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Un acteur incontournable en Iran : les Moudjahidine du peuple

Opinion

Un acteur incontournable en Iran : les Moudjahidine du peuple

La récente révolte populaire qui a ébranlé le régime des mollahs en Iran a suscité nombres d’interrogations sur les moteurs du mouvement inédit par son ampleur et la percée de ses revendications. Comme toute dictature défiée par sa population, le régime a montré du doigt les ennemis étrangers et accusé « les Américains, les sionistes et les Saoudiens » d’être derrière le «complot» pour renverser la dictature. 

Certes, la théocratie iranien a des difficultés dans ces relations avec ces adversaires étrangers mais c’est un fait nouveau. Pendant de longues les pays occidentaux et les monarchie arabe de la région ont composé avec les mollahs. Les grandes puissances viennent même de signer, il y a deux ans, un accord sur le nucléaire iranien et les entreprises européennes ont depuis lancé une campagne à la conquête de « l’eldorado » iranien.

Accuser aujourd’hui les puissances étrangères d’avoir pu monter si rapidement une insurrection à l’ampleur nationale en Iran, ne tient évidemment pas la route. Le monde a bien vu les dizaines de milliers d’Iraniens dans quelques 140 villes descendre dans la rue pour protester contre le désastre économique et l’absence des libertés, un ras le bol qui se manifeste face à 39 ans de règne d’un intégrisme islamiste des plus violent : le Khomeynisme.

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Les autorités iraniennes ont également incriminé «l’ennemi intérieur » qui agit comme « exécutant » du projet de renversement. L’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), la principale force d’opposition au régime, a été visée par nombres de responsables politiques et religieux du régime comme le véritable «moteur» derrière les manifestations qu’elle «préparait depuis des mois».

La plus haute autorité du régime, Ali Khamenei, a mis en garde contre les réseaux de l’OMPI qui ont été particulièrement actifs dans le récent sursaut populaire : «L’argent est venu des riches gouvernements du golfe Persique et les exécutants étaient le groupe criminel des monaféghine», a déclaré le Guide suprême des mollahs dont les propos étaient rapportés le 9 janvier par l’AFP. Monaféghine ou hypocrites, est un terme péjoratif utilisé par le régime pour désigner les membres de l’OMPI dont des dizaines de milliers ont été exécutés, sous l’inculpation de « moharebeh » ou  guerre contre Dieu, depuis l’avènement du régime islamiste en février 1979. L’Iran détient le record mondial du nombre d’exécutions par habitant.

«Depuis quelques mois ils s’organisaient pour cibler les gens à l’intérieur du pays, pour obtenir leurs aides, pour qu’ils viennent appeler les gens à se soulever. Et c’est eux qui ont lancé le slogan « non aux prix élevés », un slogan qui plaît à tout le monde, » a déclaré Khamenei. Le président du régime, Hassan Rohani, a pour sa part, exigé de la France, où est basé l’un des sièges de la Résistance iranienne, de museler la principale force d’opposition au régime. Tantôt traité par le régime de suppôt des Soviétiques, des Israéliens, des Irakiens, des Américains et maintenant des Saoudiens, les Moudjahidines du peuple semblent inquiéter les mollahs qui n’épargnent aucun moyen pour ternir l’image d’un mouvement qui n’est tout simplement peut être qu’appuyé que par le peuple iranien, comme il le prétend et a montré depuis un demi-siècle d’existence une résilience exceptionnelle.

Qui sont les Moudjahidine du Peuple ?

Le mouvement a été fondé en 1965 après l’échec du parlementarisme en Iran et la décision de la dictature du Chah de museler toute opposition à la monarchie. Les partisans du populaire premier ministre Mohammad Mossadegh, renversé en 1953 par un coup d’Etat de la CIA, songèrent alors aux moyens de résister à la tyrannie et défendre les idéaux du grand leader du mouvement national en Iran. En s’opposant à la mainmise des Britanniques sur la politique et les ressources naturelles du pays, Mossadegh avait réalisé le rêve des Iraniens qui aspiraient à la souveraineté politique et économique du pays. Il a nationalisé l’industrie pétrolière, engagé des réformes démocratiques et contraint le Chah à quitter le pays.

Bafoué et mis en résidence surveillé après le coup d’Etat sanglant, Mossadegh avait encouragé, dans son message à la jeunesse, à suivre l’exemple du peuple algérien dans son combat pour l’indépendance et la liberté. Ce n’est donc pas un hasard si les fondateurs de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) sont issus de la jeunesse Mossadeghiste qui a voulu réaliser le souhait de leur référence.  

