23 février 2025
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Abane Ramdane, une conscience algérienne

L’œuvre politique dAbane Ramdane nous renseigne sur une intime conviction: son apport intellectuel dans l’insurrection nationale, l’aspiration qu’il portait pour l’Algérie et la détermination inexorable que fut la sienne pour mettre fin à l’impérialisme français.

La lutte anticoloniale dans son esprit est un engagement conséquent pour déboulonner le colonialisme prédateur et débloquer ainsi le développement du pays dans les domaines politique, économique, social, culturel, idéologique et géopolitique.

De cette puissante certitude tout va procéder: elle déterminera les objectifs, ordonnera les efforts et provoquera les actions, sur tous les terrains et en toutes circonstances on pourra se référer à elle.

Ainsi, sa volonté d’engagement, très vite, le mettait aux prises avec les grands événements du Mouvement national d’avant-garde et la révolution de Novembre. Il choisissait avant tout, l’action politique, la réflexion intellectuelle et le développement d’une conception savante de la guerre : il y trempera son cœur et son esprit.  

Au cours de la crise du PPA-MTLD de 1949, il avait sacrifié les problèmes démocratiques, culturels et identitaires soulevés sur l’autel de l’unité, indispensable au parti à la réalisation des tâches nationales du mouvement et la préparation de la révolution. Il avait combattu farouchement les coutumes héritées de la féodalité qui continuaient de régler les rapports sociaux-politiques de l’Algérie. Il avait mis, enfin, toutes ses forces pour rehausser la conscience algérienne, en dépassant particulièrement la revendication ethnique ou confessionnelle, dans la conjoncture socio-historique propre à l’évolution et aux structures dominantes de notre société qui peinaient à se dégager des pesanteurs communautaires, de l’omnipotence du régionalisme et de la domination du féodalisme.    

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Par ailleurs, à l’insurrection de Novembre, il avait posé au premier chef un ensemble de problèmes primordiaux ayant entre eux une cohérence stratégique. Les plus importants d’entre eux étaient ceux d’une clarification de la voie révolutionnaire et l’orientation idéologique, en œuvrant inlassablement à la centralisation des forces politiques sous l’autorité exclusive du FLN-ALN. Et enfin, à la Soummam, il s’était attelé à l’élaboration d’un vaste corpus politico-idéologique au service de la révolution populaire et l’ambition algérienne.

Abane Ramdane avait donné une solide assise intellectuelle aux disciplines politiques et militaires: l’une des évolutions majeures du second âge de la révolution fut en effet, le déploiement d’une orchestration érudite de la guerre. Une vision qui marquera à jamais le fonctionnement de la révolution sur les plans politique, militaire, social et diplomatique.     

En effet, depuis son engagement militant dans le Mouvement national indépendantiste, Abane Ramdane, gagné par les idéaux de liberté, de modernité et de justice sociale, ne cessait d’œuvrer pour la destruction du colonialisme et l’instauration de l’Etat-nation moderne. Toutes ses prises de position constituaient le fil conducteur de cette grande œuvre: l’indépendance nationale.    

Il avait la vision prématurée que la libération algérienne est une œuvre de patience et un combat de longue haleine, qu’il convenait de subordonner avant tout, à l’engagement politique, l’effort intellectuel, la radicalité, l’esprit de sacrifice, la clarté, le rassemblement, et enfin l’enrôlement inconditionnel des enfants de l’Algérie.

Il avait été conscient que le processus de la maturation nationale devait s’inscrire sur le temps long ; le devenir de l’Algérie indépendante se tenait à une nécessaire et irréversible projection dans l’avenir d’une révolution qu’il fallait aider à s’investir sans cesse et à enfanter jusqu’au bout de son accomplissement avec son esprit universel. 

Fort de cette vue, il s’était employé longuement à ces grands impératifs. Dans tout cela, Abane avait joué un rôle éminent, qui de notre point de vue avait été crucial dans le champ de la réalisation révolutionnaire lié à des enjeux concrets très élevés. Dans tous les domaines où il avait été pour l’essentiel aux prises avec son époque, il aura laissé une marque profonde. En somme, il était devenu un acteur politique de premier plan et la cheville ouvrière de la révolution nationale.   

