24 avril 2024
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Contribution à un enracinement  identitaire apaisé 

REGARD

Contribution à un enracinement  identitaire apaisé 

Manifestation à Alger en juin 2019. Crédit photo : Zinedine Zebar.

La raison d’être des intellectuels, c’est d’amener chacun  à développer sa propre réflexion et non à le diriger. Développer sa propre réflexion c’est s’affranchir de tout contrôle et influence, c’est vivre et gérer par soi-même sa pensée et sa liberté, et construire son identité en toute liberté

Préambule

. Le caractère identitaire ne s’impose pas, ne s’importe pas, il se construit individuellement par  une réflexion et introspection libre et lucide, réalisée à travers un processus diachronique et synchronique (1), permettant à l’individu de s’identifier et s’intégrer, harmonieusement, à la société à laquelle il appartient de façon pérenne, évolutive et apaisée. Pour définir ces notions de diachronie/synchronie, je prendrais l’exemple d’une bâtisse: l’approche diachronique de cette structure étudie les différentes pierres individuellement pour connaître l’histoire, l’origine, l’âge, les mécanismes de la fabrication ainsi que les changements et les modifications qu’ils ont subis à travers le temps, tandis que l’approche synchronique étudie l’aspect final, c’est à dire la beauté de l’édifice, sa cohérence, sa fonction, et son utilité actuelle, définissant ainsi son harmonie finale. Ainsi donc l’aspect identitaire collectif ou individuel n’est ni instantané ni une notion figée (le conformisme rend l’individu archaïque ou rétrograde)  mais une notion progressive, évolutive et progressiste (l’évolution se faisant en préservant l’intégrité de la structure, mais en améliorant son harmonie et /ou en restaurant et fortifiant sa structure pour éviter sa destruction.). C’est donc un processus librement exécuté aussi bien dans sa composante individuelle que collective.  

Cependant il faut intégrer le fait que notre liberté s’arrête là où commence celle des autres. Respecter cette limite fragile, surtout lorsqu’on est en position de force, nous apprends à développer  notre sociabilité, humanisme, et le bien vivre ensemble. En effet respecter la liberté de l’autre, nous aide à développer le respect mutuel, l’acceptation de la pluralité d’opinions, dans un milieu de diversité sociale  et culturelle, participant ainsi à la création d’une nation pacifique et apaisée, ou le peuple, dans sa totalité et toute son ethnicité, s’épanouit dans un environnement serein permettant un enrichissement mutuel, et surtout l’acceptation de  l’autre tel qu’ il est et non tel que l’on voudrait qu’ il soit, ce qui nous permet d’annihiler le désir délétère de l’ignorer, de lui nuire ou le dominer. 

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Etre libre signifie aussi avoir le courage de se débarrasser des archaïsmes dépassés qui nous enchainent à un mode de pensée, des attitudes et un comportement qui ne sont plus valables de nos jours, car le monde évolue ainsi que nos pensées et nos connaissances. Seule cette approche permet de développer des débats dépassionnés ou seule la démonstration par la logique dévoile l’erreur de la pensée, du jugement ou de la situation. Se figer sur des dogmes du passé, qui peuvent avoir été vrai ou justifiable à un moment donné, mais  pouvant ne plus convenir de nos jours est une forme d’annihilation intellectuelle qui est à l’antipode de l’évolution, du progrès et de la modernité, mais tout en sachant qu’on ne peut pas tout rejeter ou s’identifier et s’assimiler à l’autre par mimétisme, ce qui aboutit à une dénaturation structurelle, car ce qui est valable pour une société donnée ne l’est pas forcément pour une autre. 

Vivre et travailler à l’étranger pendant plus de 30 ans, paradoxalement m’a plus rapproché de  mon pays, de mes racines, car je ne voulais pas être dénaturé ou déstructuré, donc l’identité est une perception  et une conception de soi. Il est vrai que j’ai quitté mon pays natal à un âge où les fondements de ma personnalité avaient déjà été structurés par mon grand-père et mon père, bien qu’aucun d’eux n’était  un intellectuel. Je dois à mon grand-père mon nationalisme et mon amour pour ma patrie lorsqu’il m’avait expliqué que nos ancêtres n’étaient pas les «gaulois» mais que c’étaient des «Imazighen». Je dois à mon père mon esprit critique quand m’ayant expliqué que si le gouvernement, à l’indépendance, disait que nous étions des Arabes, c’était politique et dans l’intérêt de la nation; il avait continué en me disant : «fait toujours travailler ton cerveau, cherche toujours à savoir par toi-même la vérité, celle qui te donne satisfaction et t’apaise, mais sans te mentir à toi-même». Ce n’est qu’à l’université que j’ai vraiment compris tout le sens et la symbolique du message de mon père. Il n’y a que la vérité qui se démontre qui donne satisfaction et apaisement. Démontrer revient à se poser la « bonne question » pour avoir la «bonne réponse ». J’ai appris à fragmenter une question, en utilisant la règle des 6W-H « Who, When, What, Why, Which, Where and How », pour discerner le(es) fait (s) qui la relie ou non à la réponse et ainsi comprendre rationnellement la situation qui a engendré la question, c’est à dire le pourquoi de la situation, ses causes et  ses aboutissants et de ce fait être dans la sphère de la vérité.

Ma première recherche intellectuelle, non professionnelle, a concerné l’histoire de mon pays. On me pardonnera, j’espère ce long survole historique et parfois politique, ainsi que la brièveté d’analyse, car mon but n’est pas de  donner un cours d’histoire, ou de politique, je ne suis ni historien ni politicien. Je relate juste quelques aspects de mon cheminement, dans la compréhension de l’histoire de notre pays et de mon identité, car une question identitaire ne peut se comprendre que si on analyse le contour global y compris  historico-politique dans lequel elle s’est développée.

Je ne cherche pas à  émettre des jugements de valeurs ni de critiques vis-à-vis d’autres opinions, mais juste à partager avec vous ce cheminement qui  m’a apaisé dans ma quête identitaire et renforcé mon nationalisme, en ayant cependant à l’esprit plus la peur de me tromper que la certitude d’avoir raison.  

