18 avril 2024
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Algérie : Crise politique ou crise constitutionnelle ?

DEBAT

Algérie : Crise politique ou crise constitutionnelle ?

La crise en Algérie est politique ou constitutionnelle ? La réponse à cette question détermine le remède. Si la crise est constitutionnelle, dans ce cas l’application de l’article 102 suffit pour sortir le pays du blocage (dans ce cas, il s’agit d’un blocage) ; si la crise est politique, dans ce cas, le pays est dans l’impasse et l’application de l’article 102 n’est qu’une étape durant laquelle les Algériens s’offrent un moment de répit ou une pause stratégique pour envisager l’avenir sous un angle différent. En toute évidence, la crise est par essence politique.

Cela signifie que l’Algérie traverse une situation exceptionnelle, et les situations exceptionnelles nécessitent des mesures exceptionnelles. L’article souligne l’application de l’article 102 aide au dégèle de la situation. Il permet d’écarter d’autres scénarios comme une présidence collégiale qui ne répond pas aux besoins du moment. Il permet de réaliser la transition sous le leadership d’un nouveau président.

Pour expliquer l’avantage de cette option, cet article élargit délibérément le débat pour évoquer la spécificité de la fonction présidentielle. Lorsque l’on cherche à porter l’habit de la fonction présidentiel, il faut comprendre ce qu’implique cette fonction. Sa particularité explique en partie l’ampleur de l’anxiété provoquée chez les Algériens par l’état de santé du président Bouteflika.

Même la « décennie noire » n’a pas créé autant d’anxiété. C’est pour cette spécificité que l’article exprime des réserves quant à la personnalité de Abdelkader Bensalah.

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Cette contribution soutient une option qui sort du schéma traditionnel. Elle est autant cohérente (ou incohérente) que l’instance collégiale. Elle cherche à tenir compte des contraintes liés aux facteurs temps, l’aversion des institutions aux changements, le besoin de stabilité et continuité de l’Etat, les conflits d’intérêts et frictions entre les acteurs, tout en ayant à l’esprit l’objectif de passage graduel à une deuxième république. Il est toutefois clair qu’elle a besoin d’être affinée.  

La Rue décide, mais ne gouverne pas. On gouverne à travers les institutions. Quelle suite à donner à la suggestion du vice-ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de l’ANP, Gaïd Salah d’appliquer l’article 102 de l’actuelle Constitution ? Certes, une telle solution ne répond pas aux défis que doit surmonter l’Algérie, mais seulement une étape nécessaire pour sortir de cette inertie et aller enfin vers un apaisement actif constructif.

Le chef de l’état-major a fait une suggestion qui ne peut pas être considéré comme un coup d’Etat et trouve une base constitutionnelle. Il semble clairement que cette option suscite des divergences même parmi le cœur régime Bouteflika et n’est pas partagée le clan présidentiel.

Constitutionnellement, cette suggestion ne peut pas vraiment être contestée, mais pose toutefois un problème ; elle ne respecte pas le principe civilo-militaire c’est-à-dire la subordination du militaire au civil. Outre qu’il s’agit d’une suggestion, il arrive que des militaires aillent à l’encontre des responsables civils même dans les démocraties avancées. Au lieu de se perdre dans ce type de débat sans fin, il convient juste de noter que la crise en Algérie a toujours été politique qui est à l’origine de l’impasse constitutionnelle. Que faire ? Reconnaitre, par tous les acteurs, que nous sommes face à une situation exceptionnelle qui exige des mesures exceptionnelles. Il faut donc sortir des schéma traditionnel pour trouver le remède.