Pour le plus grand nombre de cadres révolutionnaires, Abane Ramdane avait été apparu comme l’homme de décision et d’action. Ceux qui ont eu le privilège de s’entretenir avec lui n’ont pas manqué d’être frappé par la façon dont il s’employait, sur ses idées et ses projets à faire triompher l’insurrection.

Nombre de militants éminents ont été surpris d’avoir été ainsi tirés d’eux-mêmes, et contraints de s’exprimer sur des sujets fort éloignés de leurs préoccupations. Il avait su dominer, et de très haut, l’aspect étroit de la réflexion révolutionnaire de son temps pour situer au niveau du militant, le rôle privilégié qu’il attribuait à sa patrie.  

Abane Ramdane était conscient que le FLN n’est ni une simple continuité des partis politiques algériens traditionnels ni leur opposé absolu. Le FLN dans son esprit est tout à la fois, en continuité et en rupture avec la représentation nationale. Il avait intégré ce qu’il y a d’essentiellement positif dans les formes anciennes et acquis des luttes populaires et des partis tout en ouvrant la voie à une forme supérieure de lutte qui reflétait de façon plus adéquate les besoins réels de la conscience sociale et révolutionnaire du peuple algérien.  

L’enfant des Ath Irathen était lucide du grand besoin qu’avait l’insurrection durant les premières années de la guerre, en cette phase critique de mobiliser le potentiel politique de la nation dans toute sa diversité. Ce fut en effet, dans l’esprit du rassemblement qu’il avait conçu et préparé le congrès de la Soummam. Il avait pensé le mode politico-militaire du FLN, son organisation, son fonctionnement et avait fait asseoir sa légitimité révolutionnaire. Il avait mis l’accent sur le rôle principal des acteurs révolutionnaires qui fut d’instiller dans toute l’Algérie les dynamiques insurrectionnelles qui, par effet de propagation, se répandront sur l’ensemble du territoire et révoqueront un soulèvement national sous l’hégémonie du FLN-ALN.

En assumant la conduite suprême des forces révolutionnaires, Abane avait déployé une activité inlassable et avait effectué de nombreux contacts avec la classe politique. Il avait murit et réfléchit la stratégie révolutionnaire. Aucun des engagements qui eurent tant de conséquences ne fut, en effet, le fruit d’une improvisation ; chacun au contraire se révélait comme l’aboutissement d’une profonde analyse et l’application aux faits politiques d’une longue réflexion. Cette analyse suivait une méthode révolutionnaire, dont Abane avait défini la nature et qui éclairait bien des cheminements.  

L’hymne national , la fondation des syndicats de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), l’Union générale des commerçants algérien (UGCA), l’école nationale de l’audiovisuel et du cinéma révolutionnaire, et les appels aux étudiants Algériens, européens et juifs d’Algérie, la structuration de la fédération du FLN en France et enfin, le rassemblement des forces politiques qui constituent autant d’actions exceptionnelles et l’on comprend que le talent prodigieux dont il avait fait preuve pour changer le cours des événements révolutionnaire s’était imposé comme le trait dominant de cette personnalité hors mesure. C’est bien sur, son acte extraordinaire de la Soummam qui avait donné, d’un coup, la mesure de son intelligence, son endurance et son caractère.

Il est bon de rappeler ces faits, et d’autres, si vite oubliés par la conscience nationale comme l’ont été les acquis obtenus opiniâtrement par l’engagement inconditionnel et les sacrifices inouïes des pionniers d’un patriotisme de Libération politique et d’émancipation sociale. Ces précurseurs, dans la longue marche qui s’ouvrait pour la lutte historique du peuple Algérien longtemps humilié, spolié de ses biens et privé de sa souveraineté; se nomment Hadj Ali Abdelkader, Si Djilali Mohamed, Imache Amar, Djeffel Mohamed, Radjef Belkacem, Moussaoui Rabah, Yahiaoui Ahmed, Mahmoud Latreche et tants d’autres figures emblématiques intègres et fondamentalement patriotes avec leur esprit militant désintéressé.     

Conscients de la tragédie vécue par le peuple Algérien et de son avenir incertain face à l’impérialisme français, et partants pratiquement de zéro et plongés dans des difficultés inextricables, ils ont fait preuve d’une maitrise surhumaine dans l’organisation politique. Ils ont le mérite de faire émerger une existence nationale concrète par l’appartenance au sentiment algérien. 

