Nous sommes désormais huit milliards d’êtres humains sur Terre. Et une nouvelle crise mondiale se profile à l’horizon, outre celle du climat faisant actuellement l’objet de symposiums mondiaux. Sera t-elle à l’image de la crise économique de 1929 ? Se diffusera t-elle dans le monde entier sous la forme d’une « grande dépression » ?
Près d’un siècle plus tard, certains indices en cours préfigurent-ils d’une nouvelle « grande dépression » ? Les banques centrales, le FMI et la banque Mondiale pourront-ils corriger ces dérives ?
Ainsi, au siècle dernier, dès le printemps 1929, l’économie américaine commence à se dégrader après plusieurs années de forte croissance. Les mauvais résultats des entreprises annoncent une crise sans précédent : la production automobile baisse, ainsi que les revenus agricoles et la construction de logement. Le krach intervient le jeudi 24 octobre (Jeudi noir ou Black Thursday). À midi, l’indice dow jones (l’équivalent du cac 40) a perdu 22,6 %.
La baisse se poursuit pendant trois ans : les cours boursiers chutent de 87% et les banques font faillite. L’économie est à genoux par cette déroute financière qui devient une dépression planétaire : la production industrielle américaine baisse de moitié de 1929 à 1932 et le taux de chômage passe de 3,1% à 24%. L’Europe est touchée, les banques américaines réclamant le remboursement presto illico des prêts consentis pour la reconstruction d’après guerre.
Le monde en crise…
Au jour d’aujourd’hui, en Europe (Est et Ouest), la droite extrême est animée par l’idéologie de la haine de l’autre comme bouc émissaire et puise historiquement sa principale source dans la xénophobie. Haro sur l’étranger. Ce fonds de commerce est présent dès l’origine de la genèse de cette droite.
Dans l’Europe de l’Est, elle gouverne déjà en Pologne et Hongrie ; dans l’Europe de l’Ouest, elle perce en Autriche et en Italie. En Angleterre, l’éphémère première ministre a démissionné seulement deux mois après sa nomination. C’est dire désormais le malaise politique qui s’installe en Europe. Le tout sur fond économique et social qui ne s’améliore pas.
Ainsi, la situation économique en France est des plus critiques : croissance proche du zéro, chômage toujours élevé, inflation grandissante non jugulée, refus du pouvoir en place de taxer les superprofits à même de booster les dépenses inhérentes au service public (écoles, hôpitaux, logement, transports…) en perte de vitesse et préfigurant une société à double vitesse (un footballeur « star » du ballon rond peut gagner 17 millions d’euros par mois, soit 23.500 euros de l’heure !).
Dans ce contexte morose, au delà des manifestations légitimes de la « France d’en bas » afin de pouvoir faire entendre sa voix quant à ses préoccupations quotidiennes au-delà des grands thèmes (climat, transition énergétique…), le parlement demeure dans l’incapacité de s’opposer efficacement au projet présidentiel de gouvernance pour les riches et l’élite qui devrait avoir pour vocation de modifier les paramètres de la société française. Et la dette publique, à la fin du premier trimestre 2022, s’établit à 2 901,8 milliards d’euros, soit 114,5 % du PIB selon l’INSEE (Institut national de la Statistique et des Etudes Economiques). Alors « sobriété » ou austérité, « fin de l’abondance » ou récession en vue ?
Et le parlement est devenu un espace immobilisé par la fracture des deux grands blocs historiques de ce pays : la droite et la gauche, les extrêmes ayant été jusqu’à récemment marginalisées. L’actuelle assemblée nationale est subdivisée en sous blocs de gauche (LFI, PS, PC, écologistes) et de droite classique (LR) réduite à sa plus simple expression et sollicitée par le parti au pouvoir (Renaissance) pour lui permettre d’avoir la majorité requise pour faire passer ses lois, la droite extrême ayant fait une percée jamais égalée.
