25 novembre 2024
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AccueilChroniqueOn gouverne mieux par le vice que par la vertu !

On gouverne mieux par le vice que par la vertu !

Tebboune

En ne se préoccupant que des besoins matériels de la société, la classe politique au pouvoir a fermé les yeux sur le mécontentement, les frustrations voire le désespoir des populations, sentiments qui caractérisent une société en voie de perdre son âme. 

La société est un corps moral qui souffre ou prospère à travers les activités morales de ses membres. La santé morale d’une société exige une certaine harmonie entre les aspirations, les expériences et les réalisations, les accomplissements entre les rêves et les réalités, entre les revendications et leur satisfaction. Hier, misère matérielle et richesse morale ; aujourd’hui, misère morale et richesse matérielle. 

L’argent facile fascine dans une société où « l’être se cache derrière le « paraître », et le « je » derrière le « nous ». C’est ainsi que le paraître est considéré  comme plus important que l’être. C’est le primat  de l’émotion sur la raison, le virtuel sur le réel, le paranormal sur  le normal, le court terme sur le long terme. Il nous faut tout, tout de suite et sans effort. Nous  développons le «tout avoir » au lieu du « tout être ». Nous vivons dans une époque mercantiliste où tout se vend et tout s’achète y compris les consciences. Partout, l’argent règne en maître.

L’Algérie est devenue, à la faveur d’une manne providentielle, un vide-ordures du monde entier et un tiroir-caisse des fonds détournés et placés dans des paradis fiscaux.  Nous consommons tout ce que le gouvernement importe en se servant au passage. Le commerce extérieur étant le monopole de l’Etat. 

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Nous conjuguons le verbe « acheter » à tous les temps et pendant ce temps nous vendons notre âme  au diable. Du  « tous pourris  au tout pour rien », l’Algérie s’ignore. Les Algériens se lavent les mains. « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ». Qui est l’autre ? L’opinion de la majorité des gens a valeur de norme morale comme si la vérité dépendait de ce que pense le plus grand nombre. « Non, les braves gens n’aiment qu’on suive un autre chemin qu’eux » chantait Brassens. Le regard de la société porte sur ce qui est apparent (votre fortune ou votre fonction) et non sur ce que vous cachez (vos vices ou vos vertus). Vous valez ce que vous possédez. C’est votre fortune qui détermine votre rang dans la société. Ce qui intéresse vos concitoyens, ce n’est pas votre honnêteté ou votre personnalité mais les services que vous pourrez leur rendre. Peu importe les moyens que vous employez, c’est le résultat qui compte.

La fin justifie les moyens. Pour le plus grand nombre des Algériens y compris leurs gouvernants, l’Etat n’est pas une abstraction, c’est une personne physique palpable avec qui on doit tisser des liens personnels. Ce n’est pas une entité juridique, une création du droit régie par des textes connus par tous et applicables à tous. 

Les règles de droit ne sont là que pour la devanture, elles s’effacent devant les réseaux mafieux influents. Tout y passe : séduction, argent, intimidations, chantage. Tant que vous êtes du côté des plus forts, la loi vous ignore et vous, vous ignorez la loi. Elle vous sera appliquée, le jour où vous sortez des rangs pour rejoindre le commun des mortels. 

Dans ce contexte, toute œuvre de salubrité publique prend l’allure d’une chasse aux sorcières. Un homme honnête est hors circuit, hors champ, il est inutile et inaudible. Il craint dieu, il ne fait pas partie des modernistes, c’est un conservateur, un traditionnaliste, un « djaha » par rapport au corrompu un « gafez », il ne connaît pas ses intérêts. L’argent n’a pas  sur lui une influence outre mesure. Il échappe à  son emprise. Il  fait de la résistance. Mais pour combien de temps ? Tôt ou tard, il tombera dans le piège qui lui sera tendu jugent ses détracteurs. 

Les hommes propres et honnêtes resteront dans leurs coins, ils n’évolueront pas. Personne ne veut d’eux. Ils sont des pestiférés, ils constituent le grain de sable qui empêchent la machine de tourner, les gens leurs tournent le dos, ils préfèrent avoir affaire à des corrompus, et bénéficier de passe-droit et des privilèges. Et c’est ce qui est recherché dans un Etat de non droit par les familles, les clans, les réseaux. 