En tout cas, la révolution dans la conception de Abane, n’est ni une action politique temporaire, ni une opposition à l’ordre colonial. C’est un processus ininterrompu qui tire ses racines de l’histoire longue de la résistance nationale, avec ses évolutions mais aussi ses régressions.

Les voies révolutionnaires ne s’ouvrent qu’à ceux qui font preuve de combativité, de détermination, et enfin et surtout d’élévation politique. Car la révolution, dans sa pensée, c’est l’expression de toute une société maintenue en éveil et l’énonciation d’une volonté collective de combattre le colonialisme et l’ordre établi. La détermination de changer les choses, d’innover et de se rénover pour être soi.

Abane était clairvoyant qu’une fois la révolution déclenchée, incontestablement, il faudrait une refondation nationale: reconcevoir en termes neufs et imaginatifs la société algérienne et la culture nationale pour inverser les rapports de force, et faire disparaitre les vieilles orthodoxies et injustices enracinées dans les structures socio-économiques et para-administratives érigées par l’ordre colonial. Encadrer et structurer la révolution, ajuster les bouleversements et les nouvelles configurations politiques et sociologiques. C’était les points centraux autour duquel il était nécessaire et possible de construire en priorité l’unité de la révolution.  

Il acquiert une notoriété considérable et fut placé au centre de la réflexion révolutionnaire. S’imposant par sa compétence intellectuelle, son aura et son autorité, et dans une profonde analyse politique sur le double plan national et international, Abane a toujours maintenu un regard critique sur la résistance algérienne à la colonisation française. Il ne pouvait pas admettre une chose sans l’avoir soumise à l’examen critique de la pensée. On le voit, pour lui, le constat s’imposait comme une vérité d’expérience, et la seule justification du pouvoir résidait dans la réussite de la révolution nationale.

Certains acteurs des plus en vue du FLN-ALN de la lutte armée, étaient plus répressifs à l’examen critique révolutionnaire. En tout cas, que ce soit dans le mouvement national, que ce soit au PPA-MTLD, que ce soit plus tard au FLN, l’anti-intellectualisme a toujours été de rigueur. En 1949, Messali recevait une délégation des contestataires démocratiques, composée de Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Saïd Ali Yahia- à ne pas confondre avec Rachid Ali Yahia. Ils insistaient en particulier sur l’importance de déployer des efforts d’éducation politique, la nécessité de doter le parti d’une plate-forme doctrinale et enfin l’utilité de son intervention pour calmer les campagnes de calomnies et de dénigrements mal ressenties par les militants du District de Kabylie accusés à tord de «séparatisme» kabyle. À quoi le Zaim, leur répondra : «vous savez, il faut souvent se méfier de l’intelligence ! »                                                                                                                         

Il existait, néanmoins, au sein du tandem Abane-Ben M’hidi, un consensus et un contrat intellectuel cohérant, doté d’une puissante vitalité critique qui rejetait le séduisant triomphalisme des slogans creux et lui préféraient la réalité révolutionnaire plus vaste et plus complexe.   

En effet, en devenant l’instrument privilégié pour penser la révolution, la réflexion intellectuelle contribue inévitablement à la métamorphose révolutionnaire. Cette pensée n’est pas simplement une méthode, elle est avant tout dans sa conception, un impératif politique qui permet une clarification et un enracinement de l’idée révolutionnaire dans l’esprit du peuple algérien.

La dynamique de l’approfondissement révolutionnaire s’affirme en effet, dans son optique, du désir de s’affranchir du communautarisme, du féodalisme, du Messalisme, du régionalisme, du tribalisme, du clanisme, de l’islamisme, et enfin, du caporalisme.    

La révolution pour le natif de Azouza, tant dans ses structures que dans ses représentations, c’est la quête d’un ordre politique moderne dans lequel les individus de communautés familiales et régionales différentes se sentent liés les uns les autres dans une sociabilité dépassant l’horizon du communautarisme.

