27 juillet 2024
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Bon débarras à l’or noir, bienvenue à l’être humain !

TRIBUNE

Bon débarras à l’or noir, bienvenue à l’être humain !

Ce beau pays qui a enfanté Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, Albert Camus ou Assia Djebar ne doit pas avoir peur de la disparition de ce qui a fait son malheur. Cette substance noire n’a d’or que le rêve chimérique qu’elle a suscité. Il ne faut pas que les Algériens craignent la fin d’une rente illusoire mais, bien au contraire, se persuadent que leur avenir est dans la promesse créative du talent inné de leur  jeunesse.

L’écroulement des cours du pétrole jusqu’à la valeur négative dans les cotations boursières terrorise certains car ils la redoutaient depuis longtemps. Si d’autres auraient souhaité une baisse moins brutale, ils sont néanmoins prêts à affronter ce qui était inéluctable et qui met enfin l’Algérie en demeure d’exploiter sa vraie richesse, les êtres humains libres et instruits. 

C’est un mensonge d’affirmer que le pétrole lui avait apporté une prospérité. Il l’a brisée, a détruit son avenir et l’a plongée dans un retour aux pires années de la brutalité moyenâgeuse. Le pétrole en est directement responsable car il a permis de financer une gigantesque catastrophe humaine faite de mirages, de corruption financière et des esprits. L’or, fut-il noir, n’est pas surnommé en économie la « relique barbare » sans fondement.

Cette rente avait été attribuée par un hasard géologique majoritairement à ce qu’on appelait le tiers-monde dans ma jeunesse. Elle a fait son malheur et a fait reculer les populations de plusieurs siècles en arrière du point de vue intellectuel et démocratique. Il faut saisir maintenant cette  seconde chance qui est proposée par le destin. Il est urgent pour la jeunesse algérienne de s’en convaincre et d’entamer un virage fort et volontaire vers d’autres horizons de la pensée. 

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Les interrogations vont inévitablement s’installer mais elles laisseront très rapidement place à la capacité humaine de s’en sortir. L’atout de la jeunesse est que la période actuelle n’est pas plus enviable. Et lorsqu’un peuple est à l’extrémité de l’impasse il ne peut que trouver en lui-même toutes les forces pour entrevoir le chemin de la liberté et de la prospérité. 

Un certain nombre d’experts proposent à tour de bras des solutions économiques dans les colonnes des quotidiens algériens. J’ai l’impression de relire des cours d’économie générale où l’on ânonne des auteurs et des théories en croyant à la puissance de leur capacité à détenir les secrets d’une science ésotérique. L’économie est essentiellement la créativité des individus et de leur acharnement sans qu’il soit nécessaire d’avoir des gourous autoproclamés.

Je ne remets en cause aucune proposition économique des spécialistes dès lors que les jeunes algériens comprennent que tout est possible s’ils libèrent leur esprit et prennent du recul intellectuel. L’économie n’est que le pouvoir généré par des êtres humains instruits et éduqués, libres de leur conscience. Tout le reste n’est que mots, techniques et théories qui ne valent que ce que les hommes et les femmes en font, rien de plus. L’être humain crée l’économie et la façonne à son image et non le contraire. L’économie est une science humaine dit-on à l’université, il faut que les Algériens prennent enfin la dimension de cette identification qualificative.

Patience, les solutions viendront petit à petit lorsqu’il ne restera que la matière grise comme seul recours disponible. C’est la plus ancienne et la plus fiable des matières premières qui trouvera inéluctablement des voies d’avenir car c’est comme cela que se sont construites les avancées économiques à travers les siècles. 

Et puisqu’il faut en revenir à la base de l’économie que ce pays ni ses experts n’ont jamais évoquée  il me semble important de rappeler trois verrous qu’il est absolument nécessaire de faire exploser.

La première clé est de retrouver toutes les capacités d’une population en remettant dans l’humanité et les forces vives la moitié de ce qui lui a été amputée, c’est à dire les femmes. Cela signifie tout simplement que les Algériens doivent considérer, dans la loi comme dans leur esprit, qu’une petite fille et un petit garçon sont des êtres humains égaux dès leur naissance. 
 
Honte à un pays qui écrit dans ses lois, au vingt et unième siècle, que la femme est la moitié ou le tiers de l’homme quant à ses droits quotidiens et successoraux et qu’elle est sous la tutelle des hommes de sa famille. Comment peut-on faire confiance aux seuls leviers des techniques économiques lorsqu’on se place dans un autre monde que celui de l’être humain civilisé ?  Il n’y a manifestement aucune chance d’y parvenir dans de telles conditions. 

Puis la seconde clé consiste à crever définitivement l’abcès en mettant sur la table les questions qui fâchent au lieu de les éviter par des discours béats qui ne trompent personne. C’est le cas de la fracture identitaire, linguistique et territoriale. La puissance d’un pays est d’affronter en face ses problèmes sans se gargariser d’élans hypocrites qui n’ont de conséquence que l’égosillement à les hurler.

L’autre question très lourde qui fâche, c’est à dire la troisième clé qu’il faudra mettre sur la table, est le projet de faire éclater le verrou qui bloque les libertés, politiques comme celle de la liberté de conscience incluse dans la constitution mais qui est une vaste plaisanterie dans sa pratique quotidienne. La fin du régime militaire actuel ainsi que la fin de la religion d’État par la laïcité sont des conditions sans lesquelles tout le reste n’est que bruits de tam-tam.

Dans leurs études universitaires la plupart des experts algériens de l’État (ou les experts internationaux et galactiques comme ils se présentent) ont dû rater le premier cours dans amphithéâtre. De même qu’ils ont dû emprunter à la bibliothèque un polycopié où la première page était déchirée, celle qui définit l’économie comme la puissance créatrice des femmes et des hommes libres.

 

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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