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106e vendredi : « Nous, nous sommes de retour et vous, dans la galère »

DISSIDENCE CITOYENNE

106e vendredi : « Nous, nous sommes de retour et vous, dans la galère »

« Rana walina bassitou bina ! » tonnaient les milliers de manifestants sortis ce vendredi à Alger pour réclamer un changement politique en profondeur.

C’est par un ciel bleu partiellement couvert de nuages d’un blanc éclatant, traversé par quelques éclaircies, une température avoisinant les 17° et une légère brise que les marcheurs déboulent de toutes parts vers leur point de chute habituel, le haut de la rue Victor Hugo, pour entamer la manifestation dès la fin de la prière du vendredi.

Dès leur arrivée, ils remarquent une concentration inhabituelle des forces de police dans la rue. Une tension est perceptible sur les visages. Quelques minutes après, dès l’approche de la fin de la prière, les marcheurs sont sommés de libérer les lieux. Un cordon de police est érigé en travers de la rue. Issus pour la plupart d’entre eux de la BMPJ (Brigade mobile de la police judiciaire), d’un âge mûr, ils ne sont pas équipés de boucliers anti-émeute, paraissent chevronnés et accoutumés à ce genre de situation.

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Installés le long de la rue adjacente, sur des tapis de prière de fortune, à peine le taslîm (salutation qui termine la prière rituelle musulmane) prononcé les prieurs se lèvent rejoignent les autres marcheurs en attente et se dirigent vers le cordon de police en scandant leur slogan préféré, Dawla madania machi 3askaria ie ; Etat civil et pas militaire.

Un face-à-face qui dure une quinzaine minutes entre marcheurs et forces de l’ordre se solde par quelques coups de matraques et une ou deux interpellations. Chaque camp bien décidé à ne pas céder. Les policiers tentant d’amputer le circuit des manifestants de ces quelques mètres très symboliques, à la sortie de la mosquée Errahma et les marcheurs décidés à aller jusqu’au bout et ne pas abandonner. Ils répètent ce pays est le nôtre et nous en faisons ce que nous voulons.

Les policiers sont pris pour cible, on scande : quelle honte le policier s’en prend à plus faible que lui (haggar) ; vous, vous n’avez pas honte et nous ne nous arrêterons pas ; il a pour salaire deux millions de cts (vingt mille dinars) pour protéger le traître ; le terrorisme national s’en prend aux démunis !

Après trois tentatives de forcings, difficiles à contenir, les talkie-walkie grésillent et le passage est enfin libéré. Grisés par leur victoire ils enchainent en criant : « généraux à la poubelle », ce qui fait sourire un jeune officier à l’allure athlétique et au regard malicieux, qui observe de plus loin.

Le chef de l’Etat en convalescence, sûrement plus préoccupé par sa santé que par ce qui se passe autour de lui, est la cible des marcheurs. On redit son illégitimité tout le long de l’après-midi à travers le célèbre slogan « Tebboune lemzaoua » i.e. Tebboune, le frauduleusement élu tout en rappelant qu’ils n’ont point de président puisqu’il n’ont pas voté.

On répète sans cesse, d’une seule voix, tout l’après-midi, « Rana walina bassitou bina » ! i.e Nous, sommes de retour, et vous dans l’embarras. Les marcheurs algérois persistent et signent : « Ma el3asima yes9out ennidam » i.e. C’est d’Alger que tombera le régime. Ils s’en prennent aux services secrets en les qualifiants de terroristes et en assurant que l’Etat militaire tombera i.e Moukhabarat irhabia, tes9out eddawla el3askaria.

La procession, majoritairement masculine en début d’après midi, se colore discrètement de féminité au fil des minutes.

La protesta retrouve peu à peu ses marques. Bien que les fameux carrés de parties politiques et d’association qui composaient la procession aient disparu certains irréductibles comme l’association féministe d’Alger a regagné sa position. Les dames qui la composent ont sorti les anciennes banderoles qui ont survécu et se défoulent en chantant leurs slogans et leurs héroïnes disparues. Karim Tabou, transpirant et haletant est quasiment happé par la foule. Une petite fille, dans sa poussette, tirée par sa maman lève son doigt au ciel et montre l’hélicoptère qui ne cesse de tournoyer au dessus d’elle.

Des manifestants distribuent gratuitement des bavettes mais la majorité ne s’en encombre pas. Les gestes barrières sont oubliés.

Une marche dense, compacte

 Vers 15h30 les marcheurs ne peuvent plus bouger. Immobiles ils répètent leurs tirades. Un an d’arrêt de marches et de pandémie semblent être venus à bout des concepteurs-manifestants : pas de banderoles, d’affiches ou de nouveaux slogans.

L’année blanche d’un point de vue économique et politique imposée par le gouvernement Djerad et les décideurs a privé la protesta de ses inoubliables commentaires et discussions politiques hebdomadaires durant les marches du vendredi. Sa composante « la plus réfléchie », assommée par une année d’inactivité, de confinement, gagné par le scepticisme et le doute attend pour voir.

Point de trompette, de Derbouka, ou de vuvuzella. Ni de cohortes de ces belles jeunes filles qui embellissaient le décor, égayaient l’atmosphère et boostaient de tonus les marcheurs .

La protesta ne se projette plus en couleurs mais en noir et blanc. Les choses deviennent plus sérieuses et l’avenir plus incertain.

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La situation perçue comme de plus en plus stagnante. Et les horizons de plus en plus obstrués. Point de lueur à l’horizon, makan oualou i.e il n’y a rien commentent les marcheurs. Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va disait Sénèque.

Auteur
Djalal Larabi

 




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