L’engagement d’une «véritable égalité entre tous les citoyens d’une même patrie, sans discrimination». On comprend dès lors que l’élévation de sa pensée pragmatique est contemporaine de l’élargissement progressif de l’espace civique pour créer les conditions de l’émergence de la citoyenneté.

 Abane se livrait à une lecture raisonnée de la vie politique. Conscient des limites du corps politico-social algérien: l’évolution de la société nationale était entravée par les structures archaïques et retardées à dessein dans leurs évolutions par le repli communautaire, l’esprit du clan et la mentalité de la tribu. Il avait réfléchit aux conditions de constitution d’une nouvelle éthique politique et considérait les fondations de la congrégation nationale avec plus de réalisme, en accordant une primauté à l’intelligence, la compétence et l’organisation. Il avait entrepris des efforts à parfaire la formation des militants et apprendre à analyser les conjonctures depuis la base jusqu’à le sommet.  

Cette vision entendait donc contribuer, autant que faire se peut, à perfectionner la révolution, en la saisissant à travers le prisme intellectuel, et en rupture totale avec les schémas de la pensée traditionnelle héritée du Mouvement national. La meilleure posture révolutionnaire réside, d’après lui, dans son model idéal qu’il conviendrait d’appliquer à l’ensemble du peuple Algérien et de déterminer les règles qui lui conviennent le mieux pour réaliser le bonheur de tous. En effet, dans son esprit, la véritable révolution est celle qui créée les conditions historiques d’une dynamique nationale irréversible pour abattre définitivement les ennemis mortels de la modernité généralisée, efficiente et durable. Celle qui permet aux institutions de s’affranchir des contradictions politico-sociales, s’adapter et durer ; car c’est seulement dans un environnement stable et résolument tourné vers l’universalité que les hommes peuvent faire preuve de vertu éthique et politique.  

La tête pensante de l’instauration de l’ordre Jacobin avait mis en exergue l’intérêt supérieur de la révolution algérienne. Il fut fondé sur l’exigence de l’étape historique et le pragmatisme politique qui consistaient à fédérer d’abord, les forces politiques et imposer ensuite, l’hégémonie révolutionnaire sous l’autorité du FLN-ALN. Ainsi, dans son esprit, l’existence de concurrents politico-militaires introduisait une division dans les rangs de la révolution et la multiplication de centres de décision entraineraient d’une manière générale l’hétérogénéité croissante de la révolution et, partant, l’effondrement de la dynamique de Novembre. Un tel dépérissement révolutionnaire et sociétal justifiait pour Abane la centralisation des forces acquises à l’insurrection nationale.  

Il avait argumenté la concentration totale des pouvoirs et la mise en place d’une politique de fermeté à l’égard des éléments qui freinaient l’hégémonie de la révolution. La construction de l’unité politico-militaire autour du FLN-ALN impliquait de dissoudre les autres partis, et supposait notamment d’éliminer, dans l’ordre politique, le pouvoir qu’exerçaient les forces contre-révolutionnaires. Cette volonté de faire disparaitre tous les rapports de nuisance à l’insurrection conduisait Abane à exposer des solutions radicales et y compris le recours à la violence. Elle était censée mettre fin le plus rapidement possible aux résistances des forces réactionnaires.

Dans un tel contexte, la conduite de l’action révolutionnaire et l’exigence de sa réussite devaient prévaloir, avant tout, sur toutes les considérations personnelles et particulièrement contre ses ennemis mortels: les forces réactionnaires. Ainsi s’explique la liquidation des membres du Mouvement national algérien (MNA), préconisé par Abane en personne: «tout messaliste conscient devra être fusillé sans jugement». S’agissant en effet, des contre-révolutionnaires, les conditions de justice n’y sont plus garanties au nom du salut national et de l’intérêt suprême de la révolution conduite par le FLN.  

En définitive, dans la conception révolutionnaire de Abane, le recours à la violence, quelles que soient les circonstances qui l’ont permis visait avant tout, un large soutien dans toutes les couches de la société nationale à la révolution, et la nécessité d’instaurer une grande discipline collective. Elle était justifiée au nom des exigences supérieures de la révolution nationale. La guerre ayant été lancée par la minorité de l’Organisation paramilitaire sans base arrière, obtenir le soutien de la population et imposer l’hégémonie du FLN-ALN était une question de survie pour l’insurrection nationale.