Celui qui a du pouvoir a tendance à en abuser. Il concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Il est immunisé, hors d’atteinte, donc irresponsable. Sans contrôle, tout pouvoir rend fou. Seul le pouvoir arrête le pouvoir. Que vaut la plume d’un juge contre la clé d’un coffre. Nous vivons en pleine confusion des valeurs. La lutte de libération nationale et la guerre civile ont laissé des traces indélébiles dans les esprits et dans les cœurs. Le spectre de la guerre civile est toujours présent. De nombreux maquisards ont été trahis par leurs frères et vendus à la France. De là est né le sentiment de suspicion. Chacun se méfie de l’autre.

L’Algérien perçoit son prochain comme un ennemi. La peur consume la société. L’estime de soi et le respect de l’autre sont devenues des denrées rares même au sein des familles les plus traditionnelles polluées par une pseudo-modernité où l’individu s’affirme par sa fortune et non par sa personnalité, par des apparences et non par des contenus, Le  « Tous pourris » est une attitude commode pour se justifier réciproquement les uns auprès des autres. 

Qui accroît son avoir appauvrit son être, un être que l’islam a mis sur un piédestal, et que l’Etat providence a réduit à un tube digestif »,  explosif (la violence aveugle), puant (la corruption généralisée).  « Le sujet devient objet ». « J’ai donc je suis ». 

Tout a un prix, y compris les consciences. Les valeurs morales se perdent, la famille se déchire, l’amour de soi entraîne la haine de l’autre et donc la perte de soi en entraînant celle de l’autre. Nous avons été forgés par le regard de l’autre qui nous renvoie l’image de nous-mêmes. c’est-à-dire des êtres insignifiants.. On ne réfléchit plus avec sa tête mais avec son ventre. Nous sommes subjugués par tout ce qui nous vient d’outre-mer et nous rejetons le peu qui nous vient de notre terroir. Le travail n’a plus de valeur en soi. Seule la « débrouillardise » au sens délictuel qui compte. Le superflu est devenu un produit de première nécessité. Le regard des autres sur nous est plus important que le regard de soi sur soi. Les rapports sociaux sont pervertis. L’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif. Les liens avec autrui sont devenus du « jetable ». 

A l’image du « gobelet », une fois consommé le contenu, nous le jetons à la poubelle ou plutôt n’importe où pourvu qu’on s’en débarrasse (une fois le service rendu, on vous oublie, vous n’existez plus). Le maximum de confort et de luxe, le maximum de consommation ne signifie pas nécessairement l’expérience de la vie. 

Le but est de se fixer un standard vital. Quand on aura atteint une telle norme, le succès de la vie ne sera pas jugé d’après les tas de détritus qu’on aura laissés après notre mort mais des biens immatériels et non consommables dont on aura appris à jouir et par l’épanouissement personnel de chacun. A ce moment-là, la distinction entre les individus résidera dans la personnalité à qui elles appartiennent et non pas dans la grandeur de la maison où l’on vit, le prix des vêtements qu’on achète ou la voiture de luxe qu’on conduit. De beaux corps, des esprits sains, une vie pleine, une pensée élevée, des perceptions justes telles sont les buts qu’il convient de se fixer pour vivre dans la foi et la bonne humeur. 

Il est vrai que dans les pays occidentaux, la croissance des biens matériels sera d’autant plus rapide que les hommes seront plus conformes au type idéal du sujet économique, sujet animé par la volonté de produire toujours plus, de gagner de plus en plus, et de rationaliser de mieux en mieux. 

Une économie croîtra d’autant plus qu’elle sera plus rationnelle et animée d’un dynamisme fort. C’est un fait établi en Algérie. Après cinq décennies de gestion autoritaire et centralisée, les dirigeants ressentent la nécessité de tirer la population de sa passivité mais la question est de trouver un équilibre entre la nécessité  sociale de procurer à chacun des moyens d’existence décents (emplois productifs) et l’exigence économique d’incitation à accepter les emplois disponibles (emplois improductifs). « Un peuple intelligent est difficile à gouverner parce qu’il est trop exigeant ».

Dr A. Boumezrag

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