Cette contribution ne rejette pas l’option de l’application de l’article 102 de la constitution, mais soulève des réserves quant à la personnalité de M. Abdelkader Bensalah en raison de la spécificité de la fonction présidentielle. D’autres mesures sont nécessaires pour réussir à engager les Algériens dans un apaisement actif. En vertu de cet article ; c’est le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, qui assure la fonction du Chef de l’État par intérim. Ce qui pose problème dans l’application de l’article 102 est la personnalité d’Abdelkader Bensalah. Il suscite peu de consensus et de crédibilité. N

ous sommes dans une phase où des mesures de confiance sont nécessaires pour engager tous acteurs dans une dynamique constructive. Bensalah c’est envoyer un mauvais signe. Alors pourquoi perdre encore du temps ? Pourquoi ne pas désigner d’abord un autre président du Sénat à la place de Bensalah, et qui pourrait présenter une alternative pour engager la « Rue » dans ce que j’appelle un « apaisement actif ». Une telle option est indispensable car M. Bensalah n’a pas vraiment la légitimité démocratique ; Il fait partie des sénateurs désignés au titre du tiers présidentiel au Conseil de la Nation.

Membre du Sénat depuis 2002, il suscite peu de confiance et ne répond pas au besoin d’avoir un sang plus ou moins neuf. Il n’est pas en mesure de calmer les esprits et apporter l’ordre dont l’Algérie a besoin pour se projeter dans l’avenir. Il faut aussi avoir à l’esprit que les Algériens font face à une situation délicate qui nécessite des solutions urgentes. Dans l’immédiat, c’est l’option qui entraine moins de risques et d’incertitude, et plus de lisibilité et de prévisibilité, plus de contrôle sur le processus et plus de stabilité. Mais elle doit être accompagnée par d’autres mesures. Evidemment, il y a toujours d’autres options, mais avec plus d’incertitudes quant l’objectif poursuivi.

Gérer intelligemment cette période sera déterminant. Une sortie honorable de la crise est possible, mais il faut beaucoup du courage politique des deux côtés : autant du pouvoir en place autant de l’opposition. Pour l’instant, c’est toujours le bras de fer, chacun tient à sa position.

Mais l’Algérie ne pourra pas supporter un tel vide longtemps. Les choses peuvent dégénérer. Ce projet transitionnel est un processus gigogne dans lequel l’immédiat, le court, moyen et long terme s’emboîtent inextricablement. Tout est faisable à partir du moment où il y a la volonté politique d’avancer dans la même direction : édification d’une nouvelle République, qui n’est ni islamiste, ni makiste (MAK), mais une République républicaine.

De nombreux scénarios peuvent être envisagés ; chacun implique des risques et des opportunités. Mais dans l’immédiat, cette option offre un moment de répit. L’application de l’article 102 fournit un horizon temporel durant lequel sera mise en place l’organisation d’élection présidentielle. L’opposition et la société civile craignent que le pouvoir cherche à se régénérer et sauver le système. Ce qui est évident. On cède jamais sa place si l’on n’est pas été contraint. C’est la nature propre de l’exercice du pouvoir et de la politique. Toutefois, rien ne sera comme avant. De telles lectures de la situation ne saisissent le sens de cet exploit historique dans l’Algérie moderne. Car la société a profondément changé. Un nouveau rapport a été établi dans la relation Etat-société. Les signes étaient visibles depuis des années.

Dans son discours du 8 mai 2012, le président Abdelaziz Bouteflika était sincère lorsqu’il disait « Tab jnanou ». Mais pourquoi a-t-il reculé n’a pas été jusqu’au bout de ses promesses ? Parce qu’il n’y avait pas de rapport de force l’obligeant en face. L’insignifiance de la manifestation à laquelle l’opposition a appelée était l’une des raisons. Avant la manifestation, le pouvoir était dans l’incertitude et envisageait des concessions. Mais la faiblesse de la mobilisation a conduit le pouvoir à revoir sa copie. Il a même endurcit ses méthodes de répression alors qu’il prônait l’avènement de la « dawla madania ». Cela pour dire que l’on gouverne à travers des institutions qui sont le produit d’interactions et de rapports de force.