Messali  qui avait refusé la lutte armée en 1954, ne s’y résolut pas et surtout vexé que la guerre fût déclenchée en dehors de lui ; il s’était opposé ouvertement et violement au FLN-ALN. Ce faisant, il l’avait fait dans le droit de la représentation qu’il avait donnée de l’algérie depuis qu’il fut intronisé au rang de chef du Parti du peuple algérien (PPA) en 1937, à l’issue de l’éviction de son rival direct, Imache Amar.

Elle s’était confirmée par ailleurs, par ses pratiques despotiques dans le MTLD des années 1940: il ne tolérait aucune inobservation à son esprit de domination. Dans son optique politique, aucun cadre militant ne pouvait s’émanciper de son influence, et par conséquent, toute initiative politique quelque que soit sa nature et son importance, ne devait être entreprise sans son aval et son autorité. Messali non seulement n’était pas vacciné contre l’hégémonisme, pis, il était très enclin à l’esprit de zaïmisme!  

Abane Ramdane fut en effet, le principal artisan de l’élimination politique de Messali. Avec une grande rigueur intellectuelle, il fut le précurseur à déconstruire le courant messaliste d’après 1954, à mettre à nu ses errances et ses dérives, à dévoiler ses desseins et enfin, à alerter sur le danger qu’il représente pour la révolution algérienne.

Son analyse fut, dés 1956, partagée par l’ensemble des dirigeants de l’intérieur, tous engagés qu’ils étaient dans une bataille sans merci pour imposer le FLN comme l’unique interlocuteur légitime dans une éventuelle négociation avec la France. Les guerriers de l’ALN avaient livré un combat héroïque et sans relâche contre le bras armé du MNA: l’Armée nationale du peuple algérien (ANPA), l’allié indéfectible de l’armée française.      

Ce n’est pas pour rien qu’une haine virulente contre Abane Ramdane, demeure la persistance la plus forte dans l’évolution politique chez les Messalistes. Ils s’appliquent à souiller sa mémoire en l’accusant arbitrairement de despote et honteusement d’inspirateur du parti unique. Ces invétérés du Zaim est-il besoin de le rappeler dans cette tribune, n’ont jamais été démessalisés et leur vision sur Abane ne cesse de s’opérer sur un fond psychologiquement trouble de revanchisme, de ressentiment et ont conçu une misérable jalousie à son égard.  

Il convient en effet, d’analyser cette inimitée maintenue à soixante sept ans de son assassinat qui représente un des phénomènes des plus complexes de la posture psychologique adoptée par les inconditionnels de Messali. Espérons que le jour prochain, les spécialistes de la psychiatrie politique arriveront à déterminer les effets déroutants et dévastateurs de cette haine et de cette culpabilité morale ou frustration politique du messalisme se transformant étonnamment et paradoxalement en une nécessité absolue d’exclusion de Abane des anales de l’Histoire de l’Algérie combattante: un révolutionnaire intrépide, dont son œuvre est d’une prodigieuse richesse, et qui a touché les domaines de la connaissance politique, militaire, sociale et géopolitique.

L’exclusivité politique absolue que la plateforme programmatique revendiquait pour le FLN à l’égard de l’ensemble des forces susceptibles de rallier son combat, et la vision politique monopoliste exprimée par Abane dès 1955 se souscrivaient  avant tout, à la stratégie de la centralisation dans les rangs des forces révolutionnaires. Pour combattre l’hégémonie coloniale, il fallait impérativement obéir à la nécessité pratique et incontournable de l’unité d’action. L’un des objectifs de la Soummam était donc bien d’instituer un strict monopole politique, tant dans toute négociation sur la question algérienne qu’au sein du futur État indépendant.

L’œuvre de la Soummam et par extension la pensée politique de Abane ne posaient pas pour l’avenir de l’Algérie le principe de l’instauration du parti unique. Ce dernier fut introduit par le Programme de Tripoli et fut adopté à l’unanimité du CNRA en mai 1962. Le FLN sera consacré dès la constitution algérienne du 10 septembre 1963 le «parti unique d’avant-garde» qui «définit la politique de la Nation et inspire l’action de l’État».

