Le patron du géant maritime CMA-CGM, Rodolphe Saadé, a été reçu ce dimanche à Alger par Abdelmadjid Tebboune. L’événement, annoncé sobrement via un communiqué sur la page Facebook de la Présidence, masque à peine les enjeux colossaux qui se trament en coulisses : l’Algérie s’apprête à ouvrir ses ports aux ambitions du groupe français.
Après des années de flottement dans les relations bilatérales, Alger semble renouer avec les grandes manœuvres économiques… au risque d’une dépendance accrue à des multinationales étrangères.
Un premier voyage avorté, un deuxième sous haute surveillance
Initialement prévu pour le 15 avril, le voyage de Rodolphe Saadé avait été annulé à la dernière minute. En cause : un nouvel accès de tensions entre Paris et Alger, sur fond de déclarations malheureuses et de vieux contentieux mémoriels. Le retour à un dialogue plus apaisé, orchestré dans la discrétion, a permis la concrétisation de cette visite très attendue.
Rodolphe Saadé n’est pas un simple homme d’affaires. À la tête du troisième armateur mondial de transport de conteneurs, il incarne une France des affaires qui entend, malgré les remous politiques, préserver ses positions stratégiques sur le continent africain, notamment en Méditerranée.
CMA-CGM lorgne les ports algériens
Le contenu précis des discussions avec Abdelmadjid Tebboune n’a pas été communiqué, mais plusieurs sources concordantes évoquent des projets d’investissements massifs dans les infrastructures portuaires algériennes, notamment ceux de Djen Djen, Skikda ou encore Oran. Objectif pour CMA CGM : faire de l’Algérie un point de transit et de redistribution maritime vers l’Afrique subsaharienne, en concurrence frontale avec Tanger Med (Maroc) ou Port-Saïd (Égypte).
Un tel positionnement stratégique flatterait l’égo géopolitique du pouvoir algérien. Mais à quel prix ?
Une souveraineté portuaire en question
Derrière les sourires diplomatiques se pose une question cruciale : l’Algérie est-elle en train de brader sa souveraineté économique ? Depuis le code de l’investissement assoupli, les portes sont grandes ouvertes aux multinationales. Si l’entrée de CMA CGM peut apparaître comme un levier de modernisation logistique, elle pourrait aussi signer une perte de contrôle nationale sur des infrastructures vitales.
On se souvient que le port de Djen Djen avait déjà été l’objet de convoitises étrangères. Plusieurs analystes y voient un scénario à la « modèle émirati » : des terminaux portuaires hypermodernes… mais gérés, exploités, et largement profitables à des intérêts étrangers.
Des syndicats absents, une société civile muette
La réception de Rodolphe Saadé s’est faite sans concertation publique, ni débat parlementaire. Ni UGTA ni associations professionnelles patronales n’ont été associées à ce qui s’annonce comme un tournant logistique national. Ce silence interroge.
Quel rôle pour les travailleurs portuaires ? Quelle redistribution des revenus générés ? Quelles garanties de transparence sur les partenariats publics-privés à venir ? Autant de questions que l’État, fidèle à sa logique verticale, préfère esquiver.
Une stratégie française qui s’inscrit dans la durée
Cette visite s’inscrit-elle dans une dynamique plus large ? Celle d’un retour offensif de la France économique en Afrique du Nord. Déstabilisée par la montée des puissances turques, chinoises et émiraties, Paris compte sur des géants comme CMA CGM ou Total pour maintenir son influence. Rodolphe Saadé incarne cette stratégie douce, mais déterminée.
Côté algérien, le pouvoir encalminé et incapable d’imaginer un stratégie économique sérieuse, semble vouloir montrer qu’il reste attractif pour les capitaines d’industrie, et, malgré l’instabilité chronique et les incertitudes juridiques. L’ouverture aux investisseurs étrangers, vantée comme un « signal fort » par les proches du pouvoir, pourrait pourtant accélérer une mise sous tutelle économique de fait, dans un pays où les ressources sont mal redistribuées et l’État souvent incapable de défendre les intérêts de sa population.
Investir, oui. Mais pas à n’importe quel prix
L’arrivée prochaine de CMA-CGM dans le paysage portuaire algérien mérite mieux qu’un communiqué Facebook. Elle exige un débat national, transparent, et des garanties sociales et environnementales. Sans cela, l’Algérie risque d’ajouter un nouvel épisode à sa longue histoire de dépendances économiques… cette fois sous pavillon français.
G. D
Décidemment les communistes algériens ne retiennent aucune leçon. Cela fait 63 ans qu’au nom de la souveraineté économique (inspiré par les communistes algériens) , le régime algérien a fermé l’Algérie à des centaines de milliards de dollars d’investissements. Tous les pays du monde pleurent pour attirer des investisseurs, y compris les Etats Unis. Leur souveraineté est elle menacée ? Soyez sérieux, c’est l’absence d’investissements qui menace l’Algérie. Regardez la différence de gestion (et donc de résultats, d’efficacité) entre la situation catastrophique d’El Hadjar et et la florissante situation d’AQS. Les investissements étrangers sont clairement une garantie de bonne gouvernance.