Samedi 11 avril 2020
El-Harrach, cellule N° 40 (Acte IX)
De gros nababs ayant dirigé le pays et ses finances se retrouvent encastrés dans une cellule de la célèbre prison d’El Harrach, à Alger. Une salle où l’ambiance qui y règne, en ces temps de pandémie, mérite un plongeon entre ces murs, histoire d’en rire ou d’en pleurer. C’est selon.
De folles rumeurs courent la prison d’El-Harrach. Les gardiens parlent d’un virus mortel propagé dans le pays, et les détenus, en manque d’informations, sont pris de panique. C’est la psychose totale.
Ce qui est cependant loin d’être le cas dans la cellule N° 40, où l’heure est à la réjouissance.
– Testa3rfou bya wela lalla ? 9oultelkoum