L’annonce de la découverte d’un gisement par Sonatrach et Eni viserait un autre objectif que celui de rassurer l’opinion publique nationale et internationale. Notre domaine minier « Near Field » est encore riche en hydrocarbures dans sa toute petite partie qui ne dépasse pas 40% (exploitation +prospection + recherche).
Ainsi lit-on dimanche 20 mars 2022 dans un communiqué (01) diffusé sur le site de Sonatrach et, partant toute la presse et sites électroniques algériens et étrangers que Sonatrach et son partenaire italien ENI annoncent « une importante » découverte de pétrole sur le périmètre Zemlet-El-Arabi uniquement avec le succès du premier forage d’exploration du type Wildcat HDLE-1.
Cependant, il se trouve que qualifier cette découverte « d’importante », c’est « sous-estimer » notre domaine minier qui renferme beaucoup plus si on s’éloigne un peu du « Near Field » dont l’étendue dépasse les 1 050 000 km2. Il faut absolument que la communication d’un aussi grand groupe que celui Sonatrach et son partenaire soit pragmatique parce qu’elle est lue par leurs pairs qui savent estimer les chiffres à leur juste proportion.
Si l’on revient avec une certaine décence sur les chiffres avancés dans la fiche technique sur la base d’une Tonnes Équivalent Pétrole (Tep) égale 7,89 barils, les 140 millions de barils estimés ne sont que le pétrole en place, celle dites réserves récupérables le sont beaucoup moins. Pourquoi ?
En général, un gisement de cette taille situé à 15 km des installations pour y envoyer ses fruits en comptant uniquement sur une déplétion naturelle, la quantité récupérable se situe entre 12 et 15% du volume en place.
Dans le scenario le plus optimiste, un tel gisement donnerait 20 millions de barils non encore prouvés. Avec un taux de soutirage (Maximum Efficient Rate MER) de 10%, on aura au plus 8 000 barils /jour à partager avec le partenaire ENI 51/49%. Notre bijou Hassi Messaoud, pour cause de mauvaise maintenance, a perdu entre 2019 -2022 près de 70 000 barils/jour.
Sans s’éloigner de cette région, parmi les périmètres qui lui sont périphériques les volumes en place sont beaucoup plus que cette euphorie qu’on qualifie «d’importante ». Les volumes prouvés en place de Hassi Terfa HTE sont estimés à plus de 1 milliard de barils, Hassi Zaâbat, HDZ : 350 millions de barils, Hassi Guettar, HGAW : 300 millions de barils. Tous ces gisements sont exploités par Sonatrach seule sans aucune annonce ni publicité particulière et encore moins un partenariat dans des conditions géologiques très sévères (roches peu perméables).
Plus surprenant à ce superlatif, en 2020, le PDG de Sonatrach avait annoncé une découverte qui faisait chaud au cœur nous le citons « notre objectif est de renouveler les réserves consommées à plus de 100%, actuellement nous sommes à 90% de taux de renouvellement »(02).
Si Sonatrach a pu donc grâce à l’effort d’exploration mettre en évidence et mobiliser des réserves de l’ordre de 90 % de la production de 2020 qui était à cette date 176 millions Tep, soit 158 millions de Tep, c’est-à-dire 1,2 milliard de barils de réserves arrive à s’enorgueillir avec une petite découverte de 140 millions de barils avec une certaine ferveur de son annonce aujourd’hui, il y a impérativement quelque chose qui ne va pas dans le groupe et, ceci sans rentrer dans les détails contractuels qu’on laisse à d’autres occasions.
En revanche, une telle annonce pourrait servir le partenaire ENI qui a déclaré le 19/03/2022 qu’il était disposé à «fournir du gaz supplémentaire à l’Europe pour aider à réduire la dépendance à l’égard des approvisionnements russes après l’invasion de l’Ukraine par Moscou. » (03) ce groupe a avancé 14 000 milliards de pieds cubes, soit environ 397 milliards de m3.
Rabah Reghis
Renvois
(03)-https://www.euronews.com/next/2022/03/19/eni-plan