24 novembre 2024
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L’élection présidentielle et la désinformation

DECRYPTAGE

L’élection présidentielle et la désinformation

(Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique. Platon)

A l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux, les campagnes électorales traditionnelles sont détrônées voire ringardisées. Les raisons sont multiples, techniques bien sûr mais aussi politique et idéologique.

Les tracts, affiches et le rituel des meetings n’attirent plus les foules qui ne veulent plus perdre leur temps car les slogans sont vides et répétitifs et leur emballage triste comme un jour sans pain.

En revanche, l’Internet où les informations et les analyses circulent comme l’air et à la vitesse de l’éclair fournissent l’occasion à des citoyens avec ou sans étiquette politique de publier des opinions qui ne chantent pas le même refrain que l’idéologie dominante.

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Campagne électorale ‘’classique’’ ou ‘’moderne’’, est-ce suffisant pour ‘’séduire’’ le citoyen ? Non car la politique ne se fait pas facilement détrôner mais a besoin cependant de se faire aider pour attirer les voix des citoyens qui aspirent à autre chose. Comme les moyens de communication sont plus ou moins à la portée de tous les ‘’grands’’ candidats, il existe, il doit exister un moyen de gagner même quand le candidat entrant dans l’arène est un inconnu.

Quel est ce moyen qui a le sésame (clé) qui ouvre la voie de la victoire ?

Nommons deux identités alors inconnues du grand public mais bien intégrés dans le système, Donald Trump et Emmanuel Macron. Ces deux exemples sont l’œuvre d’une gigantesque manœuvre médiatique qui a su exploiter des faits réels qui ont exaspéré des catégories sociales. Ce travail a été fait par une ‘’science’’ appelée la désinformation ayant à son service de gros moyens financiers au bénéfice du monde de l’argent, celui décrit par Zola et qui n’a pas perdu une ride. 

La désinformation est un enfant chéri des services de renseignement. Elle est née avec la guerre elle-même car les généraux des armées avaient besoin de renseignements solides pour intoxiquer l’ennemi et le piéger. De nos jours la désinformation a été dotée d’outils sophistiqués qui lui permettent de flirter avec l’art du ‘’mensonge vrai’’ de la grande littérature.

Cette métaphore n’est pas de moi mais des écrivains comme John Le Carré et de Volkoff (1) dont un roman d’espionnage a été remarqué. Pour lui la désinformation qui sort des ateliers d’écriture des services secrets est une ‘’cousine’’ de la littérature.

J’ai donc retenu la vision de cet écrivain qui rappelle les grands pièges tendus par les services secrets pour tromper l’ennemi. Et qu’est ce qui fait la grandeur et la beauté de la littérature si ce n’est la conjugaison de l’imaginaire de l’homme et de l’écriture de fiction à partir de faits de la réalité. C’est exactement ce que font les analystes des services secrets, nous dit Volkoff.

Ainsi un fait du réel est agité pour masquer l’essence des choses grâce à l’art de l’écriture. Les services secrets intoxiquent l’ennemi en se basant sur une info qui donne l’impression du vrai pour l’entrainer sur un terrain miné où une surprise l’attend. On connaît la bourde d’Hitler lors de la seconde guerre mondiale (2).

Les adversaires de Trump par manque de maîtrise de la désinformation ou bien souffrant d’un manque de confiance des citoyens en Hilary Clinton, ont échoué à arrêter Trump vers le pouvoir.

Cette incapacité renforce l’idée qu’il faut tracer une frontière entre le candidat favori et l’adversaire mais aussi donner du bon grain à moudre aux technologies nouvelles. D’aucuns pensent que la seule magie des nouvelles technologies peut terrasser les adversaires politiques.

Hélas pour eux, les technologies nouvelles facilitent certes le travail mais n’ont pas encore remplacé l’imagination et l’intelligence de l’Homme. Les caméras numériques (comme hier l’appareil photo) et l’ordinateur n’ont pas encore accouché d’un Hitchcock, d’un Henri Cartier-Bresson, d’un Robert Doisneau, ou d’un prix Nobel de littérature.

Un exemple chez nous montre le ‘’vainqueur’’ de la joute autour des notions de Rupture et le changement dans la continuité. Qu’éveillent ces deux notions dans la tête du citoyen ? Chacun en son for intérieur n’est pas traumatisé par une rupture avec un ami qui trahit, par un divorce préférable à une vie de couple suffocante etc.

Dans le cas du sujet qui occupe toute la société, la rupture pour le chômeur, pour la famille qui vit dans une ou deux pièces, pour le harag qui joue sa vie et pour le citoyen qui se noie dans le maquis de la bureaucratie, la rupture est synonyme de délivrance.

Quant au changement dans la continuité, cet oxymore utilisé dans la poésie ou la comédie pour faire rire est sur la plan politique une aberration car en philosophie et en science, les contraires s’affrontent, l’eau et le feu, en électricité le plus (+) et le moins (-) etc. Ça me rappelle l’imbécile oxymore de ‘’la régression féconde’’ de quelqu’un ‘’philosophant’’ dans un salon de thé.

Chez nous pour l’instant, peu de fièvre dans la population dans la mesure où le résultat semble, comme d’habitude, connu d’avance. Pour l’heure, seule la cohorte des candidats ‘’amuseurs publics’’ (3) anime le ‘’spectacle’’ comme si on voulait détourner le regard de l’opinion des sourdes luttes motivées par des contradictions politiques et de gros intérêts.

