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Un fou a jeté une pierre dans un puits, mille sages n’ont pu la retirer

REGARD

Un fou a jeté une pierre dans un puits, mille sages n’ont pu la retirer

« L’Armée Nationale Populaire est la plus fidèle et la plus digne héritière de l’Armée de Libération Nationale … c’est  vous dire que nous sortons des entrailles de ce peuple, que nous appartenons profondément à ce peuple et que rien ne nous séparera de ce peuple… » Abdelaziz Bouteflika, Coup d’Etat du 19 juin 1965.

« Un dictateur n’est qu’une fiction. Son pouvoir se dissémine en réalité en de nombreux sous dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables » nous apprend Gustave Lebon. Pour se perpétuer au pouvoir, l’élite dirigeante n’a que deux moyens : généraliser la corruption (en période de vaches grasses) ou semer la terreur (en période de vaches maigres). Un autoritarisme stérile du pouvoir et une corruption généralisée dévastatrice sont sources d’instabilité politique chronique rendant la capacité de production du pays nulle le rendant inapte à jouer le moindre rôle sur la scène internationale.

De plus, il faut bien admettre que c’est bien la crise de la personnalité algérienne qui nous permet de comprendre le caractère arbitraire et irrationnel, violent et prédateur du pouvoir en Algérie échappant ainsi au contrôle de la volonté humaine et celui de l’intelligence logique car elle vient directement de l’inconscient de la communauté algérienne elle-même produit des traumatismes majeurs hérités du passé immédiat et lointain.

 Cette confusion de l’espace public et l’espace privé dans la psychologie des acteurs politique et des fonctionnaires donne une liberté sans limite à la faction au pouvoir dans le trafic d’influence et la capacité de détourner des sommes colossales du Trésor public par des mécanismes administratifs et financiers bien rodés animés par des gens très expérimentés de plusieurs années d’indépendance et d’impunités.

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Les hommes au pouvoir seraient-ils alors des surhommes en politique  au dessus du commun des mortels ? Ont-ils été choisis et/ou désignés dans l’intérêt général bien compris des algériens et des algériennes dans leur grande majorité ? Il est vital que les élus et les fonctionnaires de la nation donnent des signes d’apaisement sur cette grave interrogation.

Pour ce faire, compétence, conscience, rigueur, moralité, patriotisme, énergie, vitalité doivent être à notre sens, les maîtres mots, des mots pourtant bien connus, des mots simples qu’il suffit de se souvenir quand on veut choisir des hommes de qualité pour servir efficacement la nation afin de lui éviter une déliquescence avancée de l’Etat et la faillite prématurée d’une économie rentière aux conséquences imprévisibles qui semblent pointer à l’horizon. Fragilisé à l’intérieur et perméable de l’extérieur, le pays risque d’être un jouet ou une marionnette entre les mains des grandes puissances hégémoniques qui se disputent un espace vital à la pérennité d’une civilisation matérielle et technologique en pleine décadence morale et spirituelle à la recherche d’un second souffle. Au regard de l’observateur étranger, l’Algérie apparait de plus en plus comme un Etat-client, manipulé à volonté par des Etats-patron et incapable de jouer le moindre rôle sur la scène internationale.

Etrange destin d’un pays promis à des lendemains qui chantent. Un pays prisonnier de son histoire et de sa géographie dont le corps se situe au nord de l’Afrique et la tête introuvable. Un pays qui marche sur sa tête et réfléchit avec ses pieds, hier « des pieds noirs », aujourd’hui dit-on «des pieds sales ».

Une Algérie décapitée à la naissance (GPRA) résultat d’une grossesse non désirée (colonisation française) et d’un accouchement aux forceps (révolution armée violente), une enfance romantique baignant dans une atmosphère pseudo-révolutionnaire (autogestion, socialisme, tiers mondisme), une adolescence agitée livrée aux forces obscures (émeutes, guerre civile) se retrouve à l’âge adulte sans projet et sans ressources avec un complexe Electre non résolu (une tête d’enfant dans un corps d’adulte). C’est cela l’Algérie, de l’est à l’ouest, du sud au nord, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. L’Algérie a malgré tout un beau visage Chaque région est une partie de ce visage. Qui aimerait sacrifier ou amputer toutes les autres parties pour ne laisser que le front ?

Que vaut le front sans les yeux, les oreilles, le nez, la bouche. Que vaut l’Algérie sans le Sahara ? Sans la Méditerranée ? Sans la Kabylie ? Sans les Aurès ? Sans le M’zab ? Le Club-des-Pins n’est pas l’Algérie, c’est une exterritorialité. Il faut le passeport diplomatique pour y accéder. Le passeport vert n’y donne pas droit. Il a la couleur vert du paradis et l’amour de la patrie Une nation qui construit dans la dépendance et la corruption un Etat national, les grands  itinéraires qui mènent au pouvoir n’existent pas encore d’une manière visible. La société algérienne ignore comme évolue sa classe politique et même par quelle voie véritable elle a accédé au pouvoir.

Tant qu’il s’agissait de redistribuer la rente pétrolière et gazière à des fins de légitimation, Elle pouvait jouer un rôle somme toute nécessaire quoique discutable mais dés qu’il s’agissait de mettre les gens au travail, elle s’est avérée incapable parce que discréditée moralement et professionnellement. Elle se trouve en décalage par rapport à son temps et à sa société. C’est Napoléon qui avait dit un jour « avec la baïonnette, on pouvait tout faire sauf s’asseoir dessus ».

L’armée de libération nationale a le mérite d’avoir libéré le pays du colonialisme français, l’armée nationale populaire a consolidé son intégrité territoriale, elle a évité les divisions régionalistes et/ou ethniques de la société mais naturellement elle n’a pas pour vocation de construire un Etat de droit, de développer l’économie d’un pays ou de moderniser la société, cela demande des compétences qu’elle n’en a pas. Elle est partie les chercher parmi ceux qui lui obéissent au doigt et à l’œil c’est-à-dire ceux dépourvus de réflexions critiques. Et de surcroît, elle s’est appuyée sur une ressource non renouvelable soumise aux aléas du marché mondial et des stratégies géostratégiques des grandes puissances. Pouvait-il en être autrement ? Il est difficile d’y répondre.

Ce que l’on peut dire c’est que cette classe sociale au pouvoir au lieu de faire de  ce pays en friche, une vaste entreprise de reconstruction nationale par l’organisation et la mobilisation de la jeunesse dans la construction d’une économie productive répondant aux besoins croissants de la population  elle s’est contentée d’en faire une immense caserne de défense des intérêts occidentaux (un vaste marché à ciel ouvert de consommateurs faciles de produits importés de qualité médiocre à des prix exorbitants).

Sur le plan social, l’abandon du mode de vie rural austère né d’une agriculture vivrière au profit d’une vie citadine factice, précaire, et parasitaire a rendu la société dépendante de l’étranger pour assurer sa survie. Il est difficile d’affirmer aujourd’hui que la classe politique (au pouvoir ou dans l’opposition) est au dessus de tout soupçon. Qui décide de l’utilisation de la rente énergétique et qui en assume la responsabilité des résultats ? celui qui apparait au devant de la scène (la vitrine) ou celui qui se cache derrière les rideaux (l’arrière boutique) ? Qui joue et qui est maître du jeu ? La tête pensante de la nation ou le bras armé de l’Etat ? Comme le formule De Pio Baroja « l’armée ne doit être que le bras de la nation mais jamais sa tête pensante ».

Comme disait Napoléon « avec une baïonnette on peut tout faire sauf s’asseoir dessus »  Pour mesurer la portée de ces deux citations, il faut remonter bien loin dans l’histoire. Jadis, dans l’Algérie de nos ancêtres qui vivaient de pain d’orge, du lait de chèvre et de dattes, ils étaient sobres mais heureux, pauvres mais solidaires, se contentant de peu et priant beaucoup, dans ce contexte, les militaires se trouvaient au bas de l’échelle sociale tout juste derrière les commerçants.

Aujourd’hui, dans l’Algérie de la modernité et de la liberté retrouvée, ceux sont les militaires et les commerçants qui dirigent la nation. C’est pourquoi, plus personne ne croit au développement et à la démocratie, chacun constate quotidiennement la corruption du pouvoir politique et la déliquescence de l’Etat national post colonial. Un Etat naissant que déjà moribond. Comme dans toute révolution, ceux sont les « cerveaux qui la préparent, les imbéciles qui la font et les lâches qui en profitent ».Dans les eaux profondes d’une révolution les hommes de principe « coulent », les opportunistes « flottent ». L’Algérie ressemble à cette poule, qui au lieu de laisser son œuf donner naissance à un poussin le mange.

L’Algérie se dévore elle-même. Son destin lui échappe. Elle se construit par le sommet et non par la base, par la force et non par le droit, par la ruse et non par l’intelligence, par le mensonge et non par la vérité, par le pétrole et non par le travail, par l’extérieur et non par l’intérieur, par le ventre et non par la tête, par le désert aride du Sahara et non par les terres fertiles du littoral. Elle repose sur du vide. Elle a  déterré les morts pour enterrer les vivants. C’est une tombe à ciel ouvert sous un soleil de plomb. Je terminerai par cette citation pour clarifier les choses ;« Je suis pessimiste par l’intelligence, mais optimiste par la volonté, Je pense en toute circonstance à la pire hypothèse, pour mettre en branle toutes mes réserves de volonté et être capable d’abattre l’obstacle. Je ne me suis jamais fait d’illusions et n’ai jamais de désillusions. En particulier, je me suis toujours armé d’une patience illimitée non passive, inerte mais animée d’une persévérance » (Gramsci). 

Dr A. B

Notes :

(1) l’histoire de l’Algérie a été toujours jalonnée par des luttes incessantes entre les partisans du maintien de l’ordre à tout prix (période coloniale et post coloniale) et les promoteurs d’un ordre nouveau de façon pacifique et la balance a toujours penchée en faveur du premier sans résultat patent.

(2) les tenants du pouvoir décrètent le secteur des hydrocarbures source exclusive de ressources en devises du pays le rendant ainsi dépendant du marché mondial. La conséquence sera que toute production répondant aux besoins du marché local sera abandonné et le recours aux importations rendu obligatoire.

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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