Face à un champ politique et partisan réduit à l’état de ruines, le pouvoir donne le tempo de la rentrée politique, fixant les caps et établissant les échéances et les agendas à sa convenance. Il (régime) a créé un no man’s land politique. Désormais, il n’entend que l’écho de sa propre voix, conforté qu’il est par l’absence de discours contestataires capables de déconstruire sa rhétorique à laquelle les médias tous acquis à sa dévotion servent de caisse de résonance.
La fin des contrepouvoirs
Tout contrepouvoir est annihilé, les voix discordantes sont réduites au silence. Le pouvoir a imposé son récit idéologique et ses desiderata politiques relayé par une presse aux ordres et soumise par la force de l’argent public chichement distribué par L’ANEP. Seule condition pour profiter de la manne : accepter de se soumettre. Le dernier exemple en l’espèce est venu du journal El Watan dont l’orientation éditoriale qui se dessine désormais illustre bien cette facilité qu’a le pouvoir à obliger les plus retors à rentrer dans les rangs, à « se soumettre ou se démettre ».
Le journal dont la ligne se singularisait par une certaine liberté de ton dans un champ éditorial réduit à l’état de servitude vient de rejoindre le concert des louangeurs, de se fondre dans l’unanimisme ambiant en acceptant d’édulcorer son discours devenu franchement conciliant contre quelques encarts publicitaires que viennent de paraître sur ses pages.
La déroute des partis
Ébranlés par la déroute du hirak qui portait déjà en lui les germes de son échec, faute d’avoir réussi à secréter à temps des perspectives pour le pays et pour le peuple avide de changement, les appareils partisans qui tiennent lieu de classe politique et les figures connues du mouvement du 22-fevrier sont aux abonnés absents et n’ arrivent à esquisser aucun geste de résistance face au rouleau compresseur de la restauration autoritaire d’un système qui a survécu à vingt ans de gabegie et d’une gouvernance catastrophique sous le régime Bouteflika.
Quel que soit leur positionnement sur le spectre idéologique, les partis politiques sont comme frappés de sidération. Leur voix reste inaudible n’arrivant pas à prendre la mesure des enjeux à réagir et à prendre l’initiative face au chef de l’Etat et son gouvernement qui restent les maîtres incontestés du jeu et d’une vie politique qui ne fait pas de place aux discours contestataires et contradictoires.
La reprise des travaux parlementaires en ce début du mois d’octobre qui devait être un temps fort pour l’activité politique et médiatique du pays est marquée par l’absence déchéances et d’activités partisanes.
Presque aphones et complètement effacés, les partis politiques arrivent rarement à capter l’intérêt des médias et des citoyens.
Même si elles ont constitué un léger frémissement, les sorties du FFS à l’occasion de la célébration, le 29 septembre dernier, du 59e anniversaire de sa naissance, ne sont pas arrivées à casser cette atmosphère de léthargie, à dominer le silence sidéral qui s’est emparé du débat public.
Le RCD qui se distinguait par le passé par ses traditionnelles universités d’été et par sa réactivité aux événements politiques majeurs du pays, se mure dans un silence qui en dit long sur la grande détresse politique qui touche le pays.
Athmane Maazouz, le nouveau président issu du dernier congrès du Rassemblement pour la culture et la démocratie, tenu au début de cet été, a fait sa rentrée politique sur… sa page Facebook en annonçant son prochain passage devant le juge pour une sombre affaire liée au hirak. La voix si tonitruante de Louisa Hanoune du PT est devenue quasiment inaudible. Elle s’est signalée récemment par un soutien timide aux travailleurs du secteur de l’éducation relayé par les journaux. Un minimum syndical pour la pasionaria du parti des travailleurs connue pour son hyperactivité par la passé. Silence radio du côté des activistes connues du hirak.
Au lieu de donner de la voie et de protester, certains parmi eux ont choisi la voie de l’exil. Ils ont décidé de s’installer en France où elles auraient obtenu le droit d’asile.
Jil Jadid et la déchéance de la démocratie représentative et partisane
Rompus au jeu de l’unanimisme et habitués à jouer la même partition sous la direction d’un seul chef d’orchestre, les parlementaires viennent de franchir un nouveau cap dans leur soumission au pouvoir exécutif qui se plaît toujours et encore à marquer tous les territoires de la république par le sceau de l’autoritarisme. Une démarche imprimée au pays depuis la mise au pas du mouvement de protestation populaire du 22 février 2019.
Un constat partagé par le parti de Djilali Sofiane, Jil Jadid qui, qui, pourtant, ne cache pas ses penchants pour la nouvelle Algérie de Tebboune se distinguant même pour son soutien critique au pouvoir.
Reconnaissant que « les partis ont agi durant plus de 20 ans dans un contexte de fermeture politique, d’hostilité exacerbée vis à vis du multipartisme et d’affaissement moral, par les procédés les plus vils qui soient, de sorte qu’ils soient perçus comme l’incarnation de la corruption et du népotisme », le vice-président de Jil Jadid défend l’idée que « la démocratie veut que l’État garantisse l’exercice politique qui permet aux partis d’incarner le multipartisme et une vie politique dynamique.
C’est ainsi que des partis et des courants politiques forts, porteurs de projets de société et de perspectives d’alternance porteurs de projets de sociétés peuvent émerger et représenter la volonté populaire. »
S.N. I.