Avant ces ‘’amuseurs publics’ on a vu des hommes politiques s’agiter en faisant des propositions sans que leurs esprits ne soient traversés le moins du monde par la question de la légalité de leurs suggestions au regard de la Constitution. Ils ne se doutent certainement pas que leur petit quart d’heure de gloire a servi de piège à l’arroseur arrosé.

D’autres adoptent la posture du Wait and see (attendre et voir). Ils prennent la précaution de retirer les formulaires de candidature au cas où ! Ces candidats potentiels, sont-ils en possession d’informations qui pourraient changer la donne politique ? Pensent-ils aux divers camps ou tendances qui se seraient formés à partir de la mise à la retraite du chef du DRS en 2015… Suivie de la mise à l’écart humiliante de Abdelmadjid Tebboune en 2017, de la valse de changement des secrétaires généraux du FLN, des changements dans l’appareil du haut commandement de l’armée (2018) etc.

Ces candidats qui sont des politiques connaissant les allées et arcanes du pouvoir n’ont pas classé ces graves et inédits événements dans la case de la simpliste thèse de la lutte des clans que beaucoup avalent comme parole divine ? Ne pas définir le mot clan devient un mot valise que l’on colle sur n’importe quoi par indigence politico-théorique. Pourtant l’histoire récente du pays montre que les ‘’clans’’ se forment selon les tactiques du moment historique mais cette tactique n’efface pas la position politique des acteurs.

Ferhat Abbas et Boumediene font ‘’alliance’’ avec Ben Bella et on connaît le sort de chacun d’eux une fois au pouvoir à Alger. De même Boudiaf et Aït Ahmed furent de farouches opposants dès l’indépendance, non pour des raisons régionalistes mais par motivation et vision politique et quelle vision, du socialisme qu’ils allaient écrire noir sur blanc dans l’idéologie de leurs partis, le FFS et le PRS. Et pour la petite histoire, ce sont ces deux prestigieux dirigeants de la révolution qui ont été approchés pour occuper le poste de chef d’Etat à la suite de la démission de Chadli.

Ces événements que je viens de citer sont le produit non d’une petite cuisine interne de la politique mais des marqueurs historiques d’un pays ayant ou faisant une révolution : congrès de la Soummam en 1956, congrès de Tripoli en 1962, coup d’Etat du 19 juin 1965, émeutes d’octobre 88 et enfin démission de Chadli décembre en janvier 1992.

La maladie du président, socle de l’Etat et la retraite de l’homme tenant le bras armé de l’Etat (DRS) ne pouvaient pas ne pas donner à l’élection de 2019 une importance capitale dans une situation économique gravissime et une conjoncture internationale des plus dangereuses.

L’élection de 2019 produira-t-elle les mêmes effets que les précédentes situations dont les dates ont été citées ci-dessus ? Ou bien sera-t-elle un bis repetita qui ne fera pas bouger les lignes politiques et confirmera la thèse que les vraies décisions se prennent dans un conclave et non selon la devise de la république, la révolution du peuple et par le peuple ?

L’issue de l’élection nous livrera les rôles respectifs joués par la désinformation et les événements depuis 2017. On le voit déjà dans l’émergence des deux notions déjà cités Rupture et le changement dans la continuité. J’ai déjà écrit ici que le mot Rupture était un titre d’un journal algérien paru après octobre 1988. Et l’oxymore (changement dans la continuité), on le doit à Valéry Giscard d’Estaing président français en 1974/1981. Deux visions du monde et de philosophie.

Le triomphe de l’une ou de l’autre philosophie nous donnera une idée de l’évolution des rapports de force chez nous. En tout cas, on peut au moins se féliciter que le mot peuple prenne sa place dans les débats en effaçant les mesquines niaiseries et autre ânerie de ‘’ghachi’’ de ‘’populace’’ou bien les vagues notions de population et tribu (eqbaïl mot arabe) de la littérature coloniale.

Ali Akika, cinéaste

Renvois

(1)  Je cite l’origine russe de Volkoff parce qu’il a écrit un beau roman d’espionnage d’une grande qualité littéraire. Je suppose qu’il a dû étudier les mécanismes de la désinformation dont le KGB fut un champion sinon le maître absolu. Quant à John Le Carré, il exerça le métier d’espion dans le fameux MI5 britannique. Il est devenu un des maîtres de la littérature par la qualité de son écriture et la précision de sa description du monde de l’espionnage.

(2)  On connait le chef d’œuvre de la désinformation des Alliés qui ont roulé dans la farine Hitler en lui faisant croire qu’ils allaient faire le débarquement dans le nord de la France et non en Normandie.

(3)  J’utilise l’image d’amuseurs publics car je m’interdis de coller des adjectifs méprisants comme ‘’édentés’’ comme un certain François Hollande avait nommé les pauvres qu’il a laissés derrière lui ; devenus gilets jaunes. Ce mépris est insupportable comme l’est celui d’un premier ministre qui a osé dire ‘’chawi hachakoum’’ et d’autres de lui répondre ‘’Aqbaïli hachakoum’’ sans parler de ‘’bédouin’’ (Arabe) de ceux qui baignent dans l’ignorance et la bêtise. Qu’ils sachent que le mot de nomade (bédouin) est un mot phare de la poésie. Rimbaud un des plus grands poètes étudiés dans le monde entier a préféré aller vivre et faire du commerce chez eux, dans une région où sont nés tant de prophètes qui par leur verbe ont remué l’humanité. Que l’on soit religieux ou non, on peut reconnaître ce fait historique tout en faisant sienne la maxime : ‘’la religion est l’opium du peuple’’.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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