On négocie à partir d’une position dans l’échiquier politique. Alors que le pouvoir était dans l’incertitude aggravé par les bouleversements dans le monde arabe, l’opposition a eu une mauvaise lecture de la situation en Algérie. Son incapacité à mobiliser a fait croire au régime qu’il est seul sur le ring. Mais la situation a beaucoup changé aujourd’hui ; les Algériens se projettent dans l’avenir avec confiance, comme ils sont déterminés à reprendre leur destin en main. La même détermination qui les a animés pour combattre le terrorisme islamiste est mise en avant pour reprendre leur droit de citoyen responsable actif. Rien ne pourra inverser cette tendance. Le pouvoir a la responsabilité de fournir des garanties substantielles et assurer les populations sur la sincérité de ses engagements à une vraie transition. On peut envisager une série de mesures qui aiderait à instaurer climat de confiance notamment ;

  1. La mise en place d’un gouvernement de technocrate auquel participeraient l’opposition et les acteurs de la société civile ;

  2. L’ouverture et régulations de l’espace médiatiques (public et privé) en consacrant la liberté d’expression

  3. L’assainissement du registre national des électeurs

  4. Une commission indépendante chargé de l’organisation des élections présidentielles.

Idéalement, nous avons besoin d’un président de transition. Le pouvoir a sa propre feuille de route qui se traduite par l’application de l’article 102 ; l’opposition tend exclure toute implication du régime dans cette phase et tend privilégier une instance collégiale, ce qui me semble une mauvaise idée étant donné 1) la spécificité de la fonction présidentielle dans le système algérien actuel et 2) la sensibilité de l’environnement de sécurité international en ce moment précis. Si l’option de l’application de l’article 102 est maintenue, il convient de souligner ceci : dans une période allant 90 jours (ou 90 jours + 45 jours), il est possible de sanctuariser le processus électoral, mais certains candidats seront plus avantagés que d’autres. On ne peut corriger un déséquilibre structurel en une période si courte.

Certains partis comme le FLN et la RND commencent déjà à se repositionner sur l’échiquier politique et cherchent à préserver le statu quo en sacrifiant Bouteflika. Que faire dans cas ? Pourquoi ne pas envisager une élection en deux temps simultanément : les électeurs seront amenés à 1) choir le président parmi les candidats ; et 2) leur demander s’ils approuvent une plate-forme de revendications établies préalablement suffisamment clairs qui engagera le nouveau président si la plate-forme a eu le consentement des populations. C’est-à-dire le nouveau président est dans l’obligation de tenir compte la plate-forme. Cette option sort du schéma traditionnel. Elle est autant cohérente (ou incohérente) que l’instance collégiale. Il est clair qu’elle a besoin d’être affinée.  

Parmi ces revendications figurera le formatage total du paysage politique algérien durant une période allant de 12 à 18 mois depuis la date de la prise de fonction du nouveau président. Par suite, des élections législatives seront organisés avec nouveaux partis. Le formatage permet entraine nécessairement la recomposition, le renouvellement, le rajeunissement et enfin régler la crise de la représentativité et de la légitimité. C’est un engagement qui engage le nouveau président et les partis politiques. Sans le formatage, je ne vois comment régler cette crise du discrédit du politique.

Car la naissance de la seconde République passe par le formatage total du paysage politique algérien : Tous les partis politiques (partis d’opposition et partis du pouvoir) doivent disparaître tels existent aujourd’hui, ce qui permet la naissance de partis nouveaux recomposés. Dans le nouveau paysage, il n’y aura pas ni FLN, ni RND, ni RCD, ni FFS, etc. Cela conduit à la recomposition et le renouvellement, et pourrait faciliter le rajeunissement, et enfin régler la crise de représentativité. Ce serait un processus plein de frictions. Comme je l’avais écrit précédemment, peu d’organisations et d’institutions changent sans une pression extérieure. Le rôle du nouveau président, qui pourrait s’appuyer sur la pression de la Rue, est justement de maintenir le cap. Imposer de nouvelles règles.   

