20 avril 2024
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Soulèvement contre le 5e mandat : le début et la fin

Nour-Eddine Boukrouh

Soulèvement contre le 5e mandat : le début et la fin

Pour avoir été, il y a une année et demi, à l’origine du premier « Appel à une Révolution Citoyenne contre le 5e mandat » (encore à l’affiche sur ma page facebook), je salue la mobilisation populaire de ce week-end qui marque la maturation de la conscience citoyenne au sein du peuple algérien et la promesse – à terme – de sa consécration dans la vocation souveraine que la Constitution lui reconnaît par les mots mais qu’il n’a jamais exercée dans les faits.

Mon Appel avait été battu en brèche par le pouvoir et la soi-disant opposition. Mais voilà que le premier ne l’a pas réprimée pour n’y avoir pas décelé de danger (c’est vrai ?) et que la seconde y a vu une manne tombée tout droit du Ciel sur elle. Bref…

Que va-il se passer maintenant qu’un grand nombre de citoyens sont sortis de leur propre initiative dans la rue pour rejeter le 5e mandat ? Que peut-il arriver à partir de ce tournant ?

A) Ce qui va se passer  

Cette première manifestation à grande échelle du refus populaire de continuer à subir les caprices et les abus d’un pouvoir discrédité est sans aucun doute le début de quelque chose de nouveau.

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Elle a rassemblé des citoyens de tout âge, profil et région autour d’un slogan unique, le rejet du 5e mandat. Elle a été pacifique de bout en bout et n’a rien revendiqué en dehors de la fin d’une mascarade qui menace l’avenir du pays et humilie ses habitants.

Cette mobilisation spontanée n’a sûrement pas sa fin en elle-même et n’est qu’un début. Sa fin, sa finalité, est d’aller au-delà du refus du 5e mandat pour ouvrir la voie à l’avènement d’une Algérie libérée du paternalisme et de la dévotion stupide à des mythes anachroniques.

Elle doit se poursuivre et s’intensifier dans les prochains jours et semaines pour atteindre son objectif. Pour cela, elle doit impliquer davantage de citoyens et s’étendre à l’ensemble du territoire national et à l’étranger, là où se trouve une diaspora algérienne.

Quoique les marches et manifestations soient interdites depuis longtemps dans la capitale, le pouvoir s’est gardé de réprimer celle-ci de peur de provoquer une plus grande colère, mais aussi et surtout par crainte des réactions internationales. La sécurité des manifestants réside dans l’amplification et la généralisation du mouvement de protestation car on ne peut pas tuer des dizaines de milliers de personnes, les emprisonner ou les licencier de leur travail.

Ce qui va se passer est à attendre de l’intérieur du pouvoir qui n’a le choix qu’entre réprimer à grande échelle et se retrouver en plein inconnu, ou laisser le peuple choisir librement son prochain président parmi les autres candidats. L’inquiétude s’est installée dans son camp, compromettant d’ores et déjà le 5e mandat. Ou il renonce à moindre frais à cette option et laisse l’élection se dérouler loyalement, ou il la maintient par bravade sous le regard réprobateur du monde entier qui, d’ici le 18 avril, se sera largement assuré de son illégitimité.

La décision du pouvoir résultera de deux facteurs principaux :

1) l’intensification de la mobilisation contre le 5e mandat, prouvant qu’elle n’était pas un feu follet, un avertissement sans suite : si elle est générale, éloquente et continue, alors il reculera et la candidature de Bouteflika sera retirée avant ou après le 3 mars ;

2) la pression de l’opinion publique internationale : celle-ci finira par soutenir le bon sens de ceux qui rejettent le 5e mandat pour des raisons évidentes contre l’aberration de ceux qui le défendent parce qu’ils ont des intérêts à sauvegarder avec la formule d’un président virtuel. Quand, dans un pays, il n’y a que le pouvoir, les gouvernements étrangers sont obligés de s’en accommoder ; mais quand il existe dans ce même pays une société, une opinion publique, une conscience citoyenne, c’est elle qu’ils préféreront en vertu du principe démocratique qui sous-tend leur philosophie politique.

Le mur de la peur vient de tomber en Algérie, comme le mur de Berlin il y a trente ans, dégageant l’horizon, la vision, l’avenir… Une autre Algérie est possible sans despotisme, sans junte militaire, sans homme providentiel, sans Djoha ni des Daech en puissance. Avec de nouvelles générations, de nouvelles idées et de nouveaux partis …

B) Ce qui doit arriver

Les problèmes dont souffrent depuis toujours les Algériens découlent d’une question qu’ils ne se sont pas posée : à qui appartient l’Algérie ? Ils pensaient ingénument qu’ils étaient tributaires de la bonté de leur pouvoir – le propriétaire du pays – en qui ils voyaient une sorte de père de famille, de substitut de Dieu tel que le leur représente confusément leur candide religiosité.

