Dimanche 9 mai 2021
Y aurait-il un malentendu dans la déclaration de Mohamed Arkab ?
Il faut souligner que l’Algérie et ses institutions ont une relation internationale avec ses partenaires directs et indirects comme le Fonds Montataire international (FMI), la Banque mondiale (BM), la Banque Africaine de développement pour ne citer que ceux-là.
Ses institutions adhèrent à plusieurs organisations notamment pétrolières et gazières comme l’Organisation des Pays Exportateur de Pétrole avec sa version Arabe, et celle dite plus(+). Elles le sont aussi dans les corporations gazières dont elles jouent un rôle important. Les informations des officiels sont scrutées et souvent servent de données contenues dans des rapports périodiques diffusés à l’échelle mondiale. L’Agence Presse Service (APS) a été réhabilité par la présidence de la république pour que « toute information rapportée en dehors de ce canal est à classer dans la case de la propagande et la désinformation. » (01)
1-De quoi s’agit exactement ?
Le 25 avril dernier, l’APS avait rapporté fidèlement que le ministre de l’énergie, Mohamed Arkab avait déclaré à la chaine nationale 1 que « le groupe pétrolier public Sonatrach a réalisé un chiffre d’affaire de 6,8 milliards de dollars durant le premier trimestre 2021 avec une production de 46,7 millions de tonnes équivalent pétrole (MMTEP) dont 24 MMTEP à l’export et le reste a été dédié à la consommation locale soit 22,7 MMTEP. » (02)
Dans le même communique de cette agence on y lit : « Le ministre a qualifié de positif cet indice qui encourage à la réalisation des objectifs tracés jusqu’à la fin de l’année au vu de la reprise timide enregistrée durant la même période de l’année dernière. »
Une autre source (03) s’est intéressée plutôt aux chiffres sur les réserves de pétrole et de gaz. Ainsi, rapporte pour sa part Eco-Times, le ministre situe « Les réserves prouvées en matière de pétrole de 1340 millions de tonnes, soit 10 milliards de barils et à ce rythme actuel dira t-il nous avons encore 27 années de production. »
En plus de ses réserves de brut, l’Algérie, dispose de 2 368 milliards de mètres cubes de réserves en gaz, auxquels s’ajoutent 260 millions de tonnes de condensat, soit, l’équivalent de 4,1 milliards de tonnes de pétrole (Tep). »
2- D’abord sur ce chiffre d’affaires
Il se trouve qu’il est peu probable que ce montant tel qu’il est donné ne peut être celui de Sonatrach mère et encore moins celui du groupe Sonatrach avec ses 160 filiales, pourquoi ? Parce que le chiffre d’affaire de Sonatrach comprend les recettes en dollars des exportations, celles de la consommation nationale en dinars, les prestations de transport envers les associés en dollars, la location des navires appartenant à Sonatrach en dollars, la facturation télécom en dinars enfin les placements bancaires et les participations diverses dans les capitaux des autres sociétés en dollars.
Ce montant en tant chiffre d’affaires, paraît insuffisant pour au moins deux raisons : La première est Sonatrach en 2019, a exporté les produits toute forme confondue 88,423 millions de TEP pour un montant de 32,986 milliards de dollars c’est à dire une TEP est vendue à 373,05 dollars pour un prix moyen retenu 64,5. En 2020, la quantité exportée toute forme confondue était de 82,612 millions de TEP, ce qui donne le prix d’une TEP 246,14 dollars pour un prix moyen retenu de 40, 76 dollars.
Partant donc du principe que durant le premier trimestre 2021, le prix moyens du baril auxquels sont indexés ceux du million de BTU du gaz ont évolué en hausse comme suit : janvier 55,32 dollars le baril, février 62,28 dollars le baril, mars 65,70 dollars le baril pour une moyenne du trimestre retenue de 60,32 dollars, le prix d’une tonne équivalent pétrole se situerait dans la fourchette de 260-285 dollars. C’est donc dans cette fourchette que les 24 MMTEP ont produit les 6,8 milliards de dollars qui montre bien qu’il s’agit d’une recette d’exportation.
La deuxième se réfère à l’APS) (04) qui cite le ministère du commerce, révèle que l’Algérie a exporté pour 4,3 milliards de dollars les deux premiers mois de l’année 2021 dont 402 millions de dollars hors hydrocarbures soit 3,9 milliards de dollars serait le fruit des exportations pétrolières et gazières au rythme mensuel de 1,95 milliards de dollars. Le prix moyen du baril auxquels sont indexés ceux du million de BTU du gaz ont évolué en hausse comme on vient de le voir plus haut.
