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Tassili n’Ajjer : succession contestée à la tête de l’Amenokal, entre traditions, politique et enjeux sahariens

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L’intronisation récente de Hoceïn Benklala, petit-fils du résistant touareg Ibrahim Ag Abka, comme nouvel Amenokal des Touaregs du Tassili n’Ajjer, continue de susciter vives polémiques.

Présentée par ses promoteurs comme le résultat d’un « consensus tribal inédit », cette désignation de Hoceïn Benkla est contestée par le sénateur El-Bekri Ghouma Ben Brahim, héritier de la dynastie Ghouma, qui dénonce une instrumentalisation des traditions et des violations juridiques.

Une succession coutumière fragile

Jusqu’en 2021, la fonction d’Amenokal était assumée par la famille Ghouma. À la mort du moudjahid Hadj Brahim Ghouma, son fils El-Bekri Ghouma avait été plébiscité lors d’une cérémonie officielle à Illizi, en présence des autorités civiles et militaires ainsi que de membres du gouvernement, puis installé dans ses fonctions en décembre 2021. Cette continuité semblait consacrer la légitimité de la lignée Ghouma dans le Tassili.

La désignation de Hoceïn Benklala rompt cette tradition. Elle n’a été précédée d’aucun communiqué officiel confirmant la transition, ce qui nourrit l’accusation portée par El-Bekri Ghouma d’un « coup de force coutumier » orchestré au détriment de sa propre légitimité.

L’argument juridique du sénateur Ghouma

Dans un communiqué daté du 3 octobre et diffusé à Illizi, El-Bekri Ghouma invoque explicitement la loi 89-28 du 31 décembre 1989, complétée par la loi 91-19, relative à l’organisation des rassemblements publics. Selon lui, les cérémonies ayant entouré l’intronisation de Benklala ont été organisées « en violation » de ce cadre légal. Au-delà du droit, il affirme que ces démarches sont « dépourvues de légitimité historique et coutumière » et que le nom d’Ibrahim Ag Abka a été utilisé abusivement, sans consultation de ses descendants directs ni des notables reconnus.

Une institution coutumière sous tensions

La controverse actuelle met en lumière la fragilité de l’institution de l’Amenokal dans le Tassili n’Ajjer. Contrairement au Hoggar (Kel Ahaggar), où la charge s’est longtemps stabilisée autour de la lignée des Kel Ghela, le Tassili (Kel Ajjer) a connu des successions plus fragmentées, souvent disputées. La montée en scène de Hoceïn Benklala illustre cette rivalité entre dynasties : d’un côté, la famille Ghouma, ancrée dans la légitimité post-indépendance ; de l’autre, les Benklala, portés par la mémoire prestigieuse d’Ibrahim Ag Abka.

La tentation de l’ingérence politique

Plusieurs observateurs estiment toutefois que la controverse dépasse la simple rivalité coutumière. Des sources  évoquent la main d’un parti influent de la coalition présidentielle, soupçonné d’avoir appuyé le plébiscite de Benklala afin de marginaliser l’héritier Ghouma. Cette intervention, perçue comme un « coup d’État coutumier », illustre une tendance récurrente : l’ingérence du pouvoir central dans la gestion des chefferies traditionnelles, utilisées comme relais d’influence et de contrôle territorial dans le Sahara.

Un enjeu national sur fond de risques régionaux

La fonction d’Amenokal, bien que coutumière, revêt une dimension éminemment politique. Dans une région frontalière sensible, marquée par les trafics transsahariens et l’instabilité sécuritaire au Sahel, la reconnaissance officielle d’un chef traditionnel devient un outil stratégique pour l’État. En dénonçant la nomination de Benklala, El-Bekri Ghouma met en garde contre des « projets importés » et affirme que « l’unité de la région du Tassili des Ajjers est une ligne rouge ».

Entre mémoire et pouvoir

Au-delà des personnes, l’épisode révèle un dilemme persistant : comment concilier la mémoire de la résistance touarègue, souvent invoquée pour légitimer des successions, avec les nécessités politiques de l’État central ? La querelle Benklala-Ghouma illustre la difficulté à préserver l’équilibre entre tradition coutumière, enjeux politiques nationaux et stabilité régionale.

Les successions des Amenokalen du Hoggar et du Tassili depuis l’indépendance

 Hoggar (Kel Ahaggar)

1962 : après l’indépendance, maintien de la lignée traditionnelle des Kel Ghela, déjà reconnue sous la colonisation.

Années 1960-1970 : le rôle de l’Amenokal est toléré par l’État algérien, mais sa portée politique est progressivement réduite.

Bey ag Akhamouk (figure emblématique) : reconnu comme chef coutumier, il conserve une autorité morale et symbolique jusqu’aux années 1990.

Période récente : la charge perd en visibilité institutionnelle mais demeure une référence identitaire dans le Hoggar.

Tassili n’Ajjer (Kel Ajjer)

1960s-1980s : après l’indépendance, la famille Ghouma s’impose comme principale lignée détentrice de la charge d’Amenokal, avec l’appui de l’État.

Hadj Brahim Ghouma : Moudjahid, reconnu comme Amenokal de référence jusqu’à son décès en octobre 2021.

Novembre 2021 : El-Bekri Ghouma Ben Brahim (sénateur du tiers présidentiel) est plébiscité à Illizi pour succéder à son père. Installation officielle confirmée par le ministère de l’Intérieur en décembre.

Octobre 2025 : Hoceïn Benklala, petit-fils d’Ibrahim Ag Abka (figure de la résistance touarègue), est proclamé nouvel Amenokal. Une désignation immédiatement contestée par El-Bekri Ghouma, qui dénonce un « coup de force coutumier » et des ingérences politiques.

Rabah Aït Abache

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