« La charrue en traçant le premier sillon a creusé les fondations de la société. Ce n’est pas seulement du blé qui sort de la terre labourée, c’est une civilisation toute entière » Alphonse De Lamartine
L’Algérie, un pays conquis par les armes, libéré par les armes, dirigé par les armes. C’est « la sacralisation des armes ». L’accession à l’indépendance a été le résultat d’une lutte armée.. Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne colonisée puis décolonisée, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation.
L’ordre colonial français était une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative des richesses du sol et du sous-sol algériens par « les textes et le fusil». Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la prétendue mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ».
L’Algérie post-coloniale est un désert où on récolte du « blé » sans semer de grains. La rente pétrolière et gazière rend pratiquement inutile la production agricole et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif non négligeable vis-à-vis de l’urgence du développement agricole.
L’ajustement du niveau de consommation aux ressources alimentaires a entraîné un processus d’importation de biens alimentaires de plus en plus chers sur le marché mondial. L’insuffisance de l’offre agricole locale est due essentiellement à la médiocrité des rendements qui n’enregistrent aucun progrès appréciable.
Les superficies consacrées à la céréaliculture n’ont connu aucune augmentation sensible ont au contraire régressé par rapport à la période coloniale. Le facteur explicatif est l’eau car disent les experts au-dessous de 400 mm de pluie la céréaliculture est impraticable et les rendements dérisoires.
Le défi majeur à relever est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos. Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir.
L’Algérie vit de la rente, au rythme du marché pétrolier et gazier. Lorsque le cours du brut grimpe, c’est la fête, la grande zerda ; le régime festive, l’armée s’équipe, la société s’endort, le monde accourt, les frontières poreuses, dès que le prix baisse, c’est la guerre, la grande «fitna » : le régime déprime, l’Etat se fissure, le peuple se réveille, les étrangers s’en vont, .le pays infréquentable. C’est la panique, le sauve qui peut, la fin approche.
L’histoire est pleine de surprises. Hier envahisseurs, aujourd’hui envahis, les pays dits « d’accueil » ont essayé toutes les politiques que ce soit de cohabitation, d’assimilation ou d’intégration, aucune n’a réussie.
Alors, ils se retournent vers les Etats post-coloniaux pour leur ordonner de constituer une « ceinture de sécurité » de l’Europe menacée par un flux migratoire incontrôlé. Une émigration encouragée par une répression aveugle des autorités et l’absence de perspectives pour une jeunesse désœuvrée.
Le mouvement migratoire des peuples est un phénomène marquant de ce XXIème siècle. C’est une revanche de l’histoire des africains dépouillés injustement de leurs richesses naturelles par l’occident triomphant en perte de vitesse vivant de son passé « glorieux », d’un présent tumultueux et pour un avenir incertain. La fin du pétrole va creuser la faim dans le monde.
La famine sera le critère biologique déterminant de sélection des peuples à la survie. C’est dire toute la responsabilité du choix des hommes devant conduire le destin de la nation. Que l’argent du sud retourne au sud, le nord en a fait un très mauvais usage.
Une fois les gisements pétroliers et gaziers épuisés et l’indépendance du pays compromise, le Sahara sera-t-il le futur grenier de l’Europe ? ou sera-t-il de nouveau sacrifié pour produire des hydrocarbures non conventionnelles après avoir servi de terrain d’expérimentation de la bombe atomique française, des armes chimiques et avoir arrosé l’économie européenne d’un pétrole abondant et à bon marché et ainsi avoir assuré la survie artificielle d’une civilisation matérialiste occidentale en déclin ?
L’agriculture saharienne, de surcroît une agriculture « bio à bas prix », n’est pourtant pas une utopie avec une lumière abondante, de grandes surfaces à perte de vue, une énergie solaire à profusion, des ressources en eaux souterraines accessibles captées, transportées, traitées, exploitées rationnellement comme dans le passé ancestral ou mieux encore, une main d’œuvre qui ne demande qu’à être employée, les techniques de production modernes existantes, un financement à portée de main.
Des oasis verdoyantes fleuriront. Les populations se déplaceront, les algériens se remettront au travail, des îlots de vie apparaîtront, l’espoir renaîtra. Une ceinture verte de sécurité alimentaire des peuples de la région se formera ; elle sera plus profitable et moins coûteuse que toutes les armées sophistiquées réunies du monde mobilisées pour la protection des puits pétroliers et gaziers, vitaux pour le pays et d’un intérêt indéniable pour l’occident.
L’Europe y trouvera certainement son compte et apportera sans aucun doute son savoir-faire pour ne pas courir le risque d’être envahie par les peuplades venant du Sud dans des embarcations de fortune traversant une méditerranée devenue au fil des ans le cimetière des africains.
« L’Algérie est capable d’accompagner les Etats du Sahel dans l’agriculture et la sécurité alimentaire » a déclaré le Directeur Général de la FAO à la réunion des ministres de l’agriculture des pays membres du Centre international des hautes études agronomiques du bassin méditerranéen (Ciheam). La colonisation est un crime contre l’humanité, la décolonisation la continuité de la politique par d’autres moyens, le développement une affaire de peuples, les peuples n’existent que pour se connaître et s’entraider. Les Etats bâtissent des murs, les peuples construisent des ponts.
« De leurs épées, ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes. Une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre et on n’apprendra plus la guerre »
Dr A. Boumezrag