N’en déplaise à tous ces détracteurs qui s’obstinent à vouloir éradiquer l’identité séculaire de l’Algérie pour nous greffer une bouture orientale contre-nature, le calendrier amazigh affiche un magistral 2973 !
Ces 2973 années symbolisent l’histoire de peuplades méditerranéennes pacifiques et l’empilement d’une période trois fois millénaire pendant laquelle les Amazighs n’ont jamais cherché à coloniser ou empiéter sur quelconque contrée située en dehors de leur berceau d’origine !
Ces 2973 années évoquent la(les) empreinte(s) de tous les envahisseurs qui se sont succédé sur nos terres pour chasser nos ancêtres des plaines fertiles et les forcer à fuir pour se réfugier dans des montagnes peu accueillantes et peu propices à quelconque épanouissement, sinon celui d’une vie paisible éloignée de toutes sortes de barbaries que les hommes, aidés de dieux factices, ont semé sur la planète pour piller les richesses d’autres hommes dont le seul tort est de vouloir cultiver leurs petits jardins de bonheur dans la paix du cœur et la sérénité de l’âme, en compagnie du silence des arbres, du chant des oiseaux, et du rire des enfants, au lieu de fabriquer des armes de destruction.
Ces 2973 Yennayers illustrent notre façon d’entrevoir le monde et les hommes. Un regard dénudé de toute tromperie aliénante. Nous n’avons pas eu besoin de recourir à quelconque prophète descendu de la montagne ou sorti d’une grotte pour dévoiler nos vices, nos vertus, nos forces ou nos faiblesses.
Même si comme tous les peuples, aux quatre coins du monde, nous nous en remettons souvent au « créateur du ciel et de la Terre » pour apaiser nos peurs, nos souffrances, et offrir des jours meilleurs à nos lignées, nous n’avons jamais misé le bonheur des nôtres sur quelconque débordement de l’espace vital des autres : «ek’til a’bardass t’eqimed di’lehna ! » (Contente toi d’un empan de terre pour t’assoir en toute tranquillité) énonçaient nos vieux sages, pour nous mettre en garde contre tout appétit vorace ou tout penchant aux fortunes fugaces.
Ces trois millénaires représentent le flambeau d’une éducation orale qui se transmet naturellement sans secousses ni emportements. Nos mères et nos grands-mères étaient certes analphabètes, mais elles nous ont transmis des messages de bonne conduite, de respect, de courtoisie, de politesse, d’affabilité et de civisme. Ces ingrédients essentiels à tout équilibre de vie en communauté que bien des pays, dits civilisés, ont du mal à inculquer à tous leurs citoyens, malgré les moyens faramineux dédiés à l’éducation des leurs ! Chez nous, les Amazighs, la bonne éducation commence à la maison. Elle s’inculque avant tout par la mère et la grand-mère. Et là, je puis vous assurer que le fait de penser à ma propre grand-mère, disparue pourtant il y a plus de 50 ans, me donne des émotions si fortes que j’ai envie d’arrêter ce texte pour consacrer ce temps à sa mémoire.
Est-il besoin de faire appel à une série d’énoncés complémentaires pour illustrer le fait que notre société semi-matriarcale est en totale opposition de phase avec un certain message mecquois qui fait tourner la tête des croyants sans raison logique et qui fait de la femme une sous-citoyenne, juste bonne à voiler et cantonner dans les cuisines ?
Quand bien même nous serions arrivés pieds-nus au 20ème siècle – comme le stipulent avec moquerie, certains récalcitrants à notre identité – par la grâce des envahisseurs qui se sont succédé sur nos terres, il faut aussi admettre que si tous ces conquérants venus du nord et de l’est nous avaient laissés tranquilles, nous ne serions pas préoccupés par ces avancées technologiques et ce chaos global que tout le monde prédit pour bientôt et qui met en péril la survie même de l’espèce humaine.
Et ce ne sont certainement pas ces grandes mosquées et ces gigantesques minarets que l’on construit à tout va chez nous, pour satisfaire la folie de quelque Nabot-Léon, en mal de grandeur monnayée à coup de milliards de dollars, qui freineront la descente aux enfers !
