Mercredi 30 octobre 2019
Mohamed Arkab a été expéditif devant la commission économique de l’APN
Pour défendre l’avant-projet de la loi sur les hydrocarbures que l’exécutif avait validé le 13 octobre dernier, Mohamed Arkab évoque deux arguments, la baisse des réserves et l’augmentation effrénée de la consommation interne (01).
Il a laissé entendre que seul un partage de risque dans une industrie hautement capitalistique comme celle des hydrocarbures pourrait relancer l’exploration et, partant augmenter les réserves. On comprend par là qu’un telle approche ne pourrait se concrétiser qu’avec des partenaires étrangers pour lesquels on a le devoir de mettre à jour notre réglementation pour son adéquation avec les circonstances économiques actuelles, notamment la chute des prix du baril de pétrole qui n’encourage pas les investissement en amont pétrolier.
Doit-on aussi comprendre par là que la loi en vigueur est la cause principale qui fait fuir les capitaux étrangers et la stratégie long terme de l’Algérie ne compte que sur les hydrocarbures mais n’a en perspective aucune alternative pour sortir de cette dépendance des énergies fossiles, pourtant tarissables ? Cet avant-projet donc une fois concrétisé en loi sera à même par ses nouvelles dispositions de drainer des investissements en exploration pour alléger Sonatrach qui prend tout en charge ces dernières années.
Or, si les amendements à quatre reprises de la loi 05-07 sur les hydrocarbures n’ont pas emballé les partenaires étrangers, c’est que le domaine minier est mal maîtrisé, voire connu par les offreurs eux-mêmes, comment peut-on espérer convaincre l’axe franco-américain de prendre des blocs qu’ils connaissent mieux que les Algériens ? D’où la raison qui fait que ces partenaires campent sur les gisements existants pour partager la croissance avec les Algériens comme a fait Total dans le gisement de Tin Foué Tabenkort l’année dernière. Cet avant-projet de loi ne change rien aux blocs offerts dont le potentiel est inconnu
Fin de septembre dernier, Alnaft avait annoncé que dans le cadre de sa mission de promotion et de valorisation, elle vient de procéder à la signature d’une convention avec ExxonMobil pour une étude portant sur l’évaluation du potentiel en hydrocarbures de l’ensemble des bassins du domaine minier national en complément de celles avec l’Italien ENI, le français Total et le norvégien Equinor pour consolider une expertise en cours avec Beicip-Franlab. Pourtant, l’exposé des motifs de l’avant-projet de cette nouvelle loi est formelle «au rythme de production actuel, ce potentiel peut satisfaire la demande nationale et les exportations sur une durée de près de 150 années.»
Si on cite le nombre d’années de vie d’un gisement c’est qu’on est sûr du potentiel qu’on situe dans la tranche récupérable. Il est prévu de produire fin 2019 près de 190 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) soit les réserves, si l’on se réfère à ce document pourraient être évaluées à 28,5 milliards de Tep, plus de 8 fois nos réserves actuelles qui se situent autour de 3,5 milliards de Tep.
Est-ce vraiment crédible lorsqu’on sait que très peu de forages ont été faits dans ce cadre justement ? En une décennie de 2009 à fin 2018 (02), la densité des forages pour 10 000 km2 est restée dans la tranche 13-19, très loin de la moyenne mondiale qui se situe dans le cas le plus pessimiste à 105.
En dépit de l’ouverture du domaine minier à la prospection, la recherche et l’exploitation des ressources non conventionnelles et la pratique de la fracturation hydraulique, le nombre de forages terminés en 2009 était de 80, exactement le même chiffre qu’en 2018. Le domaine minier exploitable qui était en 2009 de 46093 km2 est passé en 2018 à 61458 km2, gagnant à peine 15364 km2 livrés de la prospection et la recherche en 10 ans. La production primaire qu’on pourrait arrondir en 2009 à 212,4 millions de tonne équivalent pétrole (Mtep), est descendue en 2018 à 165 Mtep.
En termes simples l’Algérie a perdu en production 4,7 Mtep par année soit une baisse substantielle de 10% par année. Maintenant si cette estimation d’un tel niveau de réserve se base sur les données de l’agence américaine de l’énergie (EIA) qui place l’Algérie comme la 3ème réserve mondiale en ressources non conventionnelles avec 21 000 milliards de m3 de gaz de schiste et 128,5 milliards de barils de pétrole de schiste, il reste sommaire tel que précisé par cette agence elle-même.
En effet, les estimations de l’EIA ont été établies par un consultant extérieur, Advanced Ressources International (ARI), qui est une entreprise dédiée à la fourniture de services de consultation et de recherche dans les domaines des hydrocarbures non conventionnels et de la séquestration du CO2, à l’intention d’organismes publics américains de compagnies gazières et pétrolières et d’autres entreprises du secteur de l’énergie.
Elles sont fondées sur des paramètres incertains (proportion de matière organique, épaisseur de la couche, étendue du bassin, taux de récupération…). Compte tenu des incertitudes sur l’ensemble des paramètres pour le bassin sud-est, les estimations de gaz récupérable peuvent varier de 1 à 1 000.Il s’agit des informations publiques, de littérature technique et de données publiées par les entreprises. Elles se fondent aussi sur de précédents travaux non confidentiels d’ARI. Elles portent sur les ressources techniquement récupérables, étant considéré que celles-ci représentent généralement 20 à 30 % des ressources en place. Elles n’intègrent pas de variables économiques (coûts de production, prix du gaz) et ne portent donc pas sur les réserves. Elles ne prennent pas en compte de données de surface (urbanisation des bassins, régime de propriété des sols et sous-sols, disponibilité d’eau pour la fracturation…).
Elles n’incluent ni le pétrole et le gaz dits de réservoirs compacts, ni le gaz de houille, ni les hydrocarbures de roche-mère offshore. Elles restent donc des estimations sommaires réalisées par extrapolation de données de teneur en hydrocarbures issues de quelques sondages à l’ensemble de la superficie des bassins supposés, sans tenir compte de leur variabilité géologique. Les auteurs de ces estimations sont eux-mêmes très circonspects sur la portée de ce travail, qualifié en toute modestie en avril 2011, de « premiers pas vers des évaluations à venir plus exhaustives des ressources en gaz de roche-mère ».
R. R.
Renvoi
(01)-http://www.aps.dz/economie/96556-hydrocarbures-pres-de-60-des-reserves-initiales-du-pays-epuisees
(02)- https://www.energy.gov.dz/?article=bilan-des-realisations-du-secteur Rapport 2009 et celui de 2018