Notre préhistoire

A l’université, j’ai été confronté, comme tous les étudiants de mon époque,  au problème de la nation arabo-islamique, de notre berbérité et de la notion de falsification de notre histoire. Je voulais savoir pourquoi, comment, dans quel but, par quel moyen, quand, en quoi et  par qui etc. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à étudier l’histoire de mon pays de façon critique pour comprendre notre passé, et en tirant des leçons et une expérience, de ce que je pense ou croit avoir été des erreurs qu’ils ont commises. Nos erreurs et celles de nos aïeux, nous aide à mûrir.  

Mes premières lectures, concernant les premiers hominidés, m’ont ouvert les yeux sur  la falsification de l’histoire. En effet le premier livre sur le sujet (édité en français, je m’excuse,  mais je ne me rappelle plus ni le titre ni le nom de l’auteur) disait qu’au paléolithique, en Afrique, les homo-sapiens étaient des «charognards» et en Europe, pour la même période, c’étaient des « chasseurs-cueilleurs».  Ce fut ma première constatation de la falsification de l’histoire: suprématie intellectuelle, préhistorique, de l’homme européen sur l’homme africain. Au fur et à mesure que je découvrais l’histoire de mon pays (en essayant de distinguer le faux du vrai) ma fierté grandissait  en apprenant que le Maghreb est mondialement connu pour son patrimoine préhistorique ((2), que nos ancêtres directs remontent au paléolithique inférieur (3,4), que nos ancêtres disposaient d’un système d’écriture antérieure au VII-V siècle av. J.C (5), que notre pays a abrité des royaumes, que nos ancêtres avaient donné des pharaons à l’Egypte, des empereurs à Rome, des écrivains célèbres, des religieux célèbres  etc. (6). J’ai été heureux comme un enfant qui vient de découvrir que sa Mère Patrie était et est Noble, malgré le fait qu’on a essayé de la clochardiser et dénaturer. Fier de savoir que nos ancêtres ont passé plus d’un millénaire, sur les deux derniers, à se battre contre des envahisseurs. Notre histoire est une succession d’invasions, de dominations étrangères et de rébellions incessantes contre les Phéniciens, les Puniques, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les arabes, et contre les puissances coloniales européennes. Malgré tout, nous  sommes toujours là, nous sommes toujours vivants et nous existons. Ma vision du monde changea ainsi que ma perception de mon pays. Ce fut mon premier «apaisement» et la naissance de mon «nationaliste serein et intellectualisé».

Notre histoire arabo-islamique 

Ma deuxième quête était de comprendre comment nous sommes devenus musulmans. Je ne comprenais pas pourquoi, nos ancêtres si braves et rebelles, avaient été vaincus par les armées «arabe» en quelques dizaines d’années (646-711)? Pourquoi n’ayant cédé devant aucun envahisseur pendant plus de 2000 ans ils avaient abdiqué en un laps de temps si court? Etais ce vrai ou alors  était- ce encore une manipulation de notre histoire? Pourquoi l’Islam s’est imposé de façon si massive alors que le Judaïsme et le Christianisme plus anciens n’y étaient pas parvenus? 

A l’époque on me disait que c’était «kofr, haram» ou alors de me convaincre par  des thèses saugrenues, qui ne satisfaisaient pas mon petit esprit. Mais je me suis dit le premier verset révélé au Prophète (SAWS) a été « Ikra », ce qui signifie étudie (sans distinction) et je me suis souvenu aussi de certains hadiths du Prophète (SAWS) qui m’avaient marqué: «La réflexion d’une heure vaut mieux que l’adoration d’une année» (7) (N° 51) «Recherchez la science, serait-ce en Chine, car la recherche de la Science est une obligation assignée à tout Musulman» (7) (N°59)  et «dormir en sachant vaut mieux que prier en ignorant» (7) (N°69).

La question était dès lors comment entreprendre une recherche sur les croyances et la spiritualité de mes ancêtres? Si une approche  directe est difficile à élaborer (nos ancêtres n’avaient pas laissé d’écrits sur ces sujets) mais une approche indirecte pouvait me donner un aperçu conforme, à travers une étude des «personnes» de ces époques, de leurs écrits, de leurs croyances. Donc on pouvait  faire un parallèle direct ou indirect sur les croyances de ces temps et donc sur les croyances de nos ancêtres. Le postulat étant qu’à chaque instant, il existe entre l’individu et sa société une réciproque influence aussi bien d’un point de vue philosophique, culturel, religieux, éducatif ou environnemental etc, c’est ce que j’appellerai une étude «paléontologique de la transposition spirituelle». Je ne cherche pas à établir un dogme, mais plutôt à comprendre (à tort ou à raison) la dynamique de la pensée de nos ancêtres et le «mystère» de l’implantation de l’Islam en Afrique du nord.     

Nos ancêtres ont été en contact avec le Judaïsme et le Christianisme pendant des siècles, mais ces religions n’ont jamais été adoptées massivement, pourquoi? La seule religion qui s’est implantée dans le cœur de nos ancêtres a été l’Islam, pourquoi et comment?  

Salluste, qui fut aussi gouverneur de la Numidie, à l’époque où notre pays était occupé par les Romains, écrivait il y a deux milles ans: «Les Numides… ne pouvaient être enchaînés ni par la crainte ni par les bienfaits » (8). Donc, pour moi, dire  que l’Islam leurs a été imposé était trop simpliste, d’autre part c’est un outrage et une invective à la mémoire de nos ancêtres, au vue de leur passé et de leurs combats. 

Quelques données religieuses préhistoriques : 

Bien avant les religions monothéistes «beaucoup de croyances berbères anciennes ont été développées localement, d’autres religions les ont  influencé et elles ont elles-mêmes influencé d’autres religions méditerranéennes traditionnelles, telles que la religion punique, égyptienne,  hellénistique etc (9), « leur religion traditionnelle, mettait fortement l’accent sur le culte des ancêtres, le polythéisme, et l’animisme»(10). «L’animisme du latin animus, (originairement « esprit », puis « âme ») est la croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres, le vent, le soleil, la lune, les forces de la nature etc.  (11). Mais « la grande divinité des berbères à l’époque de la première Carthage était Ammon ; il parait même le seul qui fit figure de grand dieu, le seul qui ne fut pas un simple symbole, une simple représentation magique d’une force mal définie(10), signifiant « le caché » ou « l’inconnaissable », ce qui  traduit l’impossibilité de connaître sa « vraie » forme, car il se révèle sous de nombreux aspects. Il est « Imen achâ renou », (Amon aux noms multiples) (12). Selon plusieurs historiens, le culte du dieu Ammon (Amon), pratiqué en Libye et en Egypte antique, était d’origine berbère avant de se répandre en Égypte (12, 13) « il est à noter que les Libyens, et encore à ce jour les Berbères, n’ont pas de représentations physiques de leurs divinités» (14).  Par ailleurs « le culte des morts chez les Berbères était différent de celui des autres peuples antiques, les Berbères et leurs ancêtres (Capsiens et Ibéromaurusiens) croyaient à la vie après la mort » (15). 

