27 avril 2024
spot_img
AccueilCultureRencontre avec le chanteur Tarik Aït Menguellet

Rencontre avec le chanteur Tarik Aït Menguellet

 

Tarik Aït Menguellet
Tarik Aït Menguellet. Crédit photo : Berbère télévision

Tarik Aït Menguellet fait partie de cette belle relève qui éclaire la scène artistique algérienne et plus particulièrement la chanson kabyle. S’il se rapproche du timbre vocal de son père Lounis Aït Menguellet, Tarik Aït Menguellet apporte un nouveau souffle, comme une brise rafraîchissante qui remplit l’atmosphère d’espoir, qui laisse entrevoir de beaux jours et un avenir prospère pour la chanson kabyle.

Dans la famille Aït Menguellet, l’art se transmet avec bonheur, le père Lounis Aït Menguellet. Outre donc Tarik,  il y a Djaffar qui aide son père musicalement depuis plusieurs années mais qui a aussi ses propres compositions musicales et Hayat qui a fait les Beaux-Arts. Nous pouvons dire que l’art chez les Aït Menguellet est une histoire de famille.

Tarik Aït Menguellet se distingue par son originalité, un charisme, un élan musical et poétique qui s’affirme et s’impose de lui-même par la force du verbe et la beauté des compositions.

Le Matin d’Algérie : Vous faites partie de cette belle et jeune génération de chanteurs kabyles qui fait plaisir à voir, mais qui est Tarik Aït Menguellet ?

Tarik Aït Menguellet : Je ne sais pas si je suis si jeune que ça ; disons que je suis jeune dans le domaine de la chanson puisque je me suis mis assez tard à l’écriture et la composition. En effet, la génération qui est en pleine éclosion fait plaisir à voir. Et l’adage dit justement qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années.

- Advertisement -

De plus en plus, on voit des talents émerger, non pas qu’il y en ait plus qu’avant je pense, mais aujourd’hui, grâce à l’internet et aux réseaux sociaux, il est plus facile de présenter au public son potentiel. Imaginez : il y a quelques années, il fallait passer par la radio, la télévision, les journaux. Et cela n’était pas accessible à tous. Il fallait être au bon endroit et au bon moment, avoir certaines relations etc., mais tout cela a été balayé par un revers de la main numérique des réseaux sociaux et autres plateformes de streaming. C’est cela qui a permis, à mon sens, cette émergence de talents… et parfois d’absurdités malheureusement.

Le Matin d’Algérie : Vous avez du talent, mais vous êtes si discret, pourquoi si peu d’apparitions ?

Tarik Aït Menguellet : Merci pour le compliment. Vous connaissez le dicton : « Chassez le naturel, il revient au galop. » Si je suis discret, c’est à cause de ma nature. Un autre dicton dit également : « pour vivre heureux, vivons cachés ». Je crois que je vais m’arrêter là pour les citations et les proverbes !

Cela dit, je n’ai jamais considéré qu’écrire des chansons était synonyme de visibilité ou de représentation publique. J’écris des chansons à la manière d’un écrivain qui, une fois son livre terminé, le livre au public. Je dois également avouer que lorsque j’ai composé mes premières chansons, je voulais que d’autres les chantent.

Lounis Aït Menguellet, un verbe puissant, un personnage discret

Concernant la visibilité, il faut également intéresser les producteurs de spectacles qui misent sur des chanteurs pouvant remplir des salles. Il faut avoir beaucoup d’audience, abandonner un morceau de sa liberté pour appartenir aux autres, et un tantinet de célébrité. Une bonne dose de followers ne fait pas de mal non plus, ainsi que le nombre de vues détermine aux yeux des gens la valeur d’une œuvre. Tout cela fait que je suis un mauvais cheval pour cette course débridée.

Le Matin d’Algérie : Même si vous avez un timbre vocal qui se rapproche de votre père, vous avez votre propre style, quels sont les chanteurs kabyles qui vous influencent ?

Tarik Aït Menguellet : Concernant le timbre de voix, je pense que c’est purement génétique, ce qui ne m’empêche pas d’en être très fier. Contrairement à ce que pourraient croire la plupart des gens, je n’ai pas toujours baigné excessivement et exclusivement dans l’univers musical de mon père. Il est loin d’être un nombriliste ou un égocentriste et lorsqu’il nous passait de la musique, c’étaient d’autres artistes qui étaient à l’honneur, qu’ils soient algériens, orientaux ou occidentaux.

Je pense qu’être influencé se fait naturellement, ce n’est pas un acte conscient. On prend un peu de tout, ça travaille dans le cerveau et ça ressort sous une forme ou une autre. Et chaque artiste nous influence à sa manière, sans pour autant les cantonner dans tel ou tel rôle ; mon père et Slimane Azem pour l’importance des textes ; Cherif Kheddam et Idir musicalement ; Taleb Rabah pour avoir su si bien chanter les tracas de la vie ordinaire ; N’na Cherifa pour le rythme des mots ; Fahem pour avoir chanté des thèmes que d’autres n’ont jamais effleuré ou même osé etc. Je vais m’arrêter là sinon je ne pourrais plus m’arrêter de parler. Il y en a tellement ! Des plus anciens aux tout nouveaux.

Le Matin d’Algérie : Votre père a su conquérir le cœur de la majorité des Kabyles par un travail de qualité, il n’est pas facile de passer derrière lui et d’imposer son propre travail, votre frère Djaffar travaille beaucoup avec votre père mais vous, vous vous démarquez, vous semblez prendre votre propre envol, du coup vous êtes plus libre, qu’en pensez-vous ?