Tous les pays du monde appartiennent à leurs peuples qui sont arrivés un jour ou l’autre à mettre en place un mode de désignation de leurs responsables sur la base de règles élaborées par les représentants de la nation. C’est ce qu’on appelle la démocratie.

Il y a un demi-siècle l’Algérie était une colonie. Elle est devenue un butin de guerre aux mains d’un clan puis, à partir de 1999, une monarchie pétrolière au service de groupes d’intérêts. Le moment de se poser cette question fondamentale est arrivé et exige une réponse immédiate qui revêt un intérêt médical : qu’est-ce qu’il faut faire pour que le peuple se réapproprie son bien, et qu’est-ce qu’il ne faut plus faire pour ne pas rechuter ?

La réponse jaillira du face-à-face qui oppose le « système » à une conscience civique en cours de cristallisation. Si les forces vives de la nation gagnent ce bras de fer, elles inaugureront l’alternance historique et la démocratie. Si elles le perdent, le pays s’écroulera dans un chaos économique et social.

L’Algérie est dans un état moral et civique meilleur que celui qui prévalait à la veille d’octobre 1988 car cette fois ce n’est pas une jeunesse dépolitisée et prête à tout casser dans un élan vengeur qui est à l’œuvre, mais des jeunes et des adultes qui revendiquent le respect de leur dignité devant les autres nations. En 1988 il y avait un pouvoir mais pas de société. Aujourd’hui la société est en train d’émerger du face-à-face qui la dresse contre un pouvoir qui a enfreint toutes les limites juridiques et morales.

Là où les partis politiques ont échoué, les segments organisés de la société civile peuvent réussir à condition de porter leurs revendications de la sphère matérielle et syndicale à la stratosphère politique, là où s’élaborent les stratégies économiques et politiques.

Les manifestations catégorielles peuvent se succéder et obtenir l’une après l’autre satisfaction à leurs revendications, mais l’Algérie s’en portera-t-elle mieux ? Non, car la création monétaire avec laquelle elles auront été satisfaites produira en quelques mois ses effets néfastes : l’inflation, les pénuries et une nouvelle dégradation de la valeur du dinar. Il faudra de nouveau sortir dans la rue pour courir après de nouvelles augmentations de salaires et ainsi de suite, jusqu’à la chute de l’économie, du dinar, des finances publiques et des institutions politiques.

Il ne faut pas se tromper de direction et persister dans un comportement consistant à vouloir arracher des concessions à un pouvoir qui ne peut plus rien donner sinon de la fausse monnaie. Il faut passer de la colère à la froide résolution, de la revendication à la prise en main de son destin, du rapiéçage temporaire à la rénovation en profondeur.

Il ne faut plus quémander des augmentations de salaires payées avec de la monnaie de singe, mais s’organiser pour prendre démocratiquement le pouvoir afin d’instaurer des politiques économiques, financières, sociales et culturelles rationnelles. Les revendications catégorielles doivent converger entre elles et cheminer vers un même but : renvoyer le pouvoir en raison de ses échecs, et travailler à la mise en place d’une alternative politique.

Le jour où l’esprit citoyen se généralisera, le pouvoir crapuleux disparaîtra. Il faut abandonner l’esprit corporatif, les intérêts sectoriels, la culture tribale et clanique et verser toutes les forces dans une cause commune, celle en cours pour libérer l’Etat du système qui l’a domestiqué à ses propres fins. Il ne faut plus viser de meilleures conditions de vie pour les corporations, mais une Algérie meilleure pour tous.

Les syndicats autonomes, les organisations sociales, le mouvement associatif, les intellectuels, les artistes et ce qui reste de partis sérieux ont devant eux une chance historique de se rapprocher pour renforcer le rejet du 5e mandat et se préparer à devenir les états généraux de la nation où seront discutées prochainement la nouvelle Constitution algérienne et les futures institutions de l’Algérie nouvelle. Une Algérie de tous et pour tous.

Pour avoir des dirigeants dignes de ce nom, l’Algérie doit devenir une nation digne de ce nom. C’est tout l’enjeu du mouvement de renaissance en gestation, fruit d’une indignation nationale devant un énième viol des consciences ayant pour nom 5e mandat. Si le début est réussi, la fin est garantie. S’il échoue, c’est la fin de tout et on méritera alors d’être réduits en esclavage.

                                                                                                                                                             N.B.

 




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