Dimanche 18 août 2019
Des grèves et de la désobéissance civile
Les manifestants revendiquent la désobéissance civile comme option de lutte. Crédit photo : Zinedine Zebar.
Le possible recours à la désobéissance civile semble contrarier Addi Lahouari à un degré inquiétant. Il y a une semaine il a brandi l’épouvantail de l’aile dure du régime que cette option favoriserait et prédit, en faux prophète, que Gaïd Salah sera écarté.
Par ce tour de passe-passe qui tient de la carotte et le bâton, il pense pouvoir influer sur une décision qui est du ressort du Hirak et lui seul. Par ailleurs, il est tout à fait clair qu’il ne peut y d’aile dure et d’aile modérée dans cette situation. Il est question de survie, du to be or not to be. Et jusqu’à preuve du contraire le régime en place fait tout pour perdurer. De même que tirer sur la population ne sera pas aussi facile. Il ne s’agit pas d’une petite révolte à calmer mais un rejet massif et surtout justifié au regard de la situation du pays.
Ayant sans doute réentendu les manifestants scander : « Rahou Djay, rahou djay… », il a reprit sa plume de service (le Matin d’Algérie du 14 août 2019) pour cette fois-ci mettre en garde contre les effets néfastes des grèves. Il remet donc ça avec une nouvelle approche. Jouant sur les sentiments, il rappelle qu’une grève des CCP pénalisera en premier les pauvres ‘’retraités qui ne pourront pas toucher leurs maigres retraites’’. C’est de la manipulation grossière, car c’est la majorité des salariés et fonctionnaires de l’état qui sera concernée, pas seulement les retraités. Et pour que cela puisse se produire il faudrait des grèves illimitées. Ensuite il se pose en défenseur de la chose publique.
Ainsi il serait mal venu et “anti économique” de mettre à mal la Sonelgaz, société qui appartient à l’Etat. Oubliant qu’actuellement l’Etat est au service du régime qui l’a accaparé. D’autre part c’est plutôt la mauvaise gestion qui est à l’origine des problèmes de cette société qu’il faut dénoncer et non une hypothétique grève qui ne risque absolument pas d’altérer le pouvoir d’achat des ‘’consommateurs’’.
Dans sa lancée, il se place en défenseur de ceux qui n’ont pas de voitures et s’inquiète faussement de leur devenir en cas de grève des transports. Une lapalissade tout simplement irréelle. Ces déclarations sont vraiment dignes des patrons et partis que je ne citerais pas. C’est incroyable, mais il va falloir rappeler que l’action de grève vise à appuyer les revendications sociales des salariés en faisant pression sur l’employeur (qui peut être l’Etat), par la perte de production que la cessation de travail entraîne. Il s’agit d’une épreuve de force : le gréviste n’est pas rémunéré alors que l’entreprise ne produit plus et perd de l’argent. Tout le monde y est perdant mais les degrés des pertes et surtout leurs effets ne sont pas les mêmes. Elle peut aussi être utilisée pour des revendications politiques.
A ce sujet il y a lieu de rappeler à Addi que le FLN n’a pas interdit à la population algérienne de fumer pour nuire à l’économie coloniale mais pour des motifs politiques habillés de considérations religieuses et avait expliqué qu’il était préférable et patriotique de verser l’argent servant à cet achat à la révolution. Il aurait été mieux inspiré (et peut être plus honnête ?) de mentionner la grève des 8 jours (28 janvier-4 février 1957) qui a été, de part ses motifs, sa méthodologie, son caractère général et ses résultats, un appui important à la Révolution et est un indicateur fort du degré de la mobilisation du peuple algérien.
De même qu’il aurait été plus indiqué et prudent de ne pas reprendre les versions du FIS et des terroristes islamistes qui ont mis à feu et à sang le pays durant les années 90. C’est un mélange de genre dangereux. Il est sur qu’un débat sur ce sujet devra, tôt ou tard, avoir lieu dans la sérénité et surtout l’honnêteté car il semble qu’actuellement il y’a une tentative de déformation inquiétante.
Pour terminer, j’aimerais rappeler que la désobéissance civile, objet de l’article de Addi, est quelque chose qui diffère complètement des grèves.
En effet la désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Il s’agit de défendre un intérêt supérieur à celui de l’individu par moyen de défi. Cette méthode semble avoir donné des résultats au Soudan.
Depuis le 22 février le hirak a fait preuve d’une maturité extraordinaire. Il lui appartient de choisir ses moyens de luttes. Nul n’est habilité à influer sur ses décisions du dehors.