L’autre élément concret, est qu’à ma connaissance et à travers nos archives archéologiques, on n’a jamais trouvé de statues ou d’idoles qu’auraient adoré nos ancêtres ou alors juste quelques figurines et pièces de monnaie. Tous ces éléments laissent supposer «  qu’ils étaient déjà  prédisposés à un quasi-monothéisme » (13).

La chrétienté et le monothéisme

Ma recherche  sur les croyances de nos ancêtres  m’a guidée vers l’histoire de Saint Augustin (un berbère). Il est devenu Chrétien et est considéré comme un des plus grands théologiens de la Chrétienté. Je voulais comprendre pourquoi il avait acquis une grande notoriété et est considéré comme un des plus grands théologiens de la Chrétienté? Il est de mes ancêtres, je me devais, de comprendre, par moi-même, sa pensée, car s’il a marqué l’occident pourquoi sa pensée n’aurait pas marqué aussi  nos ancêtres? Je cite ce que disent les auteurs Chrétiens sur Saint Augustin : «Dans son œuvre sur la Trinité, Saint Augustin a eu pour objectif de combattre les erreurs de la raison qui corrompent la foi et de montrer la vérité de la Trinité des « personnes » en un seul et vrai Dieu » (16), en effet dans son traité sur la Trinité, il écrit «Au contraire, l’Esprit Saint n’a pas été encore étudié avec autant d’abondance et de soin par les doctes et grands commentateurs des divines Ecritures, de telle sorte qu’il soit aisé de comprendre également son caractère propre, qui fait que nous ne pouvons l’appeler ni Fils ni Père mais seulement Esprit Saint».(17). Jamais, « jusqu’alors, l’affirmation de Dieu comme Esprit n’avait supporté une telle entreprise d’explication» (18).  Par ailleurs, «Saint Augustin emploi, dans son œuvre, au moins cinquante-cinq mille fois les termes «deus», «dei», [Dieu] etc., soit en moyenne une fois tous les cent mots» (19). J’ai compté, par exemple, que dans son livre « Les Confessions », il cite Jésus-Christ 29 fois et Dieu 594 fois. Par ailleurs une vision un peu différente de celle de Saint Augustin se développa en Algérie sous l’autorité de Donatus Magnus (encore un berbère) : le culte donatiste, exigeait en plus de sa revendication princeps sur la désignation des papes, « la séparation de l’État et de la religion, et les donatistes avaient également des pratiques religieuses différentes, mettant l’accent sur le Saint Esprit » (20). 

 Ces deux personnes, charismatiques de l’époque, ont indiscutablement aussi influencé grandement la pensée et la spiritualité de nos ancêtres, car il est inconcevable qu’ils aient eu une aussi grande influence sur l’occident et non sur leurs concitoyens. Cependant ils ont été aussi influencés par le «monothéisme primitif » de la croyance de leurs ancêtres, ce qui les a distingué des autres théologiens de l’époque, car ayant privilégié la notion d’Esprit Sain dans leurs interprétations de la Trinité. Mais alors pourquoi nos ancêtres n’ont pas adhéré à la Chrétienté, non pas adopté massivement la croyance de Saint Augustin ou de Donatus Magnus. 

Il est probable que  la pensée d’un seul et vrai Dieu « Le Saint Esprit» a dut être renforcée chez nos ancêtres par la pensée de ces deux auteurs et les a marqué, et à mon humble avis, leur refus de la Chrétienne peut-être lié au Symbolisme de « Jésus sur la croix » et des «Icônes», car « les Berbères  n’avaient pas de représentations physiques de leurs divinités »(8). L’adoption du Christianisme par Saint Augustin, Donatus et d’autres peut s’expliquer par le fait, qu’intellectuellement, ils ont dépassé cette « symbolique figurative » focalisant plus sur l’aspect spirituel des textes Chrétiens.  A l’inverse, il est probable que cet exercice intellectuel n’a pas convaincu la majorité de nos ancêtres, qui n’ont pas adhéré et ont donc refusé cette symbolique pictographique, car elle allant à l’encontre de leur conception du Divin. Il est aussi possible qu’ils ont refusé la théocratie Chrétienne, dont la mesure ou leur(s) pratique(s) religieuse(s) étaient personnelle et libre de tout arbitrage ou guide. Je n’ai pas retrouvé de notion de « prêtre » dans la pratique religieuse de nos ancêtres.  

Ces faits peuvent, ainsi, aussi expliquer pourquoi ils ont adopté l’Islam, car d’une part il correspondait à leur vision et conception spirituelle du Divin, qui avait évolué sous l’influence de Saint Augustin et Donatus  vers un «Dieu unique non figuré». En plus de cette similitude spirituelle, la deuxième raison est que les arabes de l’époque, et l’Islam, n’ont pas touché à leur mode de vie, ni à leurs coutumes ou traditions, ni à leurs langues, ni ne les ont opprimés. Car comment l’Islam aurait-il pu s’implanter si rapidement, au sein de cette population rebelle et insoumise, si c’était par contrainte? Les autres faits renforçant la notion d’adoption de l’Islam et non une pratique imposée est  qu’aucune rébellion n’est rapportée par l’histoire après leur islamisation, de plus sous le Commandement de Tarik Ibn Zyad (un berbère) « à la tête d’une armée composée exclusivement de berbères ils vont propager l’islam en Espagne en moins de dix ans (711 à 720) » (21,22) et ceci rapidement après le décès de Lalla Dihya. Comment auraient ils édifié des dynasties maghrébo-musulmanes (Almohades, Almoravides, Fatimides etc.) (3) s’ils n’avaient pas adopté cette religion.  

