26 avril 2024
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Communication politique et gouvernance : la stabilité du partage

Média

La rhétorique des émotions c’est pour faire peur, par contre la communication c’est de rendre commun et partager un message entre la société pour atteindre la cohésion, la coopération voire la stabilité de la société toute entière malgré l’existence de différences culturelles, religieuses, ethniques etc.

Si les années 1980 ont connu le vocable de dircoms (directeur de communication pour les entreprises économiques) ce n’est qu’au début de la première décennie du troisième millénaire que nous avons assisté à la naissance d’un nouveau concept les « spin » qui est venu enrichir le vocabulaire des métiers de la communication politique. La communication est la béquille de la gouvernance.

Gouvernance et communication politique: une équation pour la stabilité.
La communication est un instrument de la bonne gouvernance pour les pays démocratiques. Cette affirmation est confortée par le rôle de la communication politique dans le processus perpétuel de la gestion des affaires de la société. C’est a travers la communication que la classe dirigeante, l’opposition et la société civile s’engagent dans tous les débats publics qui intéressent la société en se référant chacun de son coté a ses univers de signification idéologique dans le respect mutuel des uns et des autres.

La gouvernance ira très mal si les dirigeants politiques ne communiquent pas ou ne savent pas communiquer. Pourquoi ce rôle est vital et fondamental ? Parce que la vie publique de la société moderne n’est qu’une séquence continue de messages entre les groupes sociaux et leurs élites politiques, soit à travers une communication directe ou par le truchement des institutions publiques (Parlement, Senat, médias etc.). Dans ce sens, on peut aisément parler de partage de pouvoir par la communication.

Aucune cohabitation n’est possible entre la presse et les systèmes politiques autoritaires, dans la mesure où la seule fonction tolérée par la nomenklatura est celle du bourrage des esprits qui vise l’aliénation et la manipulation des groupes sociaux. Dans ce sens, la presse est ses medias ne sont pas des outils de la construction de la conscience collective mais des appareils idéologiques au même sens fonctionnel du parti dominant et ses hommes dédiés exclusivement a la gouvernance autoritaire.

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Il est paradoxal de voir qu’au moment ou un dirigeant politique démocrate utilise la communication comme outil de marketing politique afin d’y accéder au pouvoir ou se maintenir pour un nouveau mandat, le dirigeant totalitaire en contre partie utilise la communication comme outil pour banaliser sa tyrannie et imposer les affaires de société comme un état de fait selon la vision doctrinale qui le commande. Il est très possible que le régime totalitaire a travers ses « think tanks » ne considère pas la société comme étant apte a s’exprimer. Il peut aller même plus loin en procédant à la répression au cas où le besoin de la société persiste pour s’exprimer.

La communication est une compétence de la gouvernance démocratique :
En plus du fait que la communication est une compétence économique, éducative, pédagogiques elle est aussi politique puisque les experts sont unanimes sur le rôle fondamental de la communication dans la société. Elle est non seulement un régulateur des activités politiques mais aussi et surtout un moyen efficace de l’échange sociopolitique entre la société et ses dirigeants d’un coté et les membres de la société entre eux de l’autre côté.

La communication est dotée d’une compétence qui se définit comme : « La compétence situationnelle (ou communicationnelle) exige de tout sujet qui communique et interprète qu’il soit apte à construire son discours (en fonction de l’identité des partenaires de l’échange, de la finalité de l’échange, du propos en jeu et des circonstances matérielles de l’échange » (1). Faisant partie intégrale du pacte de la gouvernance, la communication se transforme aussi en contrat liant la parole des gouvernés à l’acte de la classe politique.

En contre partie, la communication politique dans les pays sous développés est une parodie de la politique, elle ne peut pas se hisser au seuil d’un acte politique puisqu’elle est toujours à sens unique et dans la majorité des cas injurieuse et irresponsable. Si elle émane des gouvernés elle est tout de suite soumise à l’audit de la police de la pensée qui distribue le droit à la parole dans la société par le choix des personnes qui dédouanent tous les dépassements de la classe dirigeante sans état d’âme.

C’est en s’appropriant le statut participatif à la gouvernance que les médias transforment la relation sociale en relation permanente entre tous les groupes de la société dont le seul intérêt au niveau politique est la participation des uns et des autres à la vie sociale, culturelle, économique, politique etc. puisque c’est à la communication que revient fondamentalement le rôle d’homogénéiser les univers de signification de tous les individus y compris ceux qui peuvent être opposés à la classe dirigeante. C’est la politisation des usages de l’internet et ses corollaires technologiques qui multiplient les passerelles de la communication sociale.

Oligopsone médiatique des régimes totalitaires:

Le vocable oligopsone est très adapté au modèle de communication des régimes autoritaires car le verbiage politique est très abondant mais la majorité des groupes sociaux ne font pas confiance aux contenus du discours.

D’ailleurs force est de constater que l’interaction entre le discours de la classe dirigeante est le peuple est quasi-inexistante en l’absence d’une confiance qui peut créer l’alchimie linguistique entre les deux parties.

Dans la majorité des cas l’analyse des contenus du discours des gouvernants autoritaires nous révèle qu’ils sont incapables de développer un discours qui leur permet d’être en symbiose totale avec les aspirations populaires.

