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L’avènement d’un pouvoir civil ne suffira pas à résoudre les problèmes des étudiants (II)

TRIBUNE

L’avènement d’un pouvoir civil ne suffira pas à résoudre les problèmes des étudiants (II)

Les mêmes observations valent pour l’Algérie. Supposons que l’Armée se désengage totalement de la scène politique en renonçant à coopter les élites civiles nominalement en charge de la gestion des affaires publiques, comme cela est le cas aujourd’hui. Que se passerait-il ? 

L’Etat civil n’a pas de remède miracle pour libérer la jeunesse et contribuer à son épanouissement

Comment procèdera un pouvoir totalement civil pour remettre l’Algérie au travail, moderniser l’agriculture pour alléger la dépendance alimentaire de notre pays, faire redémarrer la croissance économique qui est quasi exclusivement liée à la commande publique (appelée à se raréfier), développer les énergies renouvelables, réduire la fracture territoriale, refonder et non pas seulement réformer l’école, l’université, la recherche, la santé, tous secteurs sinistrés. Comment procédera cet Etat dont il sera beaucoup attendu de lui, pour convaincre les algériens que nombre d’entre eux vivent au-dessus de leurs moyens non seulement au regard de la faiblesse insigne de la productivité du travail mais également au regard du système des subventions (implicites et explicites) des transferts sociaux, de l’aide au logement, du maintien de la retraite par répartition (nonobstant la diminution du nombre des actifs et le vieillissement de la population). Toutes ces aides ont représenté une moyenne de 30 % du Pib, chaque année, depuis 2004, ce qui est considérable. Va-t-il  laisser les entreprises publiques qui affichent des déficits structurels abyssaux rester sous perfusion du Trésor public, lui-même placé sous assistance respiratoire de la Banque d’Algérie depuis 2017, financement non conventionnel oblige.

Comment procéder pour maîtriser les dépenses publiques ? L’Algérie peut-elle se permettre le luxe de faire fonctionner une centaine d’établissements de formation supérieure, sachant que le produit de cette formation disparaît quasi complètement dans la nature, comme nous l’avons observé plus haut ? Comment va-t-il réduire la dette publique interne qui atteint les 49,6% du PIB, s’il n’engage pas résolument les privatisations et les cessions d’actifs sans cesse annoncées à grandes pompes mais invariablement différées ?

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Les entreprises publiques consomment des ressources, elles n’en créent pas. Les Banques publiques prêtent des méga-crédits aux oligarques, évincent les porteurs de projets bancables et ne respectent jamais les ratios prudentiels que la Banque d’Algérie est par ailleurs incapable de contrôler, faute de disposer d’un minimum d’indépendance ? 

Last but not least, les Algériens sont, en grande partie, hostiles à toute réforme économique et sociale, dût-elle améliorer les performances de l’entreprise, si elle induit un coût social, même modique et même rattrapable, par exemple grâce à la formation professionnelle.

L’Etat civil devra galérer dur pour inculquer aux Algériens les vertus du calcul économique, surtout au moment où le pays doit adhérer à l’Organisation mondiale du commerce. Force est d’admettre qu’aucun de ces thèmes n’a été soulevé par le Hirak, alors que chacun d’eux conditionne l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants dont tous n’auront pas la chance d’émigrer. Pendant 60 ans, le pays a été livré à d’immenses cyniques, obnubilés par la prédation, la corruption et l’affairisme le plus sordide. Ils ont considéré l’Algérie comme leur bien personnel ; un certain nombre, pour ne pas dire un nombre terrain de ceux qui ont combattu le colonialisme, l’avaient fait avec l’arrière-pensée de prendre sa place à l’indépendance et de transformer le pays en néo-beylik ; seuls Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi incarnaient un idéal révolutionnaire pur. Avec leur mort prématurée, c’est la révolution algérienne tout entière qui fut dévoyée et avec elle disparurent les derniers espoirs que le pays aurait pu nourrir pour son avenir et sa prospérité.

Conclusions 

  1. Les problèmes essentiels de l’Algérie sont des problèmes culturels, économiques et sociaux dont la résolution sur le moyen et le long terme, n’est ni affaire de pouvoir civil ni affaire de pouvoir militaire. Quiconque prétend le contraire est un imposteur. Il est fallacieux d’affirmer que les diplômés de l’enseignement supérieur verront les portes de l’emploi s’ouvrir devant eux, dès lors que le chef d’État-major et ses collaborateurs auront pris leur retraite. Tout se passe comme si nos sociologues, politologues, historiens etc., ne connaissaient pas le Ba.-Ba du fonctionnement d’un Etat, la  lourdeur de ses structures, le poids de la gestion de ses contraintes ; il faut du temps pour amorcer ces ruptures qui ne peuvent être que graduelles car le Grand Soir n’existe pas. Le général Ahmed Gaïd Salah a déjà fait beaucoup en éradiquant la corruption et le crime organisé ; il a permis à la justice, débarrassée de toute entrave, de faire en quatre mois ce qui n’a pu être réalisé en près de 60 ans. Désormais, rien ne sera plus comme avant. Il y aura un avant mai 2019, où l’impunité des puissants était la règle et un après 2019, où tout citoyen algérien, fût-il le gendre du militaire le plus puissant, devra rendre compte de ses méfaits devant la justice. Tous les algériens le disent. Et qui aurait pu imaginer, un seul instant, un tel tsunami judiciaire, il y a seulement six mois.

  2. Des choix irresponsables et même mafieux ont été faits par des hommes comme Chadli ou Bouteflika qui n’avaient ni l’un ni  l’autre le sens de l’Etat. Mais cela n’a été possible qu’avec l’adhésion de populations qui n’ont eu de cesse notamment, depuis  2010-2011, que de revendiquer le partage de la rente ou lieu de réclamer des réformes de structure. A. Benachenhou a raison de dire que tous les Algériens sont responsables du marasme actuel  car ils ont tous voulu aller à la soupe. Il est trop facile aujourd’hui de vouloir désigner des boucs émissaires. 

  3. Si les Algériens refusent de participer à une élection présidentielle pourtant entourée de toutes les garanties de transparence, cela signifie qu’il refusent la mise en œuvre de articles 7 et 8 de la Constitution révisée du 6 mars 2016 qu’ils n’ont eu de cesse que de brandir en février, mars et avril. Dès lors, le Haut Commandement militaire devra prendre ses responsabilités pour ne pas laisser le pourrissement de la situation délibérément provoqué par quelques aventuriers venir déstabiliser l’Etat et ses institutions et compromettre l’indépendance du pays et sa sécurité extérieure. 

Auteur
Ali Mebroukine, professeur de droit

 




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