On pourra soulever deux oppositions  en disant que le Christianisme et le Judaïsme, en Algérie, ont été réprimés et détruits par l’Islam et d’autre part pourquoi alors les  berbères ont combattu les arabes? Ces contre-arguments sont vites effacés par le fait que d’une part là où le Christianisme et Judaïsme était implantés les musulmans les ont respecté (par exemple en Egypte, Syrie, Irak etc.) donc  pourquoi les auraient-ils détruit au Maghreb? Les berbères en ayant conquis l’Espagne ont respecté les croyances Chrétienne et Juive, pourquoi l’auraient-ils fait si l’Islam en s’implantant en Algérie avait réprimé le Christianisme et le Judaïsme? Les Chrétiens et Juifs en Afrique du nord ont-ils été victime d’un «génocide» que ne rapporte pas l’histoire et que les historiens européens ont évité de rapporter par complaisance?  

Je suis fier,  que nos ancêtres aient combattu avec vigueur les « arabes » en tant qu’ «envahisseur», comme nous le ferions maintenant et ce quelle que soit l’origine de l’envahisseur. Tout comme je suis fière que nos ancêtres aient adopté l’Islam comme religion, car leur vision et perception religieuse se retrouvaient beaucoup dans l’Islam. Cette islamisation sera conservée et défendue âprement par nos aïeux durant la colonisation tout comme nous le faisons maintenant et comme le feront nos enfants et ce jusqu’à la fin des temps, incha Allah.

Autres arguments

On cite souvent Lalla Dihya (La Kahina) comme symbole de la résistance berbère à l’invasion arabe et à l’Islam, on dit qu’elle était Chrétienne ou Juive. Un  autre artifice falsificateur de notre histoire. La motivation idéologique de cette thèse, en focalisant sur sa pseudo-religion et en reléguant au second plan son origine, est un endoctrinement perfide et sournois, nous assimilant  à un peuple inferieur, nécessitant toujours une tutelle religieuse et/ou étrangère pour nous guider. Lalla Dihya était une Reine au sens Noble du terme, elle était Algérienne, Elle fut l’une des premières reines guerrières de l’Histoire.  On sait qu’«elle ne menait aucune représailles contre les arabes fait prisonniers» (23). Il est bien avéré qu’elle avait fait prisonnier le neveu de Hassan Ibn Al-Nu’man à qui, «non seulement, elle laisse la vie sauve, suivant une coutume berbère (l’aghnaya ou protection), mais qu’elle adopte alors qu’elle avait deux fils» (24). 

Sa mort aussi est diversement décrite, mais ce qui est certain est qu’elle a demandé à ses fils de se rendre à Hassan ibn al Nu’man et d’adopter l’Islam (23, 24). Pourquoi avoir agi ainsi ? Pour sauver ses enfants, alors que beaucoup de guerriers sont morts sous son commandement? Je ne le pense pas. D’une part jamais les autres guerriers ne l’auraient laissé faire pour ce motif. La raison qui me paraît la plus logique et qu’au contact du neveu d’Hassan elle a compris ce qu’était l’Islam. Il était trop tard pour elle de se renier, après avoir mené tant de berbères à la mort et, elle ne pouvait pas envoyer ses enfants sans l’aval et l’appui de sa troupe, qui va la suivre dans sa dernière bataille. Envoyer ses enfants vers cette religion, était un signe fort destiné aux autres berbères, à qui ses enfants montreront la voie. Les berbères adopteront l’Islam rapidement car il répondait à leur spiritualité. Cette analyse  me parait logique et renforce le concept de l’adoption de l’Islam par nos ancêtres. L’islamisation fut un choix libre, médité et non imposé à nos ancêtres. 

D’autre part, si on analyse notre passé récent, l’Algérie a été colonisée par la France pendant 150 ans mais le Christianisme ne s’est pas implanté malgré toutes les tentatives. Des milliers d’Algériens vivent à l’étranger en milieu Chrétien, je n’en connais pas beaucoup qui se sont Christianisés ou Judaïsés. Cette idée d’une implantation «forcée» de l’Islam est une insulte à la bravoure de  nos ancêtres et une fantaisie coloniale utilisant la religion pour nous diviser.

Le monde arabo-musulman

Parler d’un monde ou d’une civilisation arabo-musulmane est une falsification de l’histoire et d’un point de vue religieux c’est la  création d’un autre schisme dans l’islam. L’Islam est universel, il a été révélé au prophète Mohamed (SAWS) pour l’humanité toute entière et non à la partie arabe de l’humanité. En 2010, le nombre de musulmans dans le monde est estimé à 1,6 milliard, soit 23,2 % de la population mondiale (25) alors que seulement 20% environ des musulmans vivent dans des pays arabes (26). Le terme  «civilisation arabo-musulmane» suggère, à prime abord, une entité continue et uniforme, qui dans la réalité est une entité fragmentaire géographiquement,  inhomogène dans sa constitution ethnique mais continue dans son développement spatiotemporel. D’autre part si la langue de révélation du Coran fut l’arabe, cette langue n’est pas une condition sine qua non pour la diffusion de l’Islam à l’humanité ni un facteur pour  le restreindre à une population arabe. La langue arabe ne peut être un facteur de distinction ou de discrimination entre les musulmans ou un critère de domination ou de supériorité des musulmans arabe sur les non-arabes. En effet dans son dernier sermon, le prophète Mohamed (SAWS) a dit entre autre «..Toute l’humanité descend d’Adam et Ève. Un Arabe n’est point supérieur à un non-Arabe, et un non-Arabe n’est point supérieur à un Arabe; et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que les Noirs ne sont point supérieurs aux Blancs.  Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en piété et en bonnes actions…. » (27). Par ailleurs la langue arabe ne peut être un facteur tyrannique et hégémonique d’union ou de rassemblement car cela irait contre l’Esprit et le Message de l’Islam. 

Par ailleurs lorsqu’on parle de civilisation musulmane, certains auteurs utilisent sciemment le terme civilisation «arabo-musulmane», falsifiant ainsi l’histoire et bafouant l’impartialité intellectuelle, car donnant une primauté aux arabes sur les non-arabes. Bien que des dynasties musulmanes se soient développées dans des pays non-arabes, leur apport à cette civilisation magnifique est  ainsi grandement dissous et occulté par cette terminologie. En effet cette dualité arabo-musulmane occulte la contribution non-arabe à la civilisation musulmane et inverse le sens de cet apport qui est dès lors perçu comme une contribution «civilisationnelle» des arabes envers ces pays. Ce fait modifie grandement la perception « locale » de cet apport qui peut engendrer un conflit identitaire dans ce pays, car une partie de sa population va l’intégrer dans sa culture et l’autre le rejeter l’assimilant à un apport étranger. Il est important pour une vérité historique de souligner que la civilisation musulmane n’est pas la création du seul peuple arabe. Des peuples de races et de langues différentes y ont contribué. C’est le cas des dynasties musulmanes développées au Maghreb et dans d’autres régions telles que l’Asie centrale, l’Iran, la Turquie et l’Empire Mongol de l’Inde. Le génie propre de ces  peuples non-arabes, ayant participé à cette grandiose œuvre collective, a été effacé et occulté par ce terme arabo-musulman. Prétendre que le mot «arabe» désigne la langue est une ineptie pour justifier cette falsification car les civilisations se définissent par rapport aux peuples qui les ont érigés et non à leur(s) langue(s).

