22 novembre 2024
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Turquie : Erdogan défonce les portes de sortie politique

Erdogan

La Turquie du « raïs » Erdogan est sur la sellette de l’effondrement économique à l’approche des élections présidentielles et législatives du 14 mai prochain.

Du soft power de 2005 à 2015 au hard power depuis l’intervention militaire turque en Syrie, aujourd’hui avec la smart power, la Turquie multiplie ses instruments entre le doux et le dur affectant l’admiration des peuples soumis au chauvinisme populiste. Mais la réalité de l’Etat Anatolien est tout autre.

Le dimanche 14 mai auront lieu les élections présidentielles et législatives dans ce pays dont l’Algérie officielle se vante de sa coopération « exceptionnelle » avec les 1 400 entreprises turque exerçant dans l’ex-colonie ottomane.

Au pays de plus de 300 000 prisonniers et de la plus grande prison d’Europe, celle d’Aksaray, pouvant contenir jusqu’à 6 000 prisonniers, les chiffres parlent d’eux-mêmes si nous évoquons la situation réelle de l’économie turque durant les 20 années du règne du parti de l’AKP.

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La situation dans ce pays est qualifiée de décadente poussant à un effondrement des institutions. Mêmes les plus fortunés d’entre les Turcs, se sentent mal à l’aise au pays de la confiserie d’Alep. Ils étaient quelques 38 milliardaires en 2011, ils ne sont plus que 26 aujourd’hui, dont la famille Koç propriétaire entre autre de la marque Beko et celle des Sabançi dont le bénéfice net pour l’année 2022 s’élevait à 2,3 milliards d’euros ce qui laisse entendre que la plupart des fortunés de la mer de Marmara et d’Izmir ont faits des profits proches de ce montant sous le seul règne de l’actuel « Pacha » d’Ankara.

Le profit en question a été assuré par les gouvernements de l’AKP qui ont privatisé les institutions de l’Etat en diversifiant et renforçant les sectes religieuses, déterminant de nouvelles politiques hégémoniques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et jouant contre les équilibres inter-impérialistes avec l’appui de la classe capitaliste locale.

Le « Zelensky » turc

Le 6 mars dernier et après 6 mois de tergiversations entre six partis d’opposition, Kemal Kılıçdaroğlu est célébré comme candidat de l’Alliance des Six et celui du Parti Républicain du Peuple (CHP) une formation ce centre-gauche qui se réclame du fondateur Mustapha Kemal « Atatürk ».

Ce candidat incarne l’opposition dans la Turquie où l’anti-Erdoganisme gagne du terrain, il était un ancien du Parti de gauche démocratique (DSP) et il se fera inviter à regagner le CMP du temps de Denis  Baykal. Kılıçdaroğlu est alaouite, pour dire que le confessionnalisme en Turquie est de mise en politique et ce candidat qui jouie d’un discret soutien de la communauté kurde des grandes villes, n’a cessé de dénoncer les malversation des cadres de l’islamo-conservatisme de l’AKP arrivé au pouvoir depuis 2002. L’Alliance des Six a choisie comme slogan de campagne : « Je te promet que le printemps reviendra ».

Aux côtés des deux « gladiateurs » de la scène politique turque se présentent deux autres candidats. Muherrem Ince du Parti de la Nation (Memleket Partisi), nationaliste et ancien candidat du CHP, se présentant cette fois comme indépendant. Le second, Sinan Ogan de l’Alliance ATA et ex-député du MHP. Il est surtout candidat de la coalition que dirige Umit Ozdag, leader du Parti de la Victoire (ZP, Zafa Partisi) extrémiste de droite et anti-immigration.

Le principal candidat de l’opposition anti-Erdogan est le « Zelensky » turc sur lequel parient les USA et l’UE. Biden pour sa part a émis il y a quelques jours le souhait de voir changer le pouvoir en Turquie, non avec des « révolutions colorées » mais par les urnes des prochaines élections. Avec une telle candidature, c’est bien Moscou qui est irritée par ce choix. Il incarne bien le retour du pays dans le berceau de l’OTAN et de l’UE avec une orientation bien américaine.