La plate-forme doit aussi tenir des propositions concrètes sur la séparation des pouvoirs notamment que faire exactement pour consacrer l’indépendance de la justice ; 1) garantir la neutralité l’indépendance des médias (privé et public) en garantissant la liberté d’expression et la mise en place de critère clairs sur a publicité ; 2) la composition du parlement et du sénat, limitation des mandats parlementaires, l’immunité parlementaire, 3) élection des wali, etc. Ce qui est important est qu’il est possible d’arriver à une plate-forme contenant entre 10 et 15 priorités qui vont structurer les débats et réformes à venir. Si la plate-forme a eu le consentement des populations, elle engage le nouveau président et les acteurs politiques. Cette option procure satisfaction à tous les acteurs mais pas entièrement. Encore une fois de plus, nous sommes face à une situation exceptionnelle. Mais cette option, qui a besoin d’être affinée, permet la continuité de l’Etat, plus de prévisibilité et enclencher le processus vers la nouvelle république tout en impliquant tous les acteurs, et en se donnant le temps nécessaire.    

Les responsables de l’opposition et de la société civile ont aussi la responsabilité d’étudier toutes les options et expliquer les enjeux et les risques de chaque option. Ils doivent distinguer ce qui est faisable et souhaitable, ce qui relevé de l’immédiat et du long terme. Les Algériens sortent dans le Rue dans l’espoir d’améliorer leur quotidien ainsi que l’avenir de leurs enfants. Si la volonté politique existe, le reste n’est que questions techniques. L’élection d’un autre président est important pour la suite, mais sans pour autant que la crise politique soit réglée. Sans le formatage du paysage politique algérien, il est difficile de régler la crise de représentativité et légitimité des institutions notamment celle des partis politiques.

Ce qui suit s’applique au président actuel, au président par intérim et au président futur. Dans le système politique algérien actuel, la fonction présidentielle est particulière. Il faut comprendre cette spécificité pour comprendre l’ampleur de l’incertitude de l’opinion publique algérienne provoqué par l’état de santé de Bouteflika, et pourquoi il faut un président pour gérer ce projet transitionnel. C’est une période où des décisions importantes doivent être prises dans l’urgence.            

La science cognitive montre que les êtres humains ne tolèrent pas le désordre. Le récit est seulement l’une des multiples façons par lesquelles les humains rétablissent l’ordre. Les changements dans la réalité sociale, les stratégies militaires, les idéologies et les pratiques politiques, le leadership politique et les moyens de l’art de gouverner ont toujours une dimension linguistique importante. La politique est exercée à travers le discours et définir la politique nationale n’est pas qu’un exercice académique, mais un acte nécessairement politique. La terminologie est importante. Mais qui pourrait offrir une clarté directionnelle à part la présidence étant donné elle est le centre de gravité de l’architecture institutionnelle algérienne. En raison de cette centralité, la vision du président est une base utile pour l’élaboration d’une stratégie nationale car elle articule une vue d’un avenir réaliste, crédible et attrayant pour la nation ; elle fournit un lien important entre la situation actuelle et la trajectoire future de la nation. Ici le futur président sera encadré par le plate-forme approuvée.

Bien que les plans et les stratégies engagent les parties prenantes à un niveau plus analytique et rationnel, le leader (en contact avec les citoyens) est à un niveau émotionnel profond. Son utilité dépend de la qualité de sa vision, leadership, crédibilité et divers autres facteurs éventuels. Mais aujourd’hui la présidence n’est pas en mesure de jouer ce rôle étant donné le président, le centre de gravité, n’a pas toutes ses facultés mentales et physiques. Cette situation a été une vraie source d’anxiété pour les Algériens que le pouvoir a sous-estimée. Et il est fort probable que M. Abdelkader Bensalah produise un effet similaire. Et une instance collégiale ne remplira pas ce rôle adéquatement.