Une autre double iniquité historique touchera les savants  non-arabes qui ont été étiquetés de savants arabes, privant ainsi leurs pays et ethnies d’origine de cette identification intellectuelle historique. En effet tout savant ou  homme érudit professant la religion musulmane et parlant l’arabe a été considéré comme Arabe, bien que souvent d’origine non-arabe. La similitude serait, à notre époque, de considérer que tout savant parlant anglais est Anglais. A cet amalgame  va s’ajouter une latinisation grotesque du nom de certains savants par les occidentaux par exemple Avicenne (Ibn Sina (Perse- Iran), Averroès (Né à Cordoue-Andalousie- Mort au Maroc), Geber (Jabir Ibn Hayann, Perse-Iran) etc. L’équivalent de cette latinisation serait de  nos jours de traduire en arabe les œuvres de Shakespeare et d’arabiser son nom en « Cheikh Zoubir » par exemple. 

Ainsi historiquement l’essence, ou seul dénominateur commun, à ces diverses dynasties musulmanes donc à cette civilisation, a été sans conteste l’Islam. Néanmoins il ne faut pas renier ou dénigrer le rôle joué par la langue arabe pendant des siècles. Cette langue, a été un outil de propagation scientifique, culturel et intellectuel pour l’ensemble du monde civilisé (à l’exception de l’extrême orient) d’œuvres scientifiques, d’auteurs de différents horizons, et a donné naissance à ce qu’on  pourrait appeler les « sciences modernes ». Tout comme aujourd’hui ce monopole de langue scientifique revient à l’anglais et que dans l’antiquité il a été d’abord grec puis latin. Mais la caractéristique commune à toutes ses dominations linguistiques et qu’aucune n’a provoqué une extinction des autres langues ou dialectes. Elles ont enrichie ces langues mineures si on fait une analogie avec l’espagnol pour l’arabe ou le latin avec les autres langues européennes et elles se sont elles-mêmes enrichies de ces langues mineures si on fait l’analogie avec le perpétuel enrichissement de l’anglais à partir d’autre langues.

Renaissance de l’occident et déclin du monde islamique

L’analyse de cet aspect est un puzzle tridimensionnel, multifactoriel et complexe dans le continuum espace-temps  L’approche faite ici est juste un survol bref, relatant ma compréhension de cet antagonisme évolutif et corroborant l’analyse globale de notre situation actuelle. Ma curiosité s’étant focalisée plus sur le déclin de la civilisation islamique que sur la renaissance occidentale.  Cependant une analyse comparative permet une meilleure compréhension et confirme la justesse d’une analyse par similarité. Si l’inversion des causes provoque l’inversion des conséquences, elle confirme la justesse de l’analyse et celle des relations considérées. 

Succinctement, la renaissance de l’occident  naquit à Florence (en Italie) grâce aux artistes qui pouvaient y exprimer «librement» leur art. Elle sera associée graduellement à la redécouverte de la littérature, de la philosophie, des sciences et l’apparition de nouveaux modes de diffusion de l’information (imprimerie) ayant comme conséquence une alphabétisation plus importante des sociétés occidentales et l’élévation de leur niveau intellectuel et s’accompagna aussi d’un ensemble de réformes religieuses, une lecture scientifique des textes fondamentaux, avec comme finalité la séparation de l’état et de la religion. D’autres facteurs y ont contribuées tel que la suprématie militaire, le renouveau des échanges commerciaux, la découverte du nouveau monde, le changement de la configuration géopolitique du monde etc.

Le monde islamique lui va entrer dans son déclin. Ce déclin a été diversement analysé et plusieurs hypothèses ont été émises pour justifier cette décadence  dont soit des facteurs essentiellement politiques, alors que d’autres prétendent qu’il est d’ordre plutôt social et culturel, incriminant l’enfermement du monde musulman sur lui-même, la confiance aveugle dans sa suprématie et son refus d’adopter les idées et les techniques occidentales venues de peuples longtemps jugés avec mépris (28)

Pour comprendre le déclin d’un état, il faut déterminer les causes de son évolution et épanouissement. Globalement l’épanouissement de la civilisation musulmane est dû principalement, mais non exclusivement, à l’effort de réflexion, d’analyse et de déduction (Ijtihad : accomplir l’effort de réflexion par la déduction, l’explication, l’interprétation, le raisonnement etc) qui a été élevé par le Coran comme acte de véritable devoir religieux du musulman et situé au-dessus du « Djihad ». Le Coran a toujours encouragé la quête de la connaissance en plaçant les savants au plus haut degré d’accomplissement de l’échelle humaine, l’Islam n’a posé, (à ma connaissance, bien qu’imparfaite du Coran) aucune limite ou interdiction à la connaissance ou à la recherche scientifique mais qu’il l’a au contraire encouragé voir exigé comme effort intellectuel du croyant. Ma compréhension et  interprétation de la première sourate révélée au Prophète Mohamed (SAWS) « Ikra » a été la pierre angulaire de mon développement intellectuel parce que ALLAH a privilégié le savoir sur son Adoration et d’autre part, il n’a pas restreint le savoir au Coran uniquement, car il n’a pas dit Ikra le Coran, mais Ikra tout simplement englobant de ce fait toute la Science. Ceci est confirmé par plusieurs hadiths du Prophète Mohamed (SAWS) (6 N°51, 56, 69). Cette approche de la foi mène indiscutablement le croyant à une adoration pure et véritable, librement choisie par opposition à une adoration imposée par la peur de l’enfer ou l’espoir du paradis. Je présume, en toute logique, que ce raisonnement a pu être aussi celui des savants de l’époque. Ainsi les premiers siècles de l’ère islamique vont se caractériser par une attitude de tolérance à l’égard de la liberté (d’explication) du domaine religieux. Les savants en appliquant ce concept non seulement au droit religieux mais en l’adoptant comme principe fondamental de leur pensée, et dans leurs lectures des œuvres antérieurs grecs, latines etc  vont trouver des thèmes d’inspiration à la recherche scientifique, philosophique, astronomique etc., entraînant une floraison de tous les domaines de la science et l’épanouissement et suprématie du monde islamique. Cependant le nombre croissants de savants, de courants philosophiques, et le libre examen des Écritures pouvaient donner naissance à différentes écoles de pensée islamique et de ce fait générer des schismes, des sectes, et finalement dénaturer le message islamique originel. Ceci amena les théologiens du X siècle à l’établissement d’un consensus interdisant le libre examen du Coran.