Mais, bien que soutenu par les grands cercles de la géopolitique mondiale, la situation intérieure que le candidat héritera et délaissée par le régime de l’AKP n’est nullement luisante.

Au tremblement de terre qui a touché 11 provinces turques, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) publia un rapport sur les  effets de la catastrophe sur le marché du travail. Il est question de milliers de travailleurs qui ont perdu leur moyen de subsistance tant en Turquie qu’en Syrie.

L’OIT relève que 150 millions de dollars de perte de revenus du travail, touchant 658 000 employés qui ont perdu leurs moyens de subsistance et 150 000 lieux de travail sont devenus inutilisables. Il y a eu plus de 4 millions d’employés dans les 11 régions touchés par le séisme, à majorité dans le secteur de l’agriculture, de l’industrie manufacturière, le commerce et d’autres services à faible valeur ajoutée. Chaque travailleur concerné par cette perte d’emploi perd en moyenne plus de 230 dollars par mois s’il n’arrive pas à trouver un emploi.

Le séisme en question n’a fait qu’empirer davantage une situation socio-économique déjà bien dramatique pour les peuples de Turquie. Le FMI tout comme les politiques du pays, jugent que la croissance économique est bien instable.

La Turquie n’a pas pu réaliser l’accumulation du capital et le régime d’Erdogan a réalisé les investissements en empruntant à la société par le biais d’une soi-disant coopération entre le public et le privée. Ce qui a donné comme déficit du compte courant s’élevant à 674,8 milliards de dollar durant les 20 ans de gestion catastrophique.

La dette extérieure du pays passe de 129 milliards de dollars en 2002 à 459 milliards en 2022. C’est pour dire…

L’équilibre est bien rompu

Ce que les Algériens n’ont jamais observé lors de leurs déplacements au pays de l’AKP sont les 64,2 % d’enfants âgés de 6 mois et plus qui sont nourris quotidiennement avec du pain et des pates, et que 12,7 % d’entre eux peuvent consommer des viandes, du poisson et du poulet, alors que 10,9 % consomment des haricots, des poids chiches et des lentilles. Outre une alimentation saine, la consommation d’aliments de satiété affecte le développement psychologique des enfants ainsi que leur développement physique.

Selon l’Institut turc des statistiques-TUIK, il y avait en 2020, 720000 enfants de 5 à 17 ans qui travaillent comme ouvriers dans la Turquie de l’AKP islamo-fasciste, 30,8 % d’entre eux sont dans l’agriculture, 23,7 % dans l’industrie et 45,5 % dans les secteurs des services. Au niveau de la maltraitance de cette fragile et surexploitée catégorie sociale, dernièrement 4 policiers ont été suspendue à Diyarbakir capitale du Kurdistan turc, pour avoir torturer et abuser d’un garçon de 14 ans.

En interrogeant les données économiques et sociales recueillis auprès de l’opposition non-parlementaire turque, nous apprenons bien des vérités sur un pays prétendument « émergeant » et en pleine croissance industrielle – si ce n’est que dans la construction des frégates et corvettes de guerre ! -, alors que les rapports socio-économiques divergent d’une région à l’autre. Totalement dépendant des capitaux étrangers, les régions hors des grandes cités sont totalement arriérées et soumises à des rapports féodaux et patriarcales. Avec la politique actuelle, la porte de sortie est totalement close au niveau économique et peu importe qui arrive au pouvoir. La répartition des revenus s’est détériorée en 5 à 20 ans avec une augmentation de la pauvreté, alors que la part du travail dans le PIB turc était de 28,3% en 2002, elle est tombée à 25,3 % en 2022.

Le secteur financier s’est développé au détriment du secteur réel. Au dernier semestre 2022, le taux de croissance des banques était de 12 %, mais le taux de croissance dans le domaine industriel était de moins de 3 %. En effet, la Banque centrale de la République de Turquie (CBRT) finançait les autres banques avec un taux d’intérêt à un chiffre et l’indice de production industrielle qui était de 9,4 % en 2002 et retombait à moins de 0,2 % en 2022.

