26 avril 2024
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Rien n’est plus beau !

REGARD

Rien n’est plus beau !

Ça ressemble au soleil après la grisaille et scintille comme une étoile à la tombée de la nuit. Son arôme est de miel et vanille, et, comme le bruit de la mer qui habite le coquillage, ça tient tout juste entre deux lèvres.

C’est aussi fragile qu’un rêve fugace et pourtant comme un miracle ça existe. C’est merveilleux, c’est sublime, si beau… Oui, rien n’est aussi beau que le sourire qui nait sur le visage d’un cancéreux.

Je les connais mes frères et sœurs d’infortune pour être des leurs. Ils traînent le pas dans des couloirs austères à attendre le froid de la lame, la brûlure du rayon, le diktat de la chimie… un rendez-vous qui tarde à venir et qui, peut-être, viendra quand ils seront dans la tombe.

Certains n’arrêtent pas de parler. Ils racontent l’amour, ils racontent la mort ; ils racontent l’absurde, ce que l’on leur a causé de torts. C’est comme s’il s’agissait pour eux de défier le silence, de narguer la bêtise ou de tromper le temps.

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D’aucuns relèvent la tête pour montrer qu’ils sont encore là, qu’on doit encore compter avec eux, qu’ils ne sont pas tout à fait partis, qu’ils reviendront pour l’ultime fantasia… peut-être. Plusieurs ont l’œil vague et pensif. Ils n’ont pas un sou en poche, de quoi payer l’ordonnance, le transport… Ils souffrent l’abandon. Il y a aussi ceux qui s’apprêtent à baisser les bras. Il arrive que les montagnes se fatiguent, qu’elles aient envie de jeter l’éponge.

Quant le goût de la vie les reprend, on les entend murmurer une chanson. Ils se mettent en costards, elles se mettent du fard. C’est que même un moribond ça succombe à la frime. Il faut bien entretenir l’allure et, malgré le dépit, faire comme si de rien n’était, se ménager une trêve, un peu de répit.

Chaque jour, chaque nuit, ils sentent que le visage de la mort est là à les scruter, que l’heure du départ est venue… et, quand l’impitoyable douleur les cisaille, leur brûle les entrailles, alors, dans l’attente de quelques gouttes de morphine pour mettre fin provisoirement au calvaire, ils fuient se cacher pour pleurer dans le noir, dans la poitrine de leurs épouses ou les bras de leurs maris, comme pleurent les enfants. Si ce n’était la foi, ils iraient à la mort… Pourvu que le calvaire se termine, pourvu que l’on passe à autre chose.

La solitude les fait autant souffrir ; elle rappelle le cercueil. Ils pensent alors aux amis qui ne sont plus là… ils le font sans haine aucune. Ils n’ont plus le temps pour cela ; ils leur trouvent même des excuses.

Parfois, ils ont l’impression d’être du lest qu’il importe de jeter… pour ne plus souffrir d’être inutile, pour laisser les proches vivre leur vie. Quand la pitié qu’on leur témoigne ressemble au mépris, qu’on leur donne l’impression de les éviter, ils souffrent cruellement mais ne disent mot. Les choses pour eux ne sont plus aussi simples qu’elles l’étaient. Ils rêvent de prendre un bain, de croquer la vie comme on croque un bonbon… de voir l’aube et le bleu du ciel et, comme jadis, promener les petits enfants.

Presque tout leur étant interdit, ils détournent les yeux pour ne plus voir les autres manger. Du fond d’un lit insensible qui leur laboure le dos, face à un quotidien revêche ils savent que la vie est ailleurs… Et pourtant à la plus petite affection, au moindre geste de tendresse, ils se remettent à espérer et sourire… Et c’est si beau.

Oui, rien n’est aussi beau que le sourire qu’on fait naître sur le visage d’un cancéreux.

Auteur
Mohamed Bourahla

 




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