Ce consensus désigné sous l’appellation de « fermeture de la porte de l’Idjtihad » se traduira dans la pratique par l’instauration d’un «conformisme», précepte impliquant la censure de la pensée des savants a autre chose que l’explication et l’interprétation des dogmes tels qu’établi par les premiers précurseurs de la pensée islamique. La pensée éminemment « progressiste » dont se prévalaient les premiers docteurs de l’islam ne tarda pas à faire place à une nouvelle attitude de frilosité intellectuelle et de défiance collective à l’égard des sciences rationnelles, en particulier la philosophie A partir de là, toute velléité de novation, de néologisme, de critique ou de remise en doute des enseignements des anciens allait systématiquement être taxée d’hérésie, Cette idéologie conformiste archaïque et stagnante voir rétrograde persiste de nos jours. Dès lors le Djihad va surplomber l’Ijtihad. A mon sens, cette relation est antinomique  et inversement proportionnelle, plus le Djihad s’amplifie plus l’Ijtihad s’éteint menant alors la société vers la stagnation et la régression. Si on ne progresse pas on régresse forcement, car la science évolue rapidement. Si le progrès est un processus long acquérir les effets de la régression sont très rapides et mènent rapidement vers l’obscurantisme. Il est plus facile de détruire que de construire. D’autres facteurs ont certainement joué aussi un rôle, mais à mon humble avis, ce conformisme à un passé, aussi glorieux soit-il, a été la cause principale de la régression du monde musulman, car la science est en perpétuelle progression et évolution. 

 Origine et évolution de la dichotomie arabo-amazighe (berbère)

Avant la colonisation, l’Algérie et les  peuples du Maghreb vivaient en harmonie, serein  de leur identité et assumant leur islamisation et développant des dynasties musulmanes locales. Pour asseoir sa domination, la colonisation française, devant l’impossibilité de changer nos origines ou de nous évangéliser, va utiliser la riche diversité des composantes de notre identité ethnique  et de nos langues pour nous diviser. Elle va utiliser le critère ethnique pour nous subdiviser d’une part entre arabes et berbères et entre les différentes ethnies berbères et elle va aussi développer une ségrégation basée sur le langage entre les arabes et berbères de façon globale tout en essayant de nous franciser à défaut de nous évangéliser, le tout sous couvert d’une prétendue « mission civilisatrice » d’une nation indigène sous développée (mais qui a contribué à la grandeur de la civilisation musulmane en lui donnant plusieurs dynasties). Cette destruction de notre trilogie arabo-amazigho-islamique multifactorielle élaborée par le colonialisme, sera maladroitement combattue par nos intellectuels (oulamas), aussi bien berbérophones qu’arabophones. Plus théologiens que savants ou historiens, ils vont tenter d’unir le peuple en s’appuyant  sur la dualité arabo-musulmane durant la colonisation, se focalisant sur l’émancipation de la langue arabe et de l’Islam. La notion d’indépendance qui pouvait être un facteur crucial d’union n’est pas pris en compte (d’ailleurs le déclenchement de la guerre d’indépendance se feras, sans eux, par un groupe historique des 22 dont beaucoup ne maitrisaient pas l’arabe mais le dardja notre langue vernaculaire et véhiculaire entre toute les ethnies de la nation.). Cette vision lacunaire et erronée, vestige d’un passé glorieux, et ancrée par le « conformisme » en vigueur, va aussi être utilisée durant la guerre de libération pour rattacher l’Algérie, à ce monde «arabo-musulman». 

L’utilisation  de la thèse arabo-musulmane, par les leaders de la révolution, peut paraître logique et judicieuse. S’assimiler au monde «arabo-musulman», avec qui nous avions comme point commun (national) «la religion» était assez sage, mais peut être l’ont-ils jugé insuffisant, et donc pour ne pas être rejeté de ce «groupe», ils ont  inclus la langue arabe, en essayant de falsifier notre histoire en la déformant (annihilation de notre amazighité) pour nous fondre dans ce monde arabo-musulman. Effectivement cette démarche nous donnera quelques appoints, surtout politique, particulièrement de l’Egypte. L’apport de la Tunisie et du Maroc seront plus humanitaire (déplacement de population fuyant la guerre avec une  autonomie militaire plus marquée en Tunisie qu’au Maroc). Mais notre révolution se tournera vers les pays de l’est, pour une aide matérielle militaire, devant la frilosité des pays arabes. Après avoir arraché notre liberté et récupéré notre pays, même si on était faible, on n’a jamais admis le tutorat des autres pays arabes (notamment l’Egypte) ou non arabes  malgré leurs tentatives.

A l’indépendance, le FLN va maintenir l’erreur et continuer le discours nationaliste basé sur la dualité arabo-islamique au lieu d’oser prendre ses responsabilités et de considérer notre trilogie identitaire arabo-amazigho-musulmane. Par ailleurs les facteurs de division vont  se diversifier et augmenter la fracture sociale. Le FLN va accentuer cette erreur par une arabisation massive et on dénigrant les autres langues liées à l’amazighité ainsi que la langue française (que de nombreux intellectuels algériens ont considéré comme un butin de guerre utile à l’Algérie et non une soumission à la France). Cette politique d’arabisation va susciter une controverse et de nombreuses critiques aussi bien de ceux qui la défendent, lui reprochant sa lenteur d’application et la justifiant par le prétexte, de sa nécessité, pour compléter notre indépendance que de ceux qui critiquent cette stratégie au motif entre autre que la langue arabe ne peut garantir un enseignement de qualité dans les disciplines scientifiques et techniques et que ceci comporte le risque de freiner la modernisation de notre pays, car elle ressusciterait des dogmes ancestraux et serait porteuse de valeurs dépassées. Cette politique va créer un climat politique  délicat pour la cohésion nationale en provoquant une autre dichotomie aussi bien de la population que de la classe intellectuelle qui va opposer les courants arabisant et francisant. A la mort du président Boumediene le problème identitaire après une éruption étouffée va somnoler du fait de l’amoindrissement, sous Mr Chadli, des appareils répressifs de l’État et de l’assouplissement du monopole de l’état. Dans le monde l’invasion russe en Afghanistan va être le prélude au développement d’une internationale islamique djihadiste initiée par les nations du moyen orient sous couvert des USA. Cette idéologie politico-militaro–religieuse va contaminer une partie de notre jeunesse.

L’ouverture politique vers le multipartisme décidée par M. Chadli va ouvrir la porte à l’implantation cette idéologie avec l’aide financière, des états du moyen orient et de l’Iran, au FIS qui débouchera  sur une décennie noire dramatique, et une instabilité politique du pays avec une nouvelle forme de dichotomie de la population nationale entre les courants islamiste et démocrate. En Avril 1999 M. Bouteflika est élu président de la république. Il instaura le pacte de la concorde civile avec les islamistes. Il s’accaparera le pouvoir jusqu’au 2 Avril 2016. Sous son règne  la corruption, la fracture sociale, l’injustice, l accaparation de tous les pouvoirs institutionnel et juridique connaîtront un développement inimaginable menant à une « décadence » de l’État algérien. La prorogation de son règne pour un 5 mandat, décidé par le système politique, va être la goutte qui fait déborder le vase et provoquer un soulèvement populaire, national, pacifique et  historique, réclamant son départ. Sous ses 4 mandats les clivages sociaux vont s’étendre et se diversifier englobant plusieurs thèmes séparatistes voir ségrégationnistes.

Au terme de cette analyse, la question, qu’on est en droit de se poser, est de savoir si la mort suspecte de Boumediene (dixit  Hamed El Djabouri ex-ministre des affaires présidentielles et étrangères irakiennes (29-31), les évènements de la décennie noire et l’atteinte à notre économie avec la dépravation  étatique de l’Algérie par une oligarchie nationale ne font pas partie du même complot ?  

Sommes-nous Arabe, Amazighe ou les deux ?  

En Algérie, si durant la colonisation et la guerre d’indépendance, l’utilisation politique de cet amalgame idéologique arabo–musulman pouvait avoir sa raison d’être et se justifier  il est incongru et inadmissible de nos jours, car le monde change et évolue et nous devons évoluer et progresser. La Chine, l’URSS et bien d’autres nations ont su faire leurs transitions et évolutions en tenant compte de leurs spécificités et intérêts nationaux  en se débarrassant des doctrines périmées et improductives, pour se tourner vers le progrès et la modernité. On ne peut hypothéquer l’avenir de notre pays pour des raisons ou des motifs contraire à l’intérêt national, de son unité et de sa stabilité, sans pour autant rejeter ni l’arabe ni notre appartenance au monde musulman, mais on ne peut renier notre identité ni nous dénaturer comme le voulait le colonialisme qui faisait de nos ancêtres des gaulois, ou  nos dirigeants passés en nous rattachant à une arabité qui n’est pas la nôtre. Il nous appartient de réaliser notre propre transition vers le renouveau de L’Algérie, l’intérêt national primant sur toute autre considération de quelque nature qu’elle soit et en tenant compte de nos spécificités et particularités. 

En effet être d’expression arabe et être arabe s’opposent et se démarquent  par les faits culturel, ethnique, sociologique etc. qui les séparent. Il nous appartient de construire notre « arabo-amazigho-islamité » plurielle nous-même, sans l’importer  « clef en main » de l’extérieure, mais en tenant compte de notre riche diversité culturelle qui doit être notre richesse et non manipulée pour en faire notre faiblesse. Celui qui dit je suis arabe ne sait pas si ses ancêtres ne sont pas des berbères arabisés  ou ne proviennent pas d’une autre nation, non-arabe, islamisée. Celui qui dit je suis berbère ne peut pas prouver que ses ancêtres ne sont pas des arabes « berbérisés » ou qu’il n’est pas un descendant d’un turc, d’un romain, d’un phénicien ou d’un prisonnier, romain ou phénicien, venant d’une autre  nation et qu’il s’est installé en Algérie et s’est berbérisé. Si individuellement on ne peut prétendre a une distinction absolue et véridique, nous ne pouvons cependant renier le caractère originel de notre amazighité. En effet les études génétiques confirment la complexité du peuplement de l’Afrique du Nord mais lui reconnaisse  une origine atérienne et ibéromaurusienne avec une composante d’origine arabe et carthaginoise et une composante génétique plus fréquente en Europe de l’ouest qui est aussi retrouvé dans nos gênes (32).  

D’autre part parler une langue ne vous rattache pas forcément à son peuple d’origine. Les Algériens qui s’expriment en français ne sont pas français, ne se considèrent  pas français. Un américain, un australien ou un new-zélandais bien qu’ils s’expriment en anglais, ne disent pas qu’ils sont Anglais. Les Américains, forment une jeune nation composée par  une population plus cosmopolite que la nôtre, mais tous se considèrent Américains et ne se définissent pas par rapport à l’origine de leurs parents ou grands-parents ou arrière grands-parents même s’ils gardent des attaches culturelles ou autres. 

Renier l’Amazighité de l’Algérie ou de l’Afrique du nord est un non-sens, scientifique,  intellectuel et historique et une aberration destructrice du socle de notre peuple et des peuples du Maghreb et des pays se rattachant à cette ethnie.

L’Algérie et son peuple    

L’Algérie est une terre accueillante, son peuple est pacifique et généreux de nature et ce dans toute sa diversité ethnique ancestrale. Nos ancêtres ont défendu, avec passion, acharnement et courage, des siècles durant ce pays. Chaque parcelle de cette terre a été irriguée par le sang des millions de martyrs,  qui se sont sacrifiés pour elle, depuis la nuit des temps. Si notre histoire est jalonnée de guerres et de rébellions, vigoureuses et acharnées, contre ceux qui venaient avec un esprit belliqueux, notre peuple de par la multiplicité et le brassage des populations, provoquées par toutes ces invasions, a su développé un bien vivre ensemble en intégrant ceux parmi les « envahisseurs » qui voulaient s’intégrer et ensemble ils ont finis par former un seul peuple: les algériens. Nos ancêtres ne se sont pas focalisés à imposer à l’autre, leur langue maternelle respective aveuglement, ils ont eu l’intelligence et la sagesse d’améliorer une langue vernaculaire de l’antiquité en l’enrichissant par l’arabe pour véhiculer leur pensée (dardja) et ont appris le bien vivre ensemble en harmonie, dans la sérénité, chacun apprenant de l’autre enrichissant ainsi la globalité. Leurs intellectuels ont appris la langue scientifique de leur époque (arabe littéraire) et ont contribué au développement de la science pour le bien de l’humanité. 