C’est l’ultra libéralisme, dans la continuité de pratique politique et économique de l’Amérique de Reagan et de l’Angleterre de Margaret Thatcher. Au plan social, les résultats sont décevants et exécrables. Ainsi, près de 40 millions de personnes vivent au dessous du seuil de pauvreté dans le pays le plus riche du monde : l’Amérique. Et l’Ukraine (25% du blé mondial, nous dit-on) continue de coûter cher à l’Europe en termes de milliards, la Russie ne s’en portant pas mieux. On apprend que la France va créer un « fonds spécial » doté de 200 millions de dollars pour l’achat de matériel de guerre et le FMI va débloquer 1,3 milliard pour « financement d’urgence de l’Ukraine ». Que d’argent ! Les pays arabes s’abreuvant de pétrodollars en dépense davantage pour le pur prestige : coupe du monde de football…
Que l’Amérique comprenne enfin qu’en matière de relations internationales, il y a lieu de laisser s’installer le multilatéralisme et d’admettre la fin des Empires (dont le sien) plutôt que de prôner tantôt la fin de l’Histoire (Francis Fukuyama) tantôt le choc des civilisations (Samuel Huntington). Au-delà de la crise énergétique, perce l’austérité et le risque sérieux de la sécurité tant alimentaire à l’échelle mondiale que nucléaire (il semblerait que le « monde occidental » disposerait de quoi littéralement dynamiter deux à trois fois la Terre). Et il semblerait que l’Allemagne envisage de mettre sur la balance 100 milliards pour se réarmer alors que son industrie (habituellement la plus compétitive en Europe) est en perte de vitesse.
…Et l’Algérie ?
Et l’Algérie dans tout ce magma, ce gouffre sans fonds ? Elle semble tanguer sans vision préconçue, sans réel projet exposé et expliqué aux plus larges couches de la population alors même que le pouvoir dispose sans partage des principaux médias (radios et télévisions). Nous y observons une partie de l’ « élite » triée sur le volet (au sein de la communauté universitaire notamment) pour débattre pompeusement en toutes langues de thèmes éculés et en appoint des Princes du moment comme auparavant. Les mêmes réflexes règnent en maîtres absolus. Nous avons droit aux mêmes vielles lunes, des poncifs ressassés à satiété.
On est encore en présence d’une sempiternelle continuité d’un système reposant toujours sur la rente des hydrocarbures (avec le souhait de s’adosser à d’autres ressources telles que les « terres rares »…). L’ère de l’économie productive portée par des managers et autres « capitaines d’industrie » et animée par l’intérêt national et la justice sociale est encore lointaine.
Qu’en est-il des Institutions, notamment celles qui devraient représenter la population ? Le parlement algérien ? Une machine à voter à mains levées. Peu de commissions d’enquêtes sur des sujets fondamentaux tels que les grands scandales politico-financiers. Pourtant « l’Algérie profonde » gagnerait à être informée sur la destinée des 1000 milliards accumulées par la seule vente des hydrocarbures. Pourquoi ne pas proclamer qu’après la révolution du 1er novembre 1954 ayant pour vertu de libérer le territoire algérien, une seconde révolution avec un nouveau paradigme : libérer la société de toutes contraintes ? De la libération nationale à la libération sociale. De la libération à la liberté
Pourtant, à travers le Hirak, la vox populi a montré la voie vers la libération du pays des contingences qui l’ont à ce jour miné : outre l’économie dirigée et de rente parasitée par la corruption, figurent d’autres paramètres à proscrire tels que le culte de la personnalité, les vieux réflexes de la bureaucratie « biberonnées » à la pensée unique, l’autoritarisme alimenté par la coercition empêchant toute authentique liberté de pensée, de réflexion et de presse.
Une remise à niveau de la doctrine d’Etat est à prévoir pour fonder un changement substanciel et durable à même de structurer la vie politique et économique du pays : institutions politiques, administratives et judiciaires notamment.
Ce qui devrait permettre une sortie de l’économie de rente et de tutoyer enfin l’innovation conceptuelle (l’anglais produit 50% des concepts scientifiques à finalité technologique contre seulement 7% pour la langue française) et la pratique d’une nouvelle politique économique à réfléchir par l’élite (toute l’élite) du pays. Le discours officiel qui ne suffit pas à structurer une vie politique ne doit pas en être le monopole.
En un mot comme en cent, s’affranchir du système politique tel que conçu au lendemain de l’indépendance. Prendre notre destin en mains face à toutes ces crises qui se profilent à l’horizon dont l’insécurité alimentaire. Le monde actuel est-il à l’orée d’une guerre nucléaire ?
Ammar Koroghli