24 novembre 2024
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L’oligarchie : est-elle une bonne forme de gouvernance ?

TRIBUNE

L’oligarchie : est-elle une bonne forme de gouvernance ?

On pourrait croire que seul le Liban est menacé par son système de gouvernance oligarchique, mais qu’en est-il des autres régimes politiques dont le pouvoir est confisqué par une minorité ? En sortiraient-ils indemnes ?

Le petit pays du Cèdre, le Liban, un État frontalier avec l’Israël et la Syrie, vit la plus grave crise économique de son histoire, caractérisée par une forte dépréciation de sa monnaie « la livre libanaise » ayant plongé depuis quelques mois seulement près de la moitié de sa population, environ 4 millions de ces citoyens, dans une extrême pauvreté. A ce gouffre économique s’ajoute une crise sanitaire de la pandémie mondiale de la Covid-19 et un contexte politique délicat exacerbé par les tensions qui dominent le quotidien de la vie politique libanaise. Comment le pays qui a valu le surnom de la « Suisse du Moyen-Orient » en est-il arrivé là ? Le scénario à la « Venezuela » est-il en train de se reproduire ? Cette crise économique qui ébranle le Liban peut-elle se répandre dans d’autres pays gouvernés par un système oligarchique ?

L’une des causes responsables de cette crise est liée au secteur financier qui a perdu son efficacité dans la gestion financière de l’économie nationale et des institutions. Sans ressources nationales, sans technologie de pointe high-tech et sans industrie fiable, le Liban pendant des années adopte le secteur financier comme moteur principal de son économie.

Rappelons-le que les quinze années de guerre civile de 1975 à 1990, qui a fait 150.000 à 200.000 morts sur une population de 3 millions d’habitants, ont mis à genoux son économie et ont totalement ravagé son industrie, ses infrastructures, ses réseaux de transport, d’eau et d’électricité. Avec l’orientation vers le secteur de la finance, il se trouve dans l’obligation d’attirer en permanence des investisseurs et des capitaux étrangers pour alimenter son économie nationale.

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Ainsi, la survie et la mort de l’économie, de ce petit pays qui importe plus de trois quarts de ses denrées alimentaires et de ses biens de l’étranger, dépendent directement de l’état de santé de ses réserves en dollars. En raison des tensions géopolitiques dans la région, les flux en devise qui alimentent ses réserves ont rapidement diminués. L’Iran qui aidait les chiites a été durement impacté par les sanctions américaines.

La chute du prix baril de pétrole a aussi réduit fortement les investissements des pays de Golfe. A cela s’ajoute les conflits permanents dans plusieurs pays de la région : en Syrie, en Irak, en Israël, en Palestine … La seconde raison de ce naufrage économique est liée à l’adoption du confessionnalisme comme système de gouvernance qui consiste à partager le pouvoir politique d’une façon plus au moins équitable entre les deux différentes communautés religieuses chrétienne et musulmane.

Un mode de gouvernance idéal pour blanchir en toute transparence la gestion des affaires de l’État, puisque on ne peut pas critiquer le bilan de qui que ce soit, chacun étant censé défendre et représenter sa communauté religieuse.

Avec le temps, les dirigeants des deux confessions ont fusionné avec la classe bourgeoise et se partagent le gâteau, les intérêts communs, le pouvoir politique qui les mettent dans une position fragile pour réformer un système de nature conservateur.

Cette reconfiguration permet à la classe politique, rongée par l’opportunisme, la corruption et le clientélisme, de se rallier pour former une oligarchie où le pouvoir politique et économique est détenu exclusivement par un petit groupe d’amis. Selon les observateurs, le gouvernement est composé des seigneurs rescapés de la guerre civile qui se distribuent les postes à leur convenance. Ils ont tous les mains sales et l’art de la maitrise de la propagande pour manipuler, intimider, diviser pour régner encore et encore ! Avec un système oligarchique comme mode de gouvernance, les caisses de l’État servent plus souvent à alimenter les réseaux clientélistes qu’à développer le pays.

Et pour pallier à une pénurie de devises en dollars, les grandes banques du pays où les hommes politiques sont majoritairement actionnaires procèdent à la planche à billets. A mesure que la valeur de la livre libanaise chute (1 dollar contre 9000 livres), les prix des biens de consommation explosent, le pouvoir d’achat se dégrade et la classe moyenne s’appauvrit progressivement et rapidement. Les simples citoyens perdent leurs emplois alors qu’avant même ils ne parvenaient pas à se nourrir.

La précarité et la pauvreté font exploser une délinquance inédite. Des jeunes s’improvisent « Robin des bois » pour obtenir de quoi vivre. Un climat d’insécurité se répand à travers tout le pays et le chaos s’installe pour durer. Le pauvre peuple ne mérite pas tout ça ! Voilà le résultat de la politique menée par l’oligarchie, qui n’assure pas un avenir serein à ces concitoyens.

En résumé, après avoir pendant longtemps attiré des capitaux étrangers, le Liban a vu en peu de temps environ un an son système économique se gripper par la crise du secteur financier. Les tensions géopolitiques de la région ont fait fuir les investisseurs. Les oligarques corrompus et incompétents, n’ont fait qu’accélérer le naufrage économique qui risque d’effacer un pays avec toutes ses institutions de la géographie.

Certains pourraient croire que cela ne menace que l’économie basée sur le secteur de la finance, du confessionnalisme et de l’oligarchie. Pourtant même si ce scénario du pire reste peu probable, il me semble important de commencer à réfléchir aux moyens afin d’éviter que cela se reproduire dans d’autres pays et en particulier en Algérie. Pourquoi ? Et qu’ils sont les indices ? Comme les libanais, notre économie est basée seulement sur les rentes des hydrocarbures et la chute du prix du baril de pétrole n’arrange pas les affaires de l’État.

La chute continue avec la crise sanitaire, et malheureusement le retour à la normale risque de durer plus longtemps. Pendant ce temps, les caisses de la trésorerie se vident et la valeur de dinars se dégringole. A la réouverture des frontières le dinar va perdre plus de 50% de sa valeur actuelle, comme le cas de la livre libanaise. Certes le « confessionnalisme » n’est pas installé mais son frère jumeau le « régionalisme » le remplace à tous les niveaux de la hiérarchie.

Par la richesse du sous-sol et les ressources humaines, l’Algérie dispose de tous les atouts pour s’en sortir mais malheureusement elle n’arrive pas à en tirer profit. Depuis l’Indépendance, cette ressource est gaspillée et accaparée totalement par son oligarchie (dont deux ex-Premiers ministres, trois ex-ministres, ex-walis, hauts fonctionnaires et grands patrons et hommes d’affaires qui sont derrière les barreaux).

Pour sortir indemnes les algériens comme les libanais devraient se focaliser sur la remise en état de leurs économies intérieures, de leurs systèmes politiques, financiers et de leurs services publics. De toute façon, la crise économique s’imposera et l’Algérie sortirait grandi si elle parvenait à l’éviter. Elle en aurait les moyens si elle en avait la volonté politique !

Auteur
Mourad Khelifa

 




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