La vision de la présidence devrait servir à la fois comme une source d’inspiration et pour donner un sens à ce qui doit être fait -une idée directrice. La nature hautement personnalisée du système présidentiel algérien rend les forces et les faiblesses de l’équipe présidentielle en exercice d’une grande importance. Parmi les conséquences qui découlent de la centralisation de la responsabilité politique dans le système présidentiel algérien, le président est la seule personne qui peut parler d’une voix claire au peuple algérien et établir une norme d’éthique et de moralité, d’excellence et de grandeur. L’éclipse de cette institution a un impact sur l’imaginaire algérien.

Même la « décennie noire » n’a pas créé autant d’incertitude sur l’avenir du pays. Il y avait de l’insécurité mais aussi de l’espoir et la détermination à vaincre le terrorisme. Il y a eu plus de haraga ces dernières années que durant la décennie 1990 alors que la situation économique était pire. Surtout durant les périodes de crises comme celle que traverse l’Algérie en ce moment, l’institution présidentiel prend une place centrale dans le paysage politique. Et Bensalah ou une instance collégiale ne pourra pas remplir ce vide.

Dans le système politique actuel, le président ne doit pas seulement être un véritable architecte de la politique nationale, mais il doit aborder le processus d’élaboration des politiques avec vigueur. Les présidents définissent la réalité de la politique étrangère et de sécurité nationale par des principes généraux. Pour beaucoup d’Algériens, le monde est un endroit dangereux (Libye, Syrie, Irak, etc.) et le discours présidentiel est censé créer un sens de l’ordre. Ce que Bouteflika n’a pas faire en raison de son état de santé. Il est peu probable que Abdelkader Bensalah réussisse dans cette mission étant son manque de crédibilité aux yeux des Algériens.  Dans la société, les électeurs cherchent quatre choses : le sens ou la direction, la confiance dans et du leader, un sentiment d’espoir et d’optimisme, et les résultats. Ces éléments sont la base à l’«interdépendance leader-suiveur ». Tout ce que M. Bensalah n’est pas en mesure de faire.  

Cette dernière est le plus grand pays en Afrique avec des populations à la fois dispersées à travers le pays et jeunes. C’est important d’avoir un leader crédible dans ces moments de transition marqué par l’absence d’institutions solides. Au-delà des intentions, le problème aujourd’hui c’est que les Algériens ne font plus confiance à l’équipe présidentiel. Et il est difficile de réaliser des réformes structurelles profondes susceptibles de sortir le pays de l’impasse sans le consentement des gouvernés. En outre, l’âge M. Abdelkader Bensalah le discrédite pour apporter des changements importants dans un pays où les jeunes sont le leitmotiv de la dynamique sociale.

D’où l’intérêt d’avoir un sang neuf capable d’apporter une clarté directionnelle. En l’absence d’institutions solides, la vision du leader pourrait agir comme la colle qui lie divers éléments du système national, fournissant une base pour construire un consensus national sur les détails des stratégies délibérées. Ceci est particulièrement utile dans les moments de grands bouleversements comme c’est le cas aujourd’hui. Justement, aucune personnalité politique algérienne n’émerge pour forger et consolider un consensus autour de lui. Le constat est simple : ni institutions solides, ni homme politique crédible, ni tradition et culture démocratique d’alternance fortement ancrée.

Le leadership présidentiel crée des récits parce que les événements ne peuvent pas parler pour eux-mêmes. Au lieu de cela, ils acquièrent du sens seulement lorsque les gens tissent entre eux dans des histoires cohérentes. Mais comment et quand des récits particuliers de la sécurité nationale deviennent-ils dominants, et comment et quand ces récits dominants se sont-ils défaits ? Trois facteurs clé sont au cœur de la montée et la chute des récits : Les exigences rhétoriques de l’environnement, le pouvoir matériel, normatif et institutionnel que les locuteurs apportent, et les modes rhétoriques qu’ils adoptent. La première tâche du leadership présidentiel est d’enseigner la réalité aux populations et leurs collègues politiciens par la rhétorique. Enseigner la réalité implique les explications des problèmes et des enjeux contemporains, et doit invoquer et interpréter les idéaux éternels de l’expérience nationale exprimée dans le passé et le présent, et comme guides pour notre avenir.

