Samedi 16 janvier 2021
Lounis Aït Menguellet revisité : « Tarewla », la fuite
Crédit photo : Hayet Aït Menguellet.
C’est un titre qui aurait bien pu s’intituler « quand le rêve, l’espoir, le rire et la jeunesse prennent la poudre d’escampette ». Tout un programme. Celui des années 1990.
C’est au village que Lounis Aït Menguellet trouve l’inspiration pour écrire « Tarewla », en avril 1995, et « Ammis umaziγ », en juin de la même année, pour les intégrer dans l’album « Iminig g gid ».
De toute évidence, même si la paisible et inspirante capitale française lui a servi d’étincelle, c’est bien par les images d’une Algérie entenaillée par les islamistes et les militaires, et une jeunesse à laquelle il n’y avait donné d’autre choix que celui de prendre la valise pour éviter le cercueil, que Lounis fut marqué pour composer « Tarewla ».
C’était le temps où partir c’était mourir un peu, et rester mourir beaucoup. Sur le sujet de la fuite des cerveaux pendant la décennie noire, Lounis en rajoute une bonne couche dans le même album avec « A duγalen ». Un régal, une flambée d’espoir dans un océan de défaitisme.
Juste une remarque pour la traduction ci-après : le terme la3naya va bien au-delà de l’expression « grâce du terroir » que nous lui avons conféré. La3naya représente l’un des fondements de la culture ancestrale et de la pensée kabyle.
Il n’a, à notre connaissance, pas d’équivalent dans aucune autre culture sur Terre, même si les termes protection, bénédiction, bienfait, auspices (saintes-auspices avions-nous glissé de façon incertaine dans une précédente traduction (*)), faveur etc. peuvent, selon le cas, lui être associés.
Mais bon, cela est un autre sujet. Il a ses spécialistes pour l’approfondir. Contentons-nous d’écouter maître Lounis avec le recueillement qu’il se doit.
« Tarewla », la fuite
Rêves où avez-vous fui
Au pays du rêve
Vous avez peur de rentrer
Au pays qui abhorre la Vie.
Rep.
Nous vous enverrons l’espoir
Accompagné de grâce du terroir
Il effacera vos larmes
Vous ne nous repousserez plus
Il vous changera de places
Il aménagera vos nuitées
Sans quoi âpres sont nos journées
Nous n’en pouvons plus.
Espoir où as-tu fui
Au pays du rêve
Tu as peur de rentrer
Au pays qui abhorre la Vie.
Rep.
Nous t’enverrons la jeunesse
Accompagnée de grâce du terroir
En la voyant elle te verra aussi
Tu ne nous rejetteras plus
Même s’il fallait craindre Dieu
Même si c’est nous que tu hais
Reviens au nom de la jeunesse
Elle n’est pas responsable.
Jeunesse où as-tu fui
Au pays du rêve
Tu as peur de rentrer
Au pays qui abhorre la Vie.
Rep.
Nous t’enverrons le rire
Avec la grâce du terroir elle te visitera
Pour te redonner la joie
Ne t’impatiente surtout pas
Même si elle ne te connait pas
Nous sommes faits de patience
Désormais nous voulons qu’aux enfants
Tu rende l’espérance.
Rire où t’a-t-on confiné
Au pays du rêve
Tu as peur de rentrer
Au pays qui abhorre la vie.
Rep.
Nous t’enverrons la paix
Avec la grâce du terroir elle te visitera
Nous savons que si elle est avec toi
Un jour tu nous reviendra
Nous nous languissons de ta thérapie
Nous ne festoyons plus depuis que tu es parti
Quand tu n’es pas là le manque nous envahit
Tout nous est amer.
Paix où as-tu fui
Au pays du rêve
Tu as peur de rentrer
Au pays qui déteste la vie.
Rep.
Nous t’enverrons la sagesse
Avec la grâce du terroir elle te visitera
Peut-être que si elle t’appelait
Un jour tu nous reviendrait
Nous te voulons en nos cœurs
Nous ne jurons que par ta valeur
N’imite donc pas tous ceux
Qui ont perdu leurs repères.
Tumulte d’où viens-tu
Du pays du rêve
Tu n’as fait que changer de faciès
Nous connaissons ton hideux visage.
Rep.
Larmes et gémissements
Sont tes fidèles compagnons
Nous t’éprouvons depuis si longtemps
En ton nom chaque époque nous a brimé
Tu as chassé la sagesse elle s’est exilée
Tu craignais qu’elle n’attire la paix
Jeunesse et rire tu les as expulsés
Avec l’espoir ils nous ont quittés.
Kacem Madani
(*)https://lematindalgerie.comlounis-ait-menguellet-revisite-amusnaw-lerudit