWh, le MMBTU cette année, en attendant que les négociations sur les prix aboutissent, ne dépassera pas 8 dollars.
2- Cette offensive médiatique favorise la demande sociale
Lorsque le citoyen qui a serré la ceinture durant ces dernières années notamment avec le Covid-19 entend que l’Algérie va « engranger une belle cagnotte», il demande sa part qu’il a sacrifiée durant toutes ces années, entre autre l‘allocation devise, l’augmentation des salaires et bien d’autres. Une telle situation multiplie les conflits sociaux que va à l’encontre de ce que vise le programme actuel du gouvernement à la recherche d’une adhésion et implication populaire
3- Cette offensive médiatique pourrait être mal interprétée…
Nos voisins tunisiens viennent de contracter un prêt de 30 millions de dollars pour son approvisionnement en gaz algérien. Pour la première fois dans l’histoire des relations entre pays et les banques, ce financement par la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur précise bien, dans un décret présidentiel, que ce prêt sert à « financer partiellement ses approvisionnements en gaz naturel algérien » Pourquoi ?
Rabah Reghis