Quand le Chah emprisonna les principaux dirigeants du mouvement nationaliste et barra la route à l’opposition légale, les intellectuels iraniens n’ont trouvé d’autres choix que la résistance frontale à la dictature. Mohammad Hanifnejad, Saïd Mohsen et Aliasghar Badizadegan, trois jeunes universitaires, ont fondé l’OMPI. Ces intellectuels musulmans ont élaboré une stratégie de lutte pour le renversement de la monarchie et un projet politique pour l’instauration d’une république laïque et démocratique basée sur la souveraineté populaire. Une république moderne et non un retour vers le passé et la monarchie.

Se revendiquant de l’islam des lumières, ils ont toutefois dû se démarquer d’un courant intégriste qui s’opposait au Chah pour d’autres raisons. Dont un certain Rouhollah Khomeiny qui dénonçait le monarque pour avoir notamment donné le droit de vote aux femmes et aux privilèges des grands propriétaires terriens.

La répression fut cependant terrible et la plupart des premiers militants progressistes furent arrêtés et périrent dans une vague d’exécutions politiques et sous la torture. Un dirigeant du mouvement, Massoud Radjavi, put cependant échapper à la peine de mort grâce à une campagne lancée à l’étranger par son frère, Kazem Radjavi, qui était professeur de droit à Genève. Massoud réunifia le mouvement et fut parmi les derniers prisonniers politiques à être libérés quand intervint le renversement du Chah le 11 février 1979.

La révolution de Février

Bénéficiant de leurs prestiges de résistants de première heure et proposant une vision moderne et progressiste de l’islam, les Moudjahidine du peuple gagnèrent vite en popularité au lendemain de la révolution qui mit fin à la monarchie en Iran. La jeunesse iranienne adhéra massivement aux idéaux et programmes défendus par le mouvement, au premier rang desquels s’inscrivait le pluralisme et le suffrage universelle.

Car l’OMPI était confiante qu’en donnant la voix au peuple et en honorant son libre choix, la jeune démocratie iranienne pourrait trouver le chemin du salut et de la prospérité. Décidé d’aller jusqu’au bout de l’expérience démocratique, elle participa ainsi à plusieurs scrutins successifs entre février 1979 et juin 1981. Les forces démocrates et libérales s’unirent alors pour proposer une alternative différente de celle des intégristes au pouvoir. Cette alternative gagna rapidement en popularité au point de menacer l’emprise de Khomeiny. Le quotidien « Modjahed» organe de l’OMPI, tirait alors à 600.000 exemplaires et les meetings du mouvement attiraient à Téhéran comme en province des centaines de milliers de personnes.

Les islamistes refusèrent dès le début de se soumettre à l’épreuve du suffrage universel dans des élections libres. Malgré les voix remportées et le soutien d’une partie très importante de la population, aucun candidat de l’opposition ne put entrer au parlement, alors que le régime se livrait à une fraude systématique. Lors de la première élection présidentielle, le candidat de l’OMPI, Massoud Radjavi, était soutenu par l’ensemble des partis d’opposition, ainsi que les minorités ethniques et religieuses et une majorité de femmes.

Toutefois, au grand dam des Iraniens, Khomeiny l’élimina de la course électorale par une fatwa au motif qu’il n’a  pas voté à la constitution du nouveau régime. Celle-ci, adopté quelques semaines plus tôt, prévoyait en effet la tutelle du Guide suprême sur l’Etat et l’application de la charia et la loi du taillons, contrevenant à toutes les valeurs d’un État démocratique et moderne.

Le massacre des opposants

La répression atteignit son apogée quand, à l’appel de l’OMPI, une manifestation pacifique d’un demi-million de personnes à Téhéran, le 20 juin 1981 fut réprimée dans le sang sur ordre de Khomeiny. Celui-ci avait ainsi décidé de fermer définitivement la voie à toute expression de l’opposition politique qui gagnait chaque jour en popularité. C’est dans la soirée de ce jour funeste que commencèrent les exécutions massives qui vont faire disparaître des dizaines de milliers de sympathisants de l’OMPI.

Le pic des mises à mort sera atteint durant l’été 1988 à la fin de la guerre avec l’Irak. En quelques mois, 30.000 prisonniers politiques seront massacrés dans les prisons en exécution d’une nouvelle fatwa de Khomeiny. La plupart des victimes étaient des militants de l’OMPI qui purgeaient leurs peines. Un crime contre l’humanité qui est aujourd’hui au centre d’une campagne internationale pour traduire en justice ses auteurs qui sont toujours à des postes clés du pouvoir.