En définitive, puisque les 3,9 milliards de dollars sont confirmés pour les hydrocarbures les deux premiers mois de l’année 2021, il n’est pas du tout extraordinaire que le saut du prix du baril de 13 à 15 dollars aurait ramené au mois de mars 2,9 milliards de dollars pour faire le compte du montant d’exportation des hydrocarbures autour de 6,8 milliards de dollars au lieu de l’appeler chiffre d’affaire du groupe pétrolier comme l’a fait le ministre de l’énergie et fidèlement rapporté par l’APS surtout que la production pétrolière est passée de 866 000 barils par jour (b/j) à 873 000 b/j durant le mois de mars.
3- Ce résultat est peut être encourageant mais pas sûr « positif »
La chute du cours du pétrole en 2014 a mis à nu encore une fois le modèle économique de l’Algérie et sa forte dépendance des hydrocarbures, commence alors les tours de vis des importations pour diminuer le déficit de la balance commerciale. On y constate de visu depuis 2015 que les exportations hors hydrocarbures laissent de plus en plus la place à la recette des hydrocarbures pour financer ce dont a besoin le circuit économique et social. Si l’on se réfère aux données de la douane, seule habilitée à contrôler ce qui sort et rentre dans nos frontières, (05), l’année 2017 a terminé avec un montant total d’importation qui avoisine les 46,01 milliards de dollars soit en moyenne 3,8 milliards de dollars par mois.
On a gardé le même rythme avec le départ d’Abdelmadjid Tebboune comme premier ministre et l’arrivée de son successeur Ahmed Ouyahia avec 46,33 milliards de dollars en 2018 pour une moyenne mensuelle de 3,9 milliards de dollars.. L’année 2019 avec le déclenchement de la crise sanitaire qui a commencé en Chine considérée comme l’entreprise mondiale, le montant des importations devait redescendre à 38,4 milliards de dollars soit 3,5 milliards de dollars en moyenne par mois.
Le Covid-19 a trouvé sa pleine influence en 2020 qui a contraint l’Algérie à une certaine forme d’austérité pour n’importer qu’avec 31,4 milliards de dollars pour un montant mensuel moyen de 2,9 milliards de dollars. Donc la fourchette moyenne mensuelle nécessaire aux besoins de notre circuit économique et social varie 2,5 -4 milliards de dollars. C’est pour cela qu’il est trop tôt de qualifier ce résultat positif sans retrousser ses manches pour d’abords augmenter la production pétrolière et gazière et booter l’exportation hors hydrocarbures comme objectif court terme ne serait-ce que pour réduire le déficit de la balance commerciale et préserver ainsi les réserves de change.
4- En ce qui concerne les réserves des hydrocarbures
Les réserves de l’huile de 1340 millions de tonnes telles que annoncées par le ministre de l’énergie ne sont pas celles « prouvées » (CF 03) mais celles restantes récupérables après la consommation de la production cumulée avec un taux de récupération estimée de 32%. Ces chiffres ne sont pas très loin de ceux certifiées communiquées le 06/10/2015 par le ministre de l’epoque Salah Khebri au conseil des ministres soit pour l’huile 1387 millions de tonnes et 2745 milliards de m3 pour le gaz. Ce qui veut dire que les réserves d’aujourd’hui sont restées au même niveau que l’année 2015. Ceci a fait dire au PDG de Sonatrach Tawfik Hakkar, « notre objectif est de renouveler le réserves consommées à plus de 100%, actuellement nous sommes à 90% de taux de renouvellement. » Les réserves prouvées de l’huile sans compter les probables et les possibles sont estimées à 11,5 milliards de tonnes.
Pour ce qui concerne le gaz, Mohamed Arkab a donné 2368 milliards de m3 qui sont aussi des réserves restantes de quelque 7316 milliards de prouvée au taux de récupération de 73%. C’est d’ailleurs pour cela aussi que lors du conseil des ministres du 12 juillet 2020,le président de la république a insisté pour relever le taux de récupération de l’huile à 40% on lit dans le communiqué final de conseil des ministres(07) « un autre axe de travail devrait être organisé dans le secteur autour de la récupération des réserves existantes pour parvenir à relever, à brève échéance, le taux de récupération au-delà de 40%, a insisté le Président de la République qui a ordonné qu’au premier trimestre 2021, devrait être arrêtée toute importation de carburant et de produits de raffinage.» En effet, au rythme d’une moyenne de 1 million de barils par jour, on aura une durée de consommation de 27 ans. Ces réserves sont réévaluées périodiquement et si on améliore le taux de récupération, on puisera un peu plus des réserves en place.
R. R.
Renvois
(05)-https://www.douane.gov.dz/IMG/pdf/ce_11_mois_20_fr.pdf
(06)-https://www.radioalgerie.dz/news/fr/article/20210311/208401.html
(07)-https://www.aps.dz/algerie/107308-communique-de-la-reunion-du-conseil-des-ministres