Contrairement à la propagande des nostalgiques de Messali, ce fut l’assassinat de Abane d’une part, les conditions de prévalence de l’appareil militaire sur le politique d’autre part, le manque de vision d’ensemble, et enfin, l’éclatement du commandement politique à l’été 1962, qui avait facilité l’instauration du FLN en parti unique jusqu’à l’ouverture frelatée de octobre 1988.  

En définitive, à l’indépendance, l’armée des frontières fut la seule véritable force homogène, cohérente, structurée et disciplinée qui était équipée d’un matériel militaire moderne avec un effectif de trente deux milles hommes. S’appuyant sur Ben Bella et profitant de conditions politiques qui lui ont été favorables, elle s’était emparée du pouvoir dans des conditions chaotiques et de risque majeur de guerre civile.   

Aux élucubrations des affidés de Messali, s’ajoute en effet les attaques infamantes et les campagnes de dénigrements de la Badissia-novembria. Elle traite Abane de «délateur» à son propre pays. Ce courant idéologique, à contre-sens de l’histoire nationale et à contre-temps du progrès humain se revendique en effet, de la lignée de l’association des Oulémas. Il s’agit, dans la réalité d’une composante hétéroclite qui s’est constituée autour de revanchards, de haineux, d’islamistes sectaires et de révisionnistes inféodés à certaines doctrines intégristes, fondamentalistes et réactionnaires, provenant de pays de l’Orient et la Turquie. Ils agissent sous la tutelle de la nébuleuse internationale des frères musulmans.

Ces révisionnistes et fossoyeurs de l’histoire de l’Algérie prétendent même que la révolution  nationale fut une guerre sainte proclamée contre les chrétiens de l’Occident et qui fut pilotée par les oulémas. Ses membres se distinguent particulièrement par leur ignorance dans le domaine historique et par une très grave dépolitisation. Ils se méprennent totalement sur la nature exacte de l’action politique et la vision stratégique de Abane qui s’était engagé dans une lutte implacable contre le colonialisme dans laquelle, il avait agit et innové sur tous les fronts.

Il faut reconnaitre que contrairement à cette secte issue de l’intégrisme islamique qui est en contradiction avec le passé et le projet de société de notre pays , les oulémas historiques, cette association éminemment algérienne nourrie des réalités nationale et libre de toute influence extérieure avait déployée et mis en valeur le volet capital de l’émergence patriotique, et ne fit rien pour exploiter le sentiment religieux. En ces heures décisives dignes du grand destin libérateur de notre pays, les oulémas se sont engagés dans une lutte courageuse et constructive pour prendre part aux cotés du FLN, du peuple Algérien et aux niveaux des élites militantes à ce mouvement révolutionnaire et irréversible pour libérer la terre de nos ancêtres.  

Les plus conscients, parmi eux, patriotes et intellectuels à l’image de Larbi Tebessi, Tawfiq El Madani, M’barek El Mili et Ahmed Redha Houhou pensaient, à juste titre, que le triomphe d’un combat qui allait être très long et très dur et requérait d’avance le choix du terrain commun d’une patrie dans laquelle ne devrait interférer aucune surenchère confessionnelle.

 L’association des oulémas, dans une vision de large union nationale et animée par l’amour de la patrie, n’avait et n’a rien de commun avec la Badissia-Novembria: ces falsificateurs asservis aux intérêts étroits du fondamentalisme intégriste et totalitaire avec ses mots d’ordre diviseurs, démobilisateurs et antidémocratiques.

Antirévolutionnaire, antinationale et révisionniste est cette jonction politique entre les nostalgiques de Messali et la Badissia-Novembria. Il est vrai que le négationnisme est une constante chez les forces réactionnaires partout ailleurs dans le monde.   

Ses pensées fondamentalement hostiles au contrôle communautaire sur les consciences révolutionnaires et ses efforts incessants pour combattre la militarisation de la direction du FLN et l’emprise des trois B trouvaient ses limites d’abord, dans les pratiques hégémonistes qui avaient imprégné le mouvement national d’avant-garde au cours des années quarante, ensuite, dans l’influence grandissante du clanisme, du régionalisme et du sectarisme, et enfin dans les règles et traditions héritées de la féodalité qui continuaient à travailler en faveur du maintien des normes sociales conservatrices et archaïques.

 À cela s’ajoute naturellement et incontestablement, le volet politique qui fut le ferment de ces divergences, dans lequel les postures personnelles jouaient un grand rôle dans l’exacerbation du contentieux, et enfin, la double immixtion de Nasser et Bourguiba dans les affaires interne de la révolution algérienne. La conjonction de ses éléments endogènes et exogènes, dans les conditions qui ont été défavorables à Aban Ramdane, lui ont valu bien des anathèmes, des menaces et la marginalisation politique avant d’être éliminé physiquement.

La période qui avait précédait son assassinat était faite de changements et d’évolutions. En effet, des tensions de plus en plus palpables opposaient Abane, le politique aux militaires. Les lignes de fractures présentaient une certaine complexité. D’un coté, Abane, porteur de la vision du renouvellement intellectuel dont la diffusion de ses idées prenait appui sur fond d’importantes transformations politiques, et de l’autre, les militaires qui étaient résolus à lui faire barrage et à s’émanciper de son influence grandissante, en s’appuyant particulièrement sur le clanisme, le régionalisme et le communautarisme: les serviteurs efficace des intérêts des militaires. En somme, dans le domaine de la pensée politique, les pesanteurs sociales archaïques, conservatrices et retardataires, contribuent à la redéfinition du pouvoir dans une perspective plus autoritaire.

De la prison de Santé, où était détenu aux côtés des membres de la délégation extérieure, Ben Bella dans une lettre adressée en 1958 à cinq colonels de l’ALN- Krim, Bentobal, Boussouf, Mahmoud Cherif et Ouamrane – s’était félicité de l’assassinat d’Abane Ramdane, le qualifiant d’«épuration».

Le summum du cynisme, il avait encouragé les commanditaires de ce forfait abject à continuer dans cette voie d’«assainissement ». Il faisait allusion sans doute, aux centralistes, aux communistes et à l’ensemble des ralliés au FLN. Ben Bella, farouche opposant des textes doctrinaux de la soummam avait approuvé sans état d’âme le premier coup d’État militaire qui avait frappé la révolution nationale à sa tête.

L’étude attentive du cheminement politique de Abane permet de montrer la cohérence de son édifice doctrinal dans ses multiples dimensions: politique, militaire, sociale et géopolitique. Il avait conforté, au maximum une révolution naissante et souveraine en lui attribuant particulièrement les outils majeurs et moyens indispensables à son développement par la réflexion.

Il est impossible de ne pas s’émerveiller devant ses efforts intellectuels et sa détermination implacable pour défendre et chercher d’une manière ou d’une autre à prolonger la révolution dans le projet national moderne, et asseoir singulièrement sa représentativité et la légitimité de sa revendication d’indépendance au plan international.

Tout son engagement fut un effort permanant pour surmonter les limites invétérées des constructions théoriques par un acte de volonté politique de les retourner contre le colonialisme destructeur, les archaïsmes stérilisants, les pesanteurs sociales retardataires et enfin, la caporalisation des instances dirigeantes du FLN. Par son patriotisme, son génie politique et son esprit de sacrifice, Abane Ramdane a fait honneur à ses ancêtres, sa famille, sa région et son pays : l’Algérie.

Il avait joué un rôle émérite, qui de notre point de vue, aujourd’hui, dans plus d’un cas n’est pas reconnu à sa juste valeur. Les historiens n’ont pas suffisamment analysés sa contribution dans ce mouvement dynamique de l’histoire de notre pays.

Mustapha Hadni

1 COMMENTAIRE

  1. Pour faire l’unité politique du Mouvement National pour l’indépendance, Abbane aura intégré les islamistes des Ulémas et fait assassiner les militants berbéristes et algérianistes du PPA. A méditer ses responsabilités dans l’avènement d’un système politique jacobin et monopolistique qui, 69 ans plus tard, continue de confisquer la souveraineté des Algériens au profit d’une minorité oligarchique qui use de la violence et la ruse pour se maintenir. Le Léninisme révolutionnaire n’a jamais accouché de la démocratie et de la souveraineté populaire, mais des luttes incessantes pour le pouvoir par l’assassinat, l’intrigue, l’épuration, les procès politiques: où est l’intérêt du peuple ? Nulle part !

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