Dans une telle perspective le recours au langage populiste est peut être un des aspects fondateurs du discours totalitaire puisqu’il s’est imposé comme une double nécessité : D’une part, la communication politique populiste démagogique leur permet de justifier toutes les actions contre la contestation sociale et politique.

C’est le résultat d’une étude qui a clairement identifié le populisme comme fondement essentiel de la communication politique en Algérie:« il fallait répandre à travers les médias le postulat populiste de la guerre de libération nationale et le réciter avec abondance dans l’espace public médiatique.

Ensuite, il fallait qu’il soit porté par le peuple. Surtout qu’une certaine filiation avec l’idéologie de gauche est attribuée à ce discours pour signifier l’implication du peuple dans l’opposition au colonialisme et son corolaire, l’idéologie capitaliste» (2).

D’autre part, l’Etat « populiste » ne veut absolument pas gérer des personnes actives politiquement parlant refusant toute confrontation d’idées, d’analyses, d’arguments ou de discours qui ne vont pas dans le même sens que celui de l’idéologie des gouvernants. Depuis que les nouvelles technologies ont rendu l’internet démocratique les citoyens ont arraché le droit de la participation à la communication dans la société. Ils deviennent acteurs et non pas des récepteurs passifs.

Bien que le rôle politique de l’internet soit très récent il a été très efficace dans la gestion de la communication sociale durant les deux dernières décennies de ce siècle, puisque plusieurs peuples l’ont adoptés durant les des révolutions pacifiques.

Les réseaux sociaux ont ouvert la voie non seulement à l’expression plurielle mais à la fédération des opinions qui s’opposent à la tyrannie. La médiasphère du cyberspace donne en effet un accès direct à l’opinion publique pour s’exprimer sur les situations de la politique générale notamment dans un environnement médiatique hermétique.

Même si on ne peut pas répertorier le discours qui frôle la violence verbale dans la communication politique algérienne surtout durant les dernières années, on peut par contre affirmer sans se tromper que l’usage officiel de ce genre de discours est destiné à la pratique unilatérale du pouvoir qui a construit un langage méprisant et méprisable voire insultant.

Au mal politique s’ajoute un mal linguistique de la communication officielle qui doit être diagnostiqué et éradiqué par une éducation de la sociologie de la gouvernance avant de sombrer dans les abysses de la dichotomie dialogique définitive entre gouvernants et gouvernés car «le discours politique n’a pas de sens hors de l’action, et que dans l’action se joue, pour le sujet politique, l’exercice d’un pouvoir. » (3).

Ce qui aggrave la situation c’est « la servitude volontaire » des médias qui se transforment en appareils idéologiques au service de la caste gouvernante justifiant toutes les exactions et les dépassements de la politique en les imputant parfois aux « autres » de l’étranger ou aux complots de l’intérieur. Dans ce cas précis, il faut réaffirmer que le statut des médias dans les régimes autoritaires et despotiques est un statut d’appartenance et non pas de représentation des opinions de la société, c’est pourquoi ils se conforment avec élégance a la ligne des gouvernants.

D’ailleurs tous les dispositifs juridiques adoptées par l’Etat vont dans le sens d’aligner les lignes éditoriales a la politique courante du dirigeant (4).

Il n’est donc guère étonnant que le processus de communication des régimes totalitaires se transforme en propagande qui foncièrement se concentre sur les objectifs de la classe dirigeante sans se soucier des impératifs vitaux de la société. Et l’Algérie ne peut pas amorcer un quelconque changement si les mœurs de la communication administrative, sociale et surtout politique ne changent pas de façon radicale. Tant que le discours de la gouvernance ne change pas la société restera toujours en stand-by pour la résistance.

Lakhdar Ydroudj

Renvois

(1) Patrick Charaudeau, « A quoi sert d’analyser le discours politique * ? », in Análisi del discurs polític, IULA-UPF, Barcelone, 2002, consulté le 13 janvier 2021 sur le site de Patrick Charaudeau – Livres, articles, publications.
URL: http://www.patrick-charaudeau.com/A-quoi-sert-d-analyse-le-discours,161.html
(2) Aldjia Nabila Bouchaala et Aissa Merah, « Quand le médiatique devient populiste. Risques sur l’apprentissage démocratique en Algérie », REFSICOM [en ligne], Le populisme entre politique et représentation médiatique, mis en ligne le 13 juillet 2020, consulté le lundi 11 janvier 2021. URL: http://www.refsicom.org/724
(3) Patrick Charaudeau, « A quoi sert d’analyser le discours politique * ? », in Análisi del discurs polític, IULA-UPF, Barcelone, 2002, consulté le 13 janvier 2021 sur le site de Patrick Charaudeau – Livres, articles, publications.
URL: http://www.patrick-charaudeau.com/A-quoi-sert-d-analyse-le-discours,161.html
(4) Lakhdar Ydroudj : Pouvoir et idéologie de l’information, Alger, Author, 1992. ( ) Chercheur, auteur de : – Pouvoir et idéologie de l’information 1992. – L’intelligence de l’information a l’ère de la telematique 1999.

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