24 avril 2024
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Assegas ameggaz Mass Bouteflika, et à la prochaine émeute !

La question identitaire avance à coup de drames

Assegas ameggaz Mass Bouteflika, et à la prochaine émeute !

Sacré Bouteflika ! A plus de 80 ans, il joue encore aux échecs, avance ses pions, utilise ses fous, scelle ses chevaux gagnants, guette du haut de ses tours d’ivoire le moindre mouvement susceptible de le déloger, orchestre ses coups du berger qui croit conduire un troupeau de moutons. Au fait, Bouteflika est le roi des échecs multiples.

S’il y a une chose à reconnaître au président, c’est ça pugnacité. Il ne lâche pas facilement le morceau : à pleines dents ou du bout de son dentier, il s’accroche à n’en plus desserrer les mâchoires. Rancunier comme personne, il réserve ses coups les plus assassins, telle la mule du pape, qui garde sept ans son coup de sabot !

L’histoire de Bouteflika avec Tamazight, c’est « une valse à mille temps, une valse qui a mis l’temps de patienter vingt ans ». C’est à coup de drames que Bouteflika lâche du lest, jamais par conviction, ni de gaieté de cœur. Il diabolise, menace,  manigance, avance, recule, rit jaune, voit rouge, et pique des colères noires face à la question identitaire.

« De loin, je vous voyais comme des géants. En arrivant ici, je vois que vous n’êtes que des nains »

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Il y eut d’abord son premier voyage en Kabylie, en 1999, où il traita les Kabyles de « nains ». « De loin, je vous voyais comme des géants. En arrivant ici, je vois que vous n’êtes que des nains », avait-il ironisé avec morgue. À Tizi-Ouzou, il lança la même année, à ceux qui réclamaient la reconnaissance de tamazight comme langue officielle, qu’il n’était pas encore venu le temps des questions identitaires, et que de toutes façons, tamazight ne sera jamais une langue officielle! « Je suis venu dégonfler votre ballon de baudruche (…) Tamazight ne sera jamais langue officielle et si elle devait devenir ne serait-ce que langue nationale, c’est tout le peuple algérien qui doit se prononcer par voie référendaire « , clamait-il le 3 décembre 1999 à Tizi-Ouzou, tout en menaçant les contestataires plébéiens de faire du «grabuge». «Si vous êtes venus faire du grabuge, je suis capable d’en faire autant que vous », s’emportait-il avec hystérie.

Entre 2001 et 2002, 128 jeunes Kabyles tombent sous les « grabuges » assassines de Bouteflika et les balles fumantes de ses gendarmes.

128 martyrs (qui attendent d’être reconnus comme tels) et des milliers de blessés (5000, avait estimé la LADDH), ont arraché, en 2002, à ce même président, la reconnaissance de la langue amazighe comme langue nationale…et sans passer par la voie référendaire ! Fin de la première valse.

« Je n’ai jamais frappé quelqu’un dans le dos, encore moins les enfants de mon pays »

Bouteflika et tamazight, c’est l’histoire de l’escargot butée, qui escalade inlassablement les parois glissantes du puits, pour dégringoler toujours plus bas, sous l’effet de la gravité et de sa bave visqueuse.

En 2004, et en période de campagne, il réapparaît à Tizi-Ouzou, après cinq longues années d’absence. Des émeutes éclatent. Son cortège est caillassé, son meeting, qui s’était déroulé sous haute surveillance, écourté. Le préjudice est si fort, que ni le temps, ni la constitutionnalisation de tamazight, ni le « mea-culpa » factice et les courbettes hésitantes du président n’ont pu le réparer. « Ulac smah ulac » et « pouvoir assassin » balayaient la peur et l’oubli comme balayaient les vies, les balles sifflantes du président. C’était plus que des slogans, c’était la résistance.

Lors de son meeting, Bouteflika a essayé, sans se repentir, de défendre l’indéfendable, lui qui n’a même pas limogé son ministre et bourreau Noureddine Yazid Zerhouni. «Je voudrais dire aujourd’hui, au nom du peuple algérien, que, du poste où j’étais, je ne sais toujours pas qui, d’un côté ou de l’autre, a provoqué cette tragédie », a-t-il confessé alors, insinuant qu’il avait été mal informé sur la gravité de la situation. « Je ne peux pas également, aujourd’hui, ne pas m’incliner à la mémoire des martyrs de 2001», avant de lancer : « Je suis un authentique Amazigh (berbère), quand j’ai quelque chose à dire, je le dis en face, quand je me trompe, je fais mon mea-culpa, je n’ai jamais frappé quelqu’un dans le dos, encore moins les enfants de mon pays » (1), prêchait-il dans le vide.