Et si l’on suit la rhétorique et l’argutie des anti-amazighs déclarés qui consiste à relever le non-sens de nos 2973 ans d’histoire du fait que nous n’ayons rien inventé d’utile à l’humanité, alors les Grecs non-plus n’ont rien apporté à la civilisation ! Du fond de leurs tombes, Aristote et Platon apprécieront !
À ce stade, il est peut-être utile de rappeler le rôle positif que les Iroquois ont apporté à la confection des textes constitutionnels et donc aux bases mêmes de l’édifice démocratique américain. Les premiers dirigeants de la toute nouvelle nation se sont inspirés de la sagesse de ces tribus autochtones d’Amérique pour rédiger la constitution de leur pays : le fameux « We, the people » est un calque reproduit intégralement de la philosophie Iroquoise !
Alors, pourquoi ne pas suivre l’exemple de cette grande nation pour confectionner et parapher une nouvelle constitution algérienne qui stipulerait d’emblée « Nous les peuples d’Algérie » (Mozabites, Chaouis, Kabyles, Touaregs, etc. y souscriraient) tout en évacuant toute référence à quelconque déité, donc à toute religion, ainsi qu’à d’autres fausses constantes de la nation qui nous brouillent bien plus qu’elles ne nous rassemblent ?
Que les uns et les autre sachent que nous les Amazighs ne sommes animés d’aucun sentiment d’inimitié envers personne et ne caressons nul autre rêve que celui de nous réapproprier les valeurs de paix, de tolérance et de sagesse, sous-jacentes à l’harmonie collective d’un certain « itij, avehri, tilli » qui résume tout un art de vivre que les peuples situés à l’est du 30ème méridien et au nord du 37ème parallèle, ceux-là même qui se sont invités chez nous à travers l’Histoire, ne peuvent en capturer les contours, malgré une présence sur nos terres qui s’étale sur des siècles avant Amirouche et Abane Ramdane !
Quand bien même notre ADN démontre que nous ne sommes ni Gaulois, ni Arabes, nous vibrons en phase avec le monde et aspirons à ce que chaque habitant de ce petit caillou perdu dans l’univers intègre la splendeur d’un universalisme flamboyant d’humanité. Nos ancêtres n’ont peut-être rien apporté en termes d’avancées scientifiques et technologiques, nous vibrons, où que nous soyons, aux rythmes de la sagesse et de la non-violence que nous ont transmis nos ancêtres.
Et si la paix sur la planète ne vaut pas toutes les avancées et toutes les technologies du monde, alors il ne sert plus à rien d’espérer des lendemains meilleurs pour les peuples de la Terre ! Accélérez donc cette course insensée aux armements destructifs, pour les uns, et continuez d’ériger des minarets aliénants, pour les autres, tout en vous considérant plus évolués que nous, mais de grâce que l’on n’accuse pas les peuples amazighs de ne pas avoir su prémunir, du haut de leurs 2973 ans de sagesse, une humanité qui se fracasse et se suicide à force d’une prédisposition douteuse à l’artificiel qui évacue de facto la sève essentielle qui circule en chacune des veines de l’homo-sapiens, celle de l’enchantement subtil que procure, malgré tout, ce bref passage sur Terre.
Pour conclure, quel que soit le degré de désobligeance que les uns et les autres portent sur nos aïeuls et, par extension, sur toutes nos tribus, nous sommes fiers du calendrier amazigh, de son rayonnement et de la maturité affichée par nos 2973 années de lignée, même si la juste mesure d’une vie paisible, celle que voulaient nous léguer nos ancêtres, s’est retrouvée happée par un tourbillon de mirages technologiques qui entrainera inexorablement notre postérité dans le même sillon d’extinction que celui de tous les peuples qui croient avoir hérité de la grâce des Cieux pour occuper la planète Terre ad vitae aeternam, pour les uns, ou bénéficier de la protection du Dieu Euro-Dollar pour éviter l’enfer, pour les autres.
Quant à nous, nous ne réclamons qu’une chose : que les uns et les autres corrigent l’Histoire et professent en lettres d’or que l’Algérie est amazighe !
Kacem Madani