La narration est donc essentielle à la sécurité nationale. Grâce à la narration, les présidents peuvent convaincre un public de l’urgence d’une menace et la nécessité d’une politique particulière. Mais l’élaboration d’un récit convaincant ne vient pas facilement. Le succès ne dépend pas seulement de la compétence présidentielle.

Le succès du récit réside dans le croisement de la parole présidentielle et les structures discursives. L’élaboration d’une nouvelle histoire de la sécurité nationale est possible seulement lorsque les temps sont incertains, quand il y a peu de cohérence dans le discours dominant et de multiples récits circulent légitimement dans la sphère publique. Justement, alors que les Algériens ont besoin d’un nouveau discours qui traduit les changements sur la scène internationale et réalité interne, la présidence n’a pas été en mesure de le faire à cause de la maladie du président Bouteflika. M. Abdelkader Bensalah aurait du mal à gérer cette situation étant la méfiance régnante. Il aura beaucoup de difficulté pour entrainer les Algériens dans un apaisement actif.

Le président et son équipe fournissent la « clarté directionnelle » – un leadership présidentiel clair à travers le discours fort- parce que leurs visions expriment la place de l’Algérie dans le monde, y compris ses responsabilités et ses ennemis, ainsi que les instruments à utiliser dans les affaires mondiales.

Les présidents, pour le meilleur ou pour le pire, sont un défenseur d’une des intérêts nationaux et d’une mission politique étrangère en harmonie avec l’histoire nationale. A la différence des plans qui émergent des processus d’analyse, la visions transcendent les faits et les intérêts concurrents, en présentant une vue unifiée, synthétique et attrayante ou une « fin heureuse » de l’avenir.

Les déclarations stratégiques sont larges et globales, et prennent des paroles émouvantes et des observations générales sur les défis du monde. Tendant à établir une feuille de route pour l’avenir, le discours présidentiel engage l’administration dans la promotion d’un plan d’action particulier et mobilise l’opinion publique afin de soutenir l’approche du président. La vision du leader agit comme la colle qui lie divers éléments du système national, établissant une base pour construire un consensus national sur les détails des stratégies délibérées. Ceci est particulièrement utile dans les moments de grands bouleversements, de crises majeures nécessitant des sacrifices douloureux, ou dans des situations impliquant d’importants conflits d’intérêts entre les sections d’une société. Il est peu probable que M. Abdelkader Bensalah réussisse dans cette mission.

En temps de crise, le public (parlement, les médias, la presse) se tourne vers le président (et son équipe) en tant que gestionnaire de crise, leader, solveur des problèmes et sauveur ; la responsabilité du président augmente. Mais il en va aussi de son pouvoir. Les moments critiques sont des ouvertures pour des projets narratifs.

Dans ces conditions, les présidents sont en mesure d’introduire une nouvelle histoire de la sécurité nationale, qui est susceptible d’attirer le public pour soutenir la stratégie nationale préférée et jeter les bases de changements de grande portée dans la politique étrangère. Un récit de la sécurité nationale est une image qui donne un sens aux nouveaux défis. Toutefois, la formulation d’un récit de sécurité nationale durant des moments troublés et d’incertitude (comme celle que traverse l’Algérie) et une période sédentaire ne répond pas aux mêmes critères. Durant les périodes troublées, la réussite d’un récit de sécurité nationale nécessite que les dirigeants se livrent à la narration, par opposition aux arguments analytiques.

Inversement, les arguments sur des faits seraient plus efficaces durant les périodes sédentaires. Le leadership présidentiel doit comprendre que les temps troublés exigent la narration ; alors que les temps stables exigent des arguments. Les arguments et les histoires diffèrent dans leurs buts, leurs structures, leurs profondeurs et leurs présomptions. Les arguments plaident en faveur de politiques particulières ; la narration vise à conférer un sens, expliquer une série d’événements et offrir une interprétation du monde.

Auteur
Tewfik Hamel

 




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