L’alternative démocratique

Sous le coup d’une répression implacable, Massoud Radjavi quitte l’Iran pour la France à bord d’un avion affrété clandestinement par des pilotes sympathisants de l’OMPI dans l’armée de l’air, où elle bénéficiait de nombreux soutiens. Le chef de la Résistance, qui avait annoncé à Téhéran la création Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), appela à une coalition large des opposants à la dictature. De nombreux partis et personnalité joignirent alors la coalition de l’opposition qui formula un programme pour l’Iran libre de demain.

La persécution de ces opposants farouches n’a pu les mettre hors-jeu, mais juste contraint à l’exil forcé. Débuta alors un long et éprouvant combat pour l’affirmation de l’alternative démocratique, face à un ennemi capable de toute les crimes et perfidies pour anéantir ses ennemis physiquement ou par des campagnes de désinformation sophistiquées.

Téhéran a su faire usage du chantage avec des otages français au Liban pour pousser le gouvernement Chirac à demander à Massoud Radjavi de quitter la France pour l’Irak. Avec l’arrivé d’un Président qui prétendait être modéré, Mohammad Khatami le régime profita pour tendre la main à l’occident en demandant en contre partie à placer l’OMPI sur les l listes des organisations terroristes. Les américains ont été les premier à le faire en 1997. Les britannique en 2001 et l’Union européenne en 2002. Ce fut une période d’incrimination et de bannissement du mouvement. Au moment de la guerre en Irak, un pacte secret entre la théocratie iranienne et les alliés (américain et britannique) a entrainé le bombardement des camps de l’OMPI en Irak. Une campagne de désinformation a même été dirigé pour tenir l’OMPI responsable de la répression des kurdes en Irak. Ce que les dirigeants des formations kurdes irakiennes ont démentis établissant la vérité sur un autre mensonge visant à discréditer ce mouvement.

Le CNRI a élue comme future présidente de la république pour la période de transition, une femme, Maryam Radjavi qui depuis tient le flambeau de la résistance. Cet ingénieur en métallurgie qui fut une des figures de proue du mouvement estudiantine opposé au Chah, a favorisé la montée des femmes dans la direction du mouvement. Faisant de l’OMPI une organisation moderne qui rejette toute forme de misogynie. Elle a dû se battre contre les mollahs mais aussi mener les combats pour la réhabilitation du mouvement. Par la voie de justice elle a combattue les inscriptions de l’OMPI sur les listes terroristes. Toutes les procédures judiciaires ont donné raison à l’OMPI et ont contraint les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Union européenne et tous les autres pays à retirer ce mouvement de leurs listes noires. Un autre terrain de combat douloureux fut la protection des militants piégés dans le camp d’Achraf en Irak qu’après la chute du gouvernement irakien était menacés par les milices irakiennes et iraniennes sous le gouvernement de Maliki. Plusieurs massacres de ces militants désarmés dans un premier temps par les américains, ont été perpétré par les milices et l’armée irakienne. Mais ces militants ont démontré une résistance farouche et une mobilisation internationale fut déclenché grâce aux efforts de Maryam Radjavi qui avec l’aval de l’ONU et du HCR a pu transférer sain et sauf les survivants des massacres en Europe.

Grâce à sa capacité organisationnelle, sa force de conviction et sa base populaire, l’OMPI a pu survivre à la répression brutale Et aux complots les plus vicieux.  Cette résilience est un capital inestimable auprès de la jeunesse iranienne. S’appuyant sur ses réseaux de résistance à l’intérieur du pays, l’OMPI reste aujourd’hui une force redoutable qui peut mobiliser la résistance face aux mollahs et préparer le changement démocratique à venir. Le CNRI que le régime tient implicitement comme son alternative, comble le défaut existant lors des printemps arabes, à savoir une force organisée qui puisse garantir une transition vers un système démocratique et épris de justice. Les 10 point présenté par Maryam Radjavi, en tant que présidente élue de la résistance iranienne, pour le future de l’Iran, prônant l’égalité des sexes, la liberté de se vêtir selon sa volonté, l’abolition du voile obligatoire, la séparation de la religion et de l’Etat, le respect des libertés fondamentales… montrent en perspective ce que pourrait être l’Iran du futur. Malgré les nombreuses arrestations, le feu de la révolte sociale reste vif en Iran. Sur les réseaux sociaux et dans les quartiers, la jeunesse iranienne se prépare pour le prochain bras de fer face à un régime en sursis.

Auteur
Hamid Enayat

 




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