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Tassadit Yacine : « Mammeri ne souhaitait pas l’indépendance de la Kabylie »

Tassadit Yacine

L’écrivaine et anthropologue Tassadit Yacine estime dans un entretien accordé au site Diaporadz que « la prise de conscience du phénomène berbère comme phénomène culturel et politique s’est effectuée graduellement. Elle n’est pas née ex nihilo puisque cette question va surgir au sein mouvement national et, plus, particulièrement en 1949 (avec la crise berbériste) ».

Pour expliquer cette longue prise de conscience, Tassadit Yacine a plongé dans l’histoire, tout en mettant en garde les lecteurs à ne pas tomber dans les raccourcis. Car justement toute l’erreur est là. Comme dans l’essentialisation ou la glorification. Ce formidable mouvement de maturation est le produit de plusieurs générations, chacune avec son contexte et son discours revendicatif.

La révolte de 1871 et ses terribles conséquences, puis la Première guerre mondiale auquelle un nombre important de Kabyles ont pris part, ensuite l’émigration, les manifestations de 1945… participent de cette longue maturation, la crise au sein du PPA/MTLD avec notamment la crise antiberbère participent de cette longue maturation de la conscience berbère. »

Tout cela fera qu’une fois le mouvement lancé, il a été puissant surtout en France. Il allait quadriller la France, l’Algérie aussi. Ainsi lorsque le mouvement national va s’organiser, la question de l’identité se pose : en fait, autrefois, le problème de l’identité n’existait pas de façon officielle parce que le pays était dominé par les Ottomans puis par les Français. C’est donc la première fois que les Algériens s’organisaient en tant qu’Algériens contre la colonisation. Ils sont donc amenés à se définir par rapport à l’autre.

Cette question n’a pas émergé sous les Ottomans. L’organisation politique nationale a, du coup, laissé apparaitre des divergences qui opposent deux tendances. Ces chevilles ouvrières du mouvement national en provenance de Kabylie ne se reconnaissent pas tout à fait dans les choix idéologiques du mouvement national », détaille l’anthropologue.

Cette succession d’événements et de crises au sein du mouvement national constitue une longue mèche. Le printemps de 1980 a servi de déflagration avec l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur les poèmes kabyles anciens. En vrai, estime Tassadit Yacine, « l’ensemble de son (Mouloud Mammeri, Ndlr) œuvre a fourni de formidables instruments de conscientisation ». 

Se réclamer simplement de la Kabylie est une offense pour le courant arabo-islamiste et des intellectuels réputés pourtant comme ouverts et francophones. Et Mouloud Mammeri en a fait les frais. « Auparavant en 1952, à la sortie de son roman, La Colline oubliée, il lui sera reproché de faire « exister » la Kabylie, sa région natale dans une fiction. Se réclamer de la Kabylie était en quelque sorte suspect de collaboration avec la colonisation ».

A la question sur l’indépendance de la Kabylie que porte le MAK, Tassadit Yacine a eu cette réponse : « Le problème ne se posait pas en ces termes. Incroyable mais vrai, des chercheurs (Abdelkader Djeghloul et Jacqueline Pluet dans la revue AWAL) l’ont interrogé sur le sujet. Il a répondu en disant qu’il n’a jamais envisagé cette question et qu’il ne le souhaitait pas. »

Hamid Arab

L’ensemble de l’entretien est à lire ici

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