Tarik Aït Menguellet : Il est vrai que Djaffar est très présent dans le paysage artistique de mon père, en tant que musicien et arrangeur, et ça n’est pas toujours simple pour un artiste avec autant de talent que de devoir subir tout le temps des comparaisons souvent aberrantes. Ce qui ne l’a pas empêché d’exceller dans le domaine et d’avoir ajouté sa pierre à l’édifice de la chanson algérienne et de la musique universelle.

Il est vrai que j’ai le champ plus libre mais le nom me suit et généralement, la première question que me posent les gens, est de savoir si c’est mon père qui écrit les paroles de mes chansons, et si c’est mon frère qui en fait les musiques. Étant auteur et compositeur de mes œuvres, je réponds que non. Cependant, la suspicion quitte rarement leurs yeux. Mais, bon, j’imagine qu’il y a des fardeaux plus lourds à porter.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que l’art et la chanson en particulier peuvent contribuer à l’émancipation de l’Algérie ?

Tarik Aït Menguellet : Certainement oui. L’art chez nous a toujours été une sorte d’exutoire, pour le créateur qui se délivre de ses tourments, et pour le public qui trouve un écho aux siens. Vous avez utilisé un mot très important : l’émancipation. Nous sommes les prisonniers de plusieurs entraves qui nous empêchent d’avancer, les femmes comme les hommes, même si les femmes en souffrent plus. Aujourd’hui, il faut s’affranchir de ces liens, qu’ils soient liés à la tradition, à la religion, à l’histoire. Il faut garder le bon grain et se débarrasser de l’ivraie. Toute notre vie est faite d’interdictions, de lois, d’embrigadement, de dogmes, de censures, de proscriptions, qui sont autant d’inhibiteurs de la créativité et d’obstacles à l’émergence du bon sens.

Et l’art peut nous sortir de ce marasme. Il suffit, par exemple, de voir le nombre de femmes et de jeunes filles qui s’affirment aujourd’hui dans le domaine de la chanson, alors qu’il y a à peine quelques décennies, il était indécent de chanter même pour un homme.

Lounis Aït Menguellet, la face cachée d’un grand philosophe

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Tarik Aït Menguellet : Les projets à venir sont comme l’espoir qui, chacun le sait, nous aide à vivre. Et des projets, j’en ai plein les placards, les armoires, les tiroirs, mais souvent en gestation, voire en mal de finition. J’essaie de trouver le temps d’en finaliser le plus grand nombre, notamment des chansons, peut-être un album, pour cette année, et l’édition d’un nouveau roman et d’un recueil de chroniques en phase de relecture.

Avec ma femme, qui est également auteure compositrice, on a des projets de livres et d’albums pour enfant, d’ailleurs nous en avons réalisé un qui sera bientôt mis sur les plateformes de streaming.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Tarik Aït Menguellet : Un dernier mot peut être serait d’affirmer mon soutien pour tous les calomniés sans fondement, les emprisonnés sans raison, pour ceux qui sont privés de leur famille et proches, pour les victimes de conflits et de barbarie où qu’ils soient, pour les gens qu’on empêche de s’exprimer ou simplement de vivre normalement.

Entretien réalisé par Brahim Saci

Livre :

Le Petit Prodige, Kindle Édition

Chaîne YouTube :

https://www.youtube.com/channel/UCZbs24tA4Pe_q3l5PL8Q7Tw

9 Commentaires

  1. Il évoque évoque certains talentueux chanteurs, mais en omet un des plus prestigieux qui a marqué son temps , ses chansons étaient de la poésie . Il a été assassiné hélas que Dieu ait son âme et qu’il repose en paix c’est : Lounès MATOUB .

    • Tu viens de rectifier son oubli et de le compléter.Je pense qu’il devrait plutôt se focaliser sur ses projets, talentueux qu’il est, pour qu’il n’ait pas à gaspiller son énergie à se plaindre de l’environnement qui est parfois…souvent toxique.

    • Ce que vous êtes drôles tout de même. Il parle de chanteurs qui l’inspirent, et vous voulez absolument qu’il soit inspiré par des chanteurs qu’il n’écoute peut être pas. La question du journaliste est très claire: « quels sont les chanteurs qui vous influencent? » Et non pas « quels sont les grands chanteurs kabyles? ». Relisez calmement.
      Et si vous voulez mettre les noms de chanteurs qui vous inspirent vous, il faut demander un entretien au journal et parler de votre carrière.

    • La question du journaliste est très claire: « quels sont les chanteurs qui vous influencent », et non pas « quels sont les grands chanteurs kabyles ».

  2. Un artiste, ça vous change de l’intérieur. Une œuvre d’art, que ce soit la musique, la poèsie ou autre forme d’art n’est pas quelque chose que l’on “consomme.”
    J’ai plus de 70 ans, j’ai connu la guerre 54-62, puis celle du FFS, j’ai connu la misère, la faim, la peur aux tripes, la tristesse, les maladies, la mort de parents et proches amis, l’exil interminable, etc., etc.
    Je vous demande, comment diable un jeune petit péquenot comme lui et ses sembables, kabyles ou autres, peuvent-ils bien me faire ressentir des choses ?

    • Weyyak a y uliw ṭ’ɛaf
      Biɛd i sut l’ḥaf
      Mi d asif n’zhu yeqquṛ

      Cciv ɣef udmiw yufaf
      Iḍelmi’ vezzaf
      Yak tura y-ɣeḍliyi l’ǧur

      Tɣav errekva n’lecqaf
      Tegwrad ɣer leḍɛaf
      D arrac ay g-ɛumen levḥuṛ

      Si Muh-U-M’hend.

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents