19 mai 2024
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Une leçon historique d’histoire : libre d’être un homme libre

XVIIIe VENDREDI

Une leçon historique d’histoire : libre d’être un homme libre

Le peuple algérien marche vers son destin. Reportage photos :  Zinedine Zebar.

C’est fort nombreux que les marcheurs déferlent sur une rue Didouche, baignée dans une chaleur estivale, que les altercations entre forces de l’ordre et manifestants ont rendu plus étouffante.

Les interpellations de porteurs de drapeaux amazighs dans la matinée, relayés à travers les réseaux sociaux, qui rappellent tristement celles des porteurs de valises durant la révolution,  contribuent largement à l’escalade du mercure.

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Les banderoles, habituellement disposées le long de la rue, sont absentes. Les jeunes du quartier répètent à qui veut bien l’entendre, qu’ils ont été menacés de représailles par les forces de l’ordre, qu’ils auraient à en découdre s’ils avaient le malheur de les accrocher à leurs balcons. Même les vendeurs à la sauvette ont été sommés de ne pas proposer des drapeaux amazighs. Un internaute diffuse un message sur le web faisant état de la plus importante tentative de blocage de véhicules depuis le début de la protesta, aux bananiers dans la commune de Bab Ezzouar, à l’entrée d’Alger.

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Crédit photo Zinedine Zebar.

Vers 14 heures, une ravissante jeune femme, médecin de surcroît, n’atteignant pas la trentaine, est prise à parti par un policier zélé, qui tente de lui arracher son drapeau amazigh en la malmenant ; ce qui provoque l’ire de la foule. Le cordon sécuritaire, déployé pour la première fois depuis le 22 février en haut de la célèbre rue, au niveau du siège du RCD (parti politique : Rassemblement pour la culture et la démocratie), dès les premières heures de la journée, est à l’origine de quelques escarmouches, entre militants et forces de l’ordre.

En agissant de la sorte les tenants de la décision désignent implicitement les militants de ce parti comme « la minorité » perturbatrice.

Le rédacteur anachronique du discours du chef d’état-major, qui accuse « une infime minorité d’infiltrer les marches et de porter d’autres emblèmes que notre emblème national » a dû se rendre compte, par lui-même, de l’ampleur de la bourde qu’il a commise en voyant cette marée humaine d’Algériens unis contre l’adversité, vent debout, se rappropriant leur identité. Ils scandent à l’unisson chamal ifriquia imazighen, chamal ifriquia imazighen (Afrique du nord berbère), Allah ou Akbar Imazighen (Allah est grand les berbères), Casbah Bab El Oued imazighen (Casbah, Bab El Oued berbères), anwawigui ? Imazighen (qui sommes-nous ? Amazigh), mazalna Imazighen mazalna (nous sommes restés Amazighs, nous le sommes), comme pour dire qu’après plus de deux millénaires d’occupation, ils n’ont pas perdu leur identité et demeurent des berbères.

Après avoir découvert, dénoncé et porté au grand jour toutes les fadaises dont ils ont été victimes, concernant le déroulement de la révolution, les voilà aujourd’hui, qu’ils remettent les pendules à l’heure en ce qui concerne leur identité.

Répondant aux intentions malsaines, du piètre éditorialiste en chef, des discours repris par le porte-parole de l’armée, institution censée sauvegarder et veiller à l’unité de la nation, ils crient : « makach djihaouia khaou khaoua » (il n’y a pas de régionalisme, frères frères) les Algériens khawa khawa oual Gaïd Salah m3a lkhawana (les Algériens sont frères Gaïd Salah avec les traîtres)  ou encore kbaili 3arbi khawa khawa oual gaid salah m3a lkhawana (kabyle, arabe, frères Gaïd Salah avec les traîtres), ftenna basitou bina oulgaid salah hab yferkna (nous nous sommes éveillés, vous nous avez sur votre dos et Gaïd Salah veut nous séparer).

Des jeunes dansent autour d’une série de drapeaux nationaux et amazigh noués grossièrement et chantent lalo lalalo el mouchkila fil 3isaba machi fla3lam (lalo lalalo, le problème est dans le gang pas dans le drapeau). Une jeune marcheuse questionnée sur les propos du chef d’état-major rétorque : je ne comprends pas, ils ne se soucient pas d’un chef d’état de nationalité marocaine, d’un chef de parti de nationalité tunisienne et s’inquiètent de l’emblème amazighe en faisant allusion à Bensalah et à Saadani.

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Crédit photo : Zinedine Zebar.

Le vieux chef d’état-major, persiflé comme chaque vendredi, subit cette fois-ci, l’une des répliques les plus assassines à son discours, traditionnellement provocant, de la semaine écoulée.

Hormis les messages entonnés habituellement à son encontre, les marcheurs franchissent le Rubicon en chantant pour la première fois depuis le déclenchement de la contestation,  sans se lasser, durant toute la procession, « yamen3ach yamen3ach Gaïd Salah fi El Harrach (un de ces jours, un de ces jours, Gaïd Salah au pénitencier d’El Harrach) ou encore « Ya essahafa ya eshiatin ou Lgaid Salah m3a essarakin » (Hé presse, les laudateurs, Gaïd Salah avec les voleurs). Il rejoint ainsi, le cercle pas très fermé, des personnalités dont la protesta réclame la tête.

Des jeunes femmes kabyles se parent de leurs robes traditionnelles. Tabou accompagné de sa mère est littéralement happé par les manifestants. Bouchachi se retrouve emportée par une marée humaine. Les jeunes virtuoses algérois du tambour donnent le tempo : fierté et vitalité. C’est la fête de l’identité.

On lit sur les pancartes et banderoles en langue arabe et latine : l’Algérie une et indivisible, Gaïd salah ton problème c’est les drapeaux le problème des algériens c’est toi dégage, le peuple montre du doigt le futur l’imbécile regarde le doigt, le peuple qui fait une demi révolution creuse sa tombe avec ses propres mains, nous arrêterons seulement à l’avènement d’une république civile et pas militaire.

Les marcheurs avec leurs slogans habituels, en se référant sans cesse à leur patrimoine révolutionnaire, réclament un Etat civil, font état de leur ras-le-bol des généraux, rappellent leur  désir de changement et chantent liberté de Soolking, ce jeune artiste amazighe de Ain Benian devenu une star sous d’autres cieux.

Les marcheurs sont fiers d’être ce qu’ils sont ; ils le peuvent, ils ont fière allure. Ils écrivent sur leurs pancartes : « faites comme l’arbre, changez vos feuilles mais gardez vos racines, changez vos idées mais gardez vos principes ». Ce sont des femmes et des hommes libres et ils sont libres de l’exprimer. Ils donnent au monde une leçon historique d’histoire.

 

Auteur
Djalal Larabi

 




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