    Ce peuple sera opprimé pendant 150 ans par le colonialisme, car il avait oublié qu’il était un. Les Algériens retrouveront cette unité pendant la guerre de libération. Il est temps d’éradiquer à jamais, de nos mentalités et comportements, nos démons discriminatoires ou xénophobes et nous débarrasser de nos penchants séparatistes qu’ils soient conscients ou inconscients. Ou nous nous réunissons pour former une nation, unie, moderne, forte, reposant sur son trépied identitaire ou nous mourrons misérables et opprimés. D’après Lycurgue, (législateur mythique de Sparte) « une ville bien défendue est celle qui est entourée d’un mur d’hommes, et non d’un mur de briques ». (33)

Conclusion

 Je ne suis ni historien, ni politicien, ni engagé dans une structure étatique ou politique quelconque. Je ne suis qu’un citoyen  algérien formé par l’université algérienne qui s’est construit sur le trépied identitaire de son peuple en se basant sur la sourate Ikra, et qui pour des raisons multiples a émigré. Mon écrit n’est pas un dogme, cette approche peut être discutable et l’est certainement, malgré toute ma concentration, et mes relectures, des passages peuvent avoir été mal rédigés  je demande votre indulgence. Je ne cherche pas à convaincre, ni à démontrer, et encore moins  à heurter la sensibilité ou offenser qui que ce soit. Je m’en excuse d’avance, si cela se produit à la lecture de cet article dont le but n’est pas d’attiser les passions mais d’amener chacun à se faire sa propre opinion par une introspection personnelle basée sur sa propre recherche et  une analyse lucide de sa vision identitaire, non seulement dans son intérêt personnel mais dans celui de la nation et des générations futures à qui nous transmettrons je l’espère une Algérie sereine, épanouie, unie et forte et apaisé dans son identité comme nous l’ont mane Hamlat

transmis nos aïeux. Je demande pardon et m’excuse auprès de mes compatriotes arabophone de ne l’avoir écrit qu’en français, malheureusement, je ne maîtrise pas l’arabe littéraire . 

Je suis né Algérien, je mourrais Algérien. 

Dr Abderrahmane Hamlat

PH en Neurochirurgien

Références

1) Guillaume A «Diachronie et synchronie : passerelles (étymo)logiques», Volume XV – n°2 ;2010

2) Despois Jean. Le peuplement préhistorique de l’Afrique du Nord, d’après M. L. Balout. In: Annales de Géographie, t.66, n°357, 1957. pp. 456-459  

3) Dalil Boubakeur,  Les amazighs à travers l’histoire.

4) https://www.scribd.com/doc/33913976/Histoire-des-Berberes

5) Chaker S, Hachi S. A propos de l’origine et de l’âge de l’écriture libyco-berbère in: Etudes berbères et chamito-sémitiques, Mélanges offerts à Karl-G. Prasse, (S. Chaker, éd.), Paris/Louvain, Editions Peeters, 2000, p. 95-111.

6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_personnes_berb%C3%A8res

7) http://www.bostani.com/livre/recueil-de-hadiths-du-prophete.htm

8) Œuvres complète de Salluste. Guerre de Jugurtha. Traduction Française  Charles Durozoir- Paris Garnier Frères Libraire Editeur 1857, page 103

9) Croyances berbères in : https://fr.wikipedia.org/wiki/Croyances_berb%C3%A8res

10) Basset H, « Les influences puniques chez les Berbères », dans Revue Africaine no 62, 1921, p. 367-368

11) https://fr.wikipedia.org/wiki/Animisme

12) Ruth Schumann Antelme & Stéphane Rossini. Nétèr – Dieux d’Égypte  ISBN : 2-86509-045-0

13) Camps, « Ammon », in Encyclopédie berbère, 4 | Alger – Amzwar [En ligne], mis en ligne le 01 décembre 2012, consulté le 27 avril 2019. URL: http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2477

14)  https://terraesanctuary.weebly.com/articles/lanimisme-berbere

15)  Michael Brett, Elizabeth Fentress et Parker Shipton, The Berbers, Blackwell, Oxford, 1996, p. 35.

16)  https://fr.wikipedia.org/wiki/De_la_Trinit%C3%A9_(Augustin)

17)  http://peresdeleglise.free.fr/Augustin/trinite.htm

18) https://www.questionsenpartage.com/la-th%C3%A9ologie-de-la-trinit%C3%A9-chez-saint-augustin

19) https://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_d%27Hippone#Madec1998

20) https://fr.wikipedia.org/wiki/Donatisme

21 https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Tariq_ibn_Ziyad 

22) Fundación El Legado Andalusí, Maroc et Espagne : une histoire commune = Marruecos y España : una historia común, Fundación El legado andalusì, 2005 (ISBN 9788496395046) page 12

23) https://fr.wikipedia.org/wiki/Dihya_(reine)

24) http://zamane.ma/fr/kahina-la-mysterieuse-reine-guerriere/

25) The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050 Religion & Public Life https://www.pewforum.org/2015/04/02/religious-projections-2010-2050/

26) https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_de_musulmans_par_pays.

27) https://www.islamreligion.com/fr/articles/523/le-dernier-sermon-du-prophete-mohammed/

28) Lewis Bernard, Que s’est-il passé ? L’islam, l’Occident et la modernité Paris, Gallimard, 2002, p. 25. 

29) https://www.lematindz.net/news/1656-boumediene-mort-empoisonne-en-syrie.html,  

30) http://www.rfi.fr/emission/20180505-houari-boumediene-mort-suspecte-1112

31) https://www.algeriepatriotique.com/2017/12/26/sait-ould-abbes-mort-suspecte-de-boumediene/

32) https://fr.wikipedia.org/wiki/Berbères

33) https://fr.wikipedia.org/wiki/Sparte

 

 




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