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Y a-t-il un pilote dans l’avion Algérie ?

Retour à l’endettement extérieur, grèves, faiblesse de la communication institutionnelle

Y a-t-il un pilote dans l’avion Algérie ?

Faute de communication gouvernementale sérieuse, l’information est devenue crédible : l’Algérie empruntera de l’argent au FMI, en 2019 ! 

L’auteur de la déclaration n’est autre que le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, qui s’est exprimé à partir de Dubaï, aux Emirats arabes unis, en marge d’une réunion qui a regroupé les ministres arabes des finances et les experts du FMI. Une position qui tranche avec le discours souverainiste du gouvernement et à sa tête le premier ministre Ahmed Ouyahia qui n’a cessé d’alerter sur « le risque encouru par l’Algérie qui doit éviter de retomber dans les erreurs des années 1980 ! ». C’est l’argument qui a été utilisé d’ailleurs par ce dernier, et à fond, pour justifier son mode de financement non conventionnel, comprendre « la planche à billets » ! Mais pourquoi donc cette volte face, et à ce moment précis ? Est-ce à dire que la réalité économique et financière a fini par rattraper le pays ? L’emprunt extérieur n’est-il plus une hérésie, une menace à la souveraineté nationale ? Qu’en pense justement, la « sentinelle » du parti FLN Djamel Ould Abbès qui répétait il y a peu, que « le recours à l’endettement extérieur est une ligne rouge à ne pas franchir ? »

Il faut le reconnaître, nos rapports avec le FMI seront toujours entachés de crainte, tant il symbolise la crise et nous renvoie à la face notre mauvaise gestion, la faillite de nos politiques et la limite des compétences de nos gouvernants ! Il faut aussi reconnaître que les thérapies du FMI ne sont pas sans douleur pour les populations. Dans les années 1990, le pays était non seulement étranglé par une lourde dette extérieure, mais faisait face également à une situation interne catastrophique, tant au plan social, qu’au plan économique ou sécuritaire. Le FMI exigeait du gouvernement algérien d’alors, le rééchelonnement de sa dette et le libéralisme de son économie, à grand renfort de réformes qui n’ont fait qu’appauvrir la population. Suite à l’application du Plan d’Ajustement Structurel (PAS) imposé par le même FMI, quelque 1 010 entreprises ont été liquidées et plusieurs centaines de milliers de salariés jetés à la rue. Un désastre socio-économique, sur fond de destructions causées par le terrorisme islamiste, désastre dont le pays ne s’est jamais relevé, et que la bonne conjoncture pétrolière des années 2000 et l’embellie financière qui s’en est suivie n’ont pu réparer.

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Nos rapports avec cette institution resteront toujours entâchés de crainte, tant elle symbolise la crise et nous renvoie à la face, notre mauvaise gestion, la faillite de nos politiques et la limite des compétences de nos gouvernants. 

Il faut l’admettre aussi, les thérapies du FMI ne sont pas sans douleur pour les Etats : 1. la Grèce par exemple, qui n’en finit pas de manger son pain noir, allant de P.A.S à P.A.S (Plan d’ajustement social) et de prêt en prêt, avec, planant sur sa tête, la menace d’une exclusion de la zone euro et l’appauvrissement de ses couches sociales. 2. l’Argentine, où le « désamour » se confirme entre ce pays et le FMI, le premier accusant l’institution extra-financière, d’être responsable de sa faillite, même si, depuis 2006, il est parvenu à rembourser sa dette de 95 milliards de dollars, déjouant ainsi toutes les recommandations de cette instance. L’Algérie, justement, tout comme le Brésil, l’Argentine ou encore la Russie, a utilisé ses réserves de change pour procéder, sur décision personnelle du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à des remboursements anticipés de sa dette extérieure. Si, a priori, ce désendettement qui figure dans le bilan du président de la République peut apparaître comme un choix positif dès lors que les créanciers avaient utilisé la dette comme moyen de pression pour maintenir leur domination et profiter des ressources naturelles des pays endettés, dont le notre, il a fait l’objet de critiques de certains experts qui ont relevé que : • ces paiements anticipés ont constitué un transfert de richesses supplémentaires du Sud vers le Nord, même si les créanciers ont perdu de l’argent en ne touchant pas les intérêts liés aux mensualités • le désendettement anticipé ne signifie pas que le pays n’a plus l’intention de recourir aux crédits extérieurs ; au contraire, à travers ces remboursements, il vise surtout à améliorer son « rating » lui permettant de contracter de nouveaux prêts à des taux plus avantageux. Serait-ce le cas pour notre pays qui envisagerait, à croire le ministre des finances, d’y recourir ? Et dans la foulée, abandonner sa politique de subvention des prix des produits de première nécessité ? On n’en sait pas plus pour l’instant, car il faut le dire il y a unanimité sur la faiblesse de notre communication institutionnelle, de celle qui a pour objet : 
➢ D’initier de coordonner et de mettre en œuvre des actions de communications crédibles et transparentes en direction des citoyens, 
➢ De promouvoir l’image de l’Etat en la rendant visible, nette et acceptable, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, 
➢ De rétablir la confiance entre le citoyen et les institutions de l’Etat, 
➢ De contrecarrer, surtout, la rumeur et le flou.

 Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia est dans l’impasse car il continue à faire face à un énorme déficit budgétaire laissé par son prédécesseur et son équipe qui ont longtemps sous-estimé, voire nier les répercussions de la chute du prix du baril de pétrole sur la situation financière du pays ; en fin de compte, ils ont été acculé à rechercher de «l’argent frais », ou de « l’argent qui dort» ; ils ont décidé d’aller vers la « bancarisation » de l’argent de l’informel, amnistie fiscale ont dit certains observateurs de la vie économique et tous ceux qui, dans l’opposition, se réjouissent des difficultés du gouvernement ! « Formule contre productive », répètent, à l’envi, les experts : « elle ne présente aucun moyen de pression pour réellement résorber ou bancariser l’argent de l’informel. Elle ne servira qu’à ceux qui vont se précipiter aux guichets des banques pour blanchir leur argent ». Pour d’autres, la formule n’est pas alléchante dans le sens où elle ne va pas bouleverser les procédures bancaires de gestion et de fluctuation de l’argent. A terme, les experts ont eu raison car il faut l’admettre la tentative de bancarisation de l’argent informel, tout comme celle se rapportant à « l’emprunt obligataire », ont été des échecs cuisants ! En attendant, la cacophonie ambiante et les déclarations ambivalentes et contradictoires des membres du gouvernement en charge des secteurs clés de l’économie, ne présagent rien de bon : quand les uns parlent de lever de fond en interne, d’autres préconisent des emprunts extérieurs ! A ce stade de la réflexion, on est amené à croire qu’ils taperont dans les deux registres, a estimé dans une de ses contributions l’expert économiste Mustapha Mekidèche, mais il faut se préparer à un retour à l’endettement extérieur si le pétrole ne se redresse pas dans un délai de 3 ans ! Et aux experts du FMI d’enfoncer le couteau jusqu’à la garde en affirmant que : «l’endettement de l’Algérie est non seulement souhaitable, mais aussi inévitable pour financer tous les défis qui l’attendent ! Ils « préconisent » l’assainissement des dépenses publiques, « car le contrechoc pétrolier pèse sur la capacité de l’Algérie à continuer à financer au même niveau qu’auparavant ». Mais il est connu que la sortie d’une politique de subvention des prix est toujours problématique : o On a ni le loisir d’en fixer les termes, encore moins les délais dont on dispose pour le faire. o Il y a le social à prendre en charge, la rue à apaiser et une opinion interne à satisfaire. o Il y a aussi une inflation endogène incontrôlable et des moyens financiers qui tendent à se limiter, sans compter les injonctions du binôme FMI-OMC appelant à l’abandon des subventions. Pourtant, trois bonnes raisons sont avancées par certains experts pour dire qu’un accord avec le FMI, dès 2019, serait une bonne chose pour l’Algérie. La première est financière car les financements du FMI sont assortis de conditions avantageuses sur le plan des taux d’intérêt et des délais de remboursement. La deuxième raison, économique, est liée à l’assistance technique du FMI qui est susceptible de donner un contenu concret et opérationnel au programme des réformes. La troisième raison est politique : 2019 est une année cruciale pour le pays, chargée d’incertitude, voire d’instabilité en raison de la fin de mandat du président de la République. En conséquence, la signature d’un accord à moyen terme avec le FMI sur un programme précis de réformes économiques et partant, un calendrier contraignant seront de nature à rassurer les investisseurs étrangers. Pour l’heure, le Premier ministre se tait, il n’approuve ni ne réprouve les propos tenus à Dubaï par le ministre des finances ! Il n’a pas aussi réagit aux propos assénés par le ministre du commerce Mohamed Benmeradi et son fameux « le feu est dans la maison ! ». L’UGTA de Sidi Said se mure dans un étrange silence et le terrain est investi par des imams cathodiques ravis de l’aubaine : ils se sont autoproclamés « médiateurs » dans une République déboussolée : y a-t-il un pilote dans l’avion ? Tout indique que son gouvernement n’est pas à l’abri d’un remaniement compte tenu de l’embrasement social que connait le pays. Ahmed Ouyahia sur la tête duquel plane l’épée de Damoclès, s’emploie à gagner du temps dans l’espoir d’une hypothétique reprise du marché des hydrocarbures, quitte à recourir encore, à la planche à billets et au FMI, comme l’a affirmé le ministre des finances Abderrahmane Raouya qui, visiblement, en a perçu l’inéluctabilité. Ou parce qu’il a reçu des instructions « d’en haut » pour engager le pays sur cette voie, allez savoir ! L’emprunt, disent les experts, n’est pas une hérésie quand celui qui en bénéficie fait preuve de bonne gestion ; il le devient quand l’argent ne sert, en définitive, qu’à alimenter des tubes digestifs. Rappelons que le gouvernement qui refusait, jusqu’à présent, tout recours au marché international, avait en définitive, sollicité et obtenu un prêt de 900 millions d’euros de la Banque africaine de développement (BAD). Il s’agit du premier emprunt du pays auprès de cette institution dont Alger est l’un des premiers bailleurs au niveau du continent. Preuve s’il en est, qu’il s’est engagé dans la logique de l’endettement, et cela nous a été confirmé à partir de Dubaï.

 

Auteur
Cherif Ali

 




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