L’idéologie du développement, la construction de l’Etat et le décollage économique ont eu comme conséquence la démobilisation de la société et son indifférence vis-à-vis des problèmes du pays.
Tout un comportement social à l’égard de la consommation, de l’emploi, et du monde des affaires a été façonné par la rente énergétique. Elle a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande autocomplaisance en matière de politique économique et sociale. Elle a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion.
Elle a donné naissance à une classe de privilégiés assoiffés de richesses matérielles surtout d’origine étrangère. Les variations constitutionnelles, la confection des lois et les pratiques institutionnelles ne sont tendues en réalité que vers la consolidation et la mainmise de la petite bourgeoisie sur l’Etat, les sources d’accumulation, et les prébendes distribuées par le capital international.
L’Etat devient une réalité incontournable pour survivre ou s’enrichir. Les solutions technocratiques fondent l’exclusion de larges segments sociaux de l’Etat et du processus de développement. L’histoire postcoloniale démontre en effet que l’Etat dans son extension a réussi à dominer la société et non à la servir.
De plus, la stratégie conçue et mise en œuvre par l’Etat s’intègre parfaitement dans la ligne de valorisation du capital des multinationales et ne pouvait se poursuivre que par un endettement externe important gagé sur l’existence réelle ou supposée des ressources potentielles en hydrocarbures. A l’intérieur, ce modèle ne cesse d’accentuer les antagonismes sociaux et de faire baisser le pouvoir d’achat de la majorité de la population.
L’Etat, en tant que structure institutionnelle, est discrédité, politiquement et économiquement. Le pays qui serait capable de relever le défi de ce début du troisième millénaire est celui qui comprend la nature historique que traverse le monde actuel. Il est donc nécessaire d’avoir à la tête de ce pays, des hommes qui saisissent la réalité historique.
La présence massive des universitaires dans le gouvernement, à la Présidence, et dans les partis politiques, sont des indices de l’enjeu que constituent aujourd’hui les universités, la recherche et la création dans la mise en ordre politique, économique et culturel.
Un danger, cependant, est à craindre, c’est de voir les enseignants et les chercheurs s’orienter vers des stratégies individuelles d’ascension sociale et d’accumulation financière au service de la bureaucratie d’Etat.
Dr A. Boumezrag