Le président candidat avait ensuite déambuler dans les rues de la ville des genêts, s’offrant même un petit bain de foule, bien préparé, pour laver ses pêchers sur l’artère principale d’une ville quadrillée par un dispositif de guerre, où les gens sont las de tant de morts et d’émeutes. Il renchérit alors : « Après l’accueil que vous m’avez réservé aujourd’hui, je peux le dire, aujourd’hui, je peux mourir tranquille». L’heure n’était pas encore aux obsèques présidentielles, mais au triomphe sans gloire : Bouteflika fut réélu pour un second mandat, les revendications amazighes attendront les prochaines émeutes.

Bouteflika à Tizi-Ouzou en 2004

Entre-temps, la Kabylie enfante un MAK ; fils naturel de la répression féroce, qui tourmente le régime algérien. Sa popularité grandissante, dégonfle de plus en plus le ballon de baudruche de Bouteflika. L’an 2013, le mouvement qui appelait à l’autonomie, se radicalise, et réclame l’indépendance. Le pouvoir est face à un « beau » dilemme : comment casser un mouvement pacifiste, sans en faire un martyr, ou un emblème. Comment contrecarrer son action ? Comment désamorcer la Kabylie ?

Racines : les nouvelles générations

La réponse arrive en 2016. Tamazight est consacrée langue officielle, une des revendications clé du MAK : même chez Bouteflika, l’instinct de survie est parfois plus fort que l’ego. Le système tente par cette manœuvre, de vider le mouvement de son substrat, pour tarir les sources de son existence. Le MAK fait pourtant de la résistance, année après année, fait rouler des mécaniques, en appelant par exemple, à marcher pour les célébrations de Yennayer. Il devient une menace d’autant plus grande qu’il fait des émules un peu partout en Algérie : en pays Chaouis, chez les Touaregs et dans la vallée du M’zab. Des mouvements qui seront très vite persécutés par le pouvoir jacobin d’Alger, qui les réprime dans le sang et l’arbitraire, annonçant des jours sombres à venir pour le pays. Dans le camp du pouvoir, on crie à la main étrangère, au Mossad, à Daech, au complot, au loup à… la baleine bleu.

Dans ce climat autonomiste et sécessionniste explosif, les ressources financières s’amenuisent. Le pétrole est en réanimation et le pays menace de plonger dans le coma. Les tensions sociales s’attisent. Le phénomène des harragas s’amplifie et les jeunes meurent noyés en mer, immolés par le feu ou asphyxiés par le chômage. Les étudiants s’entassent par milliers pour réclamer des visas. Les anciens militaires sont bastonnés, les pharmaciens, les médecins, les syndicalistes et les enseignants, violentés. Les journalistes, les blogueurs et les opposants écroués.

Les députés de Bouteflika mettent le feu aux poudres, en rejetant fin 2017, un projet de loi pour la généralisation de l’enseignement de la langue tamazight dans les écoles : c’est l’émeute ! Encore les lycéens, la génération Facebook, celle de « Mansotich » et « Rani zaafane, qui n’a connu que « Boutef » et qui ignore presque tout, des affres des années Zouabri et GIA. Dans toutes les régions « berbérophones », en Kabylie bien sûr (Bouira, Bejaïa et Tizi-Ouzou), mais aussi en pays Chaoui, (Batna et Sétif), les jeunots s’insurgent. La répression ne leur fait pas peur. Elle est une ombre projetée d’un vieux nuage orageux, qui n’a plus que quelques éclaires pour tenir en respect. Les matraques semblent haleter, impuissantes devant tant de détermination mémorable.

L’absence prolongée du chef de l’État n’est pas pour arranger les choses et les dissensions au sein de son clan éclatent au grand jour. Le régime est trop affaibli pour tenter le diable du brasier, rejoue à l’escargot entêté et escalade à nouveau les parois suintantes du puits de la question identitaires.

Dans un geste qui se veut magnanime, le chef de l’État (ou celui qui le remplace) consacre Yennayer journée nationale, et Mouloud Mammeri, un des symboles des luttes identitaires est « béatifié ». Une maigre consolation qui fait cependant sursauter, sous l’impulsion du régime à double-face, les cellules dormantes des Daechiens, et les rémanences des GIA. Islamistes et pouvoir « qui ne savent rien construire, ont le don inné de reconnaître ce qu’il faut détruire ». Ils changent de stratégie, et veulent confisquer cette identité, comme ils firent avec les ossements du colonel Amirouche.

Le cheval de Troie est prêt à gambader dans la cité, jusque-là imprenable, de la dimension amazighe.

La mule du pape ne se lasse d’asséner ses coups, et les géants amazighs n’en finissent pas de les esquiver.

Auteur
Hebib Khalil

 




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