29 mars 2024
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« Serreḥ i waman ad lḥun » de Lounis Aït Menguellet 

Lounis Aït Menguellet

Quand le sage bute sur des questions existentialistes, pourquoi ne pas consulter le fou ? C’est ce que nous propose Lounis dans ce titre : poser toutes sortes de questions à un fou afin de voir comment il perçoit le monde. Et, par ses réponses, il apparait que le fou n’est pas si fou que cela, comme pour répondre aux angoisses de tout un chacun à propos du destin de l’homme : « Vis ta vie comme si tu ne mourrais jamais, quand la mort sera là vous ne vous croiserez pas ». C’est une rhétorique Epicurienne !

« La mort n’est rien pour nous ». Extraite de La Lettre à Ménécée d’Epicure, cette citation est un remède contre l’un des principaux maux de l’humanité : la peur de la mort.

Pour deux raisons. La première est que pour Epicure la mort est la privation des sensations.

Sans sensations, la mort ne peut nous affecter. Elle n’est donc ni à craindre, ni à souhaiter.

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Plus logique, la seconde est que la mort ne peut exister pour nous.

La vie et la mort s’excluent réciproquement l’une l’autre : « Quand nous existons la mort n’est pas là, et lorsque la mort est là, nous n’existons pas ».

La mort n’existe ni pour les vivants, ni pour les morts. En bref, elle n’est pas un sujet de préoccupation.

Les angoissés de la vie après la mort qui n’arrivent pas à profiter de la vie au présent.

Délivrez-vous des superstitions, mythes ou religions qui, sur la base de votre ignorance de la nature des choses, vous font croire en de vains espoirs.

Sans au-delà ni réincarnation, le bonheur est à vivre ici et maintenant.

Ne passez pas à côté de votre vie, vous n’en avez qu’une. Vivez au présent. Carpe Diem !

« Serreḥ i waman ad lḥun » Laisse donc l’eau couler sous les ponts 

 

Chaque fois que nous sommes désemparés

Nous sollicitons les vieux érudits

De leurs connaissances ils érigent des murets

Consignant leurs paroles sur chaque galet

Et si nous changions d’approche

Et allions consulter les fous

 

Un jour j’ai interrogé l’un d’eux

Préparant moult questions

Qu’il me conte sa condition

Que je sache comment il est

Que je comprenne son ingénuité

Comment il perçoit le monde

 

Il m’a dit la raison de ta venue

Je m’en vais te la dire, retiens-la

Je te la remets comme appoint

Laisse-la choir si elle ne te plait point

Voilà comment le pauvre fou voit le monde

Du temps il m’a donné ses observations

Voici comment il le perçoit

 

Le fil du temps s’est effiloché

Le décompte des années est entamé

Si nous voulons savourer une seule journée

Elle trépasse sans que nous en ayons profité

Tout s’égrène en accéléré

On ne sait plus quoi se remémorer

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Tu ne peux pas arrêter le temps qui passe

Il glisse comme du sable entre les doigts

Il coule sans s’arrêter et sans patienter

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Ne crains ni la mort ni ton destin

Ne regrette pas les faits de ton quotidien

Tout ce qui s’est passé, ce qui adviendra

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Ne retiens que ce qui est beau dans la vie

Rends grâce aux matinées comme aux soirées

Avant qu’elles ne t’oublient et ne te laissent tomber

 

Nous sommes obsédés par la longévité

Qui ne l’a pas souhaitée

Celui qui laisse son empreinte aux ans

Même mort il est vivant

Quand on a édifié le temps il était présent

Il a rajouté sa propre pierre aux monuments

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Ne crains rien, suit les pistes non foulées

Suis le chemin que personne n’a emprunté

Si tu tombes tu te redressera

Les jours se souviendront de toi

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Là où les autres ont peur, engouffre-toi

Tu ressentira ce que personne n’a éprouvé

Débroussaille leur chemin, leur espoir est en toi

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Expérimente la vie, connais-toi toi-même

Repousse ce qui est mauvais, garde ce qui te satisfait

Tu en sortira grandi

 

La mort qui te turlupine

Tu te trompes à son sujet

La mort qui te turlupine

Tu te trompes à son sujet

Si tu refaisais tes calculs

Quand tu la redoutes, elle n’est pas là

Quand elle s’approchera de toi pour te happer

Tu ne seras plus là pour la rencontrer

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Vis ta vie comme si tu ne mourrais jamais

Quand la mort sera là vous ne vous croiserez pas

Ce sont les autres qui seront peinés

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Le paradis et l’enfer laisse les aux autres

Crois en la vie et en ce que tu vois

Que chacune de tes journées soit belle

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Le monde appartient aux vivants

Laisse donc la mort à ceux qui sont décédés

Ils sauront mieux s’en occuper

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Ce qui est passé appartient au passé

Ce qui adviendra laisse le tomber, tu ne le connais pas

Pour que chacune de tes journées soit belle

 

Dans le monde en chaque époque

N’importe quel fou te dirait

Celui qui possède une miche de pain

Dans son nid il est à l’abri

S’il n’importune personne

Personne ne l’importunera

Celui-là surpasse les normes

Il devient l’allié de Dieu

Celui-là surpasse les normes

Considère-le comme l’ami de Dieu

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Éloigne-toi de ceux qui font de Dieu leur possession

Et n’admettent pas d’autre vision

Prends garde à ce que tu ne sois abusé

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Même furtive la vie est belle

Si tu la laisses filer elle ne reviendra plus

Laisse les autres fabuler à leur guise

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

Voilà ce que du monde le fou t’apprend

Même si ses mots sont imparfaits ils proviennent du cœur

S’ils ne te soulagent pas tu n’en ressentira aucune douleur

 

Laisse donc couler l’eau sous les ponts

(*)

 

2 Commentaires

  1. Ainsi donc malgré son doublement de 6 à 12 euros le million de BTU,l’Algérie perd encore quelques 8,31 euros par million de BTU dont le prix moyen en Europe est de 20,31 euros.On dirait que c’est voulu de toujours perdre alors que personne ne nous fait de cadeaux.

  2. Mon commentaire ci-dessus concerne l’article sur la renégociation de la vente de gaz à l’Espagne.Il s’est retrouvé là je ne sais comment.Mais le poème de Lounis Aït Menguellat vaut son pesant d’or car il traite d’un sujet d’actualité à savoir le musellement de la libre parole dont usent et abusent tous les dictateurs à travers le monde.

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