La même CBRT publia le 13/4 en cours son bulletin hebdomadaire sur la monnaie et les banques et la semaine qui a précédé (7/4/2023), nous relevons que les réserves internationales nettes de la banque centrale turque ont chuté de près de 4,7 milliards de dollar pour n’atteindre que 13,77 milliards, selon l’agence Reuters. Les réserves brutes de change de la banque centrale ont diminués de 1,756 millions de dollar au cours de la même période pour atteindre 68,44 milliards de dollar. Les réserves de changes se situaient en date du 31/3/2023 au niveau de 70,247 milliards de dollar.

Selon les institutions soutenues par l’Etat du DKP – MHP, le chiffre officiel du taux d’inflation est de l’ordre de 61,14 %. Alors que le groupe de recherche sur l’inflation (ENAG) l’avait annoncé le 3/2/2022 dernier à 114,87 % et le chiffre sera révisé à la hausse vers le mois d’avril de la même année, passant à 156 %. Cela signifie qu’en plus des factures élevées, chaque produit a augmenté en raison de la forte inflation du marché du bazar, celui-là qui déverse ses invendus de derniers choix sur l’Algérie, jointe à la diminution du pouvoir d’achat des Turcs.

Le rapport de l’Outelook of Unemployment and Employment de l’OCDE, il est dit qu’en 2021 le nombre de chômeurs a augmenté en Turquie de 1,4 millions par rapport à la période pré-pandémique. Parmi les 63,7 millions de personnes en âge de travailler, seuls 19,7 millions occupent un emploi formel et à temps plein.

La large définition du chômage s’exprime à travers le chiffre de 8,8 % dont 43 % sont des jeunes. Au mois de mars 2022, seules 16,7 femmes sur 100 occupent un emploi formel et à temps plein, le taux en question des femmes est de 54 %.

Lors d’un sondage effectué le 8/4/2022 par la Société de recherche MetroPoll, et face à la situation guerrière qui sévit au nord de la Mer noire, 50,3 % déclarent qu’ils réduisaient leurs repas ; alors que ceux qui ont déclaré avoir faim de temps en temps étaient de 31 %. Dans le « royaume » de l’AKP, le salaire minimum était en 2021 de 385 dollar, il équivaut en 2022 à 275 dollars, un chiffre qui montre bien une large dépréciation de la Lire turque.

Le rapport qui subsiste dans la Turquie du charlatanisme politique, entre la femme et le monde du travail est écurant. Les rapports de l’OCDE et ceux de la Banque mondial (2021) considère ce pays comme un des 25 pays sur 200 où le taux est le plus bas dans la participation de la femme au marché du travail. L’emploi des hommes est de 47 % alors que chez les femmes il est inférieur à 23,5 % par rapport au taux existant dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qui n’est que tout juste de 30 % bien loin de la moyenne des pays de l’OCDE qui indique un taux de 77 %.

Les femmes turques soumises à l’ordre féodal du patriarcat, travaillent principalement dans le secteur des services (50 %), celui de l’agriculture (25 %) et de l’industrie manufacturière (15 %). Pour ainsi dire que l’équité et le droit au travail des femmes en Turquie ne font toujours pas du mirage culturel de ce pays qui s’est éloigné depuis 20 ans de la culture démocratique préférant la dépendance économique et la soumission au semi-féodalisme.

En 2022, la Labour Working Community a publié un rapport dans lequel elle recense qu’entre janvier et février de la même année, la Turquie a connu quelque 188 grèves et 17 000 travailleurs y ont participés. Un chiffre auquel il faudrait ajouter la fameuse grève des travailleurs des hôpitaux publics (5000 personnes) et celle des médecins de familles (1500) au seul mois de février.

Lorsque certains Algériens ayant eu accès aux soins de la médecine privée germano-turque ou américano-turque venaient à miroiter un certain progrès, ils ne voyaient pas qu’autour d’eux, il y a eu 14 550 personnes qui ce sont suicidées entre 2015 et 2022 dont 10 095 hommes, 3 281 femmes et 1 155 de moins de 18 ans. Le suicide de ces travailleurs est bien dû à la spirale de la pauvreté et de l’endettement. C’est ce que compte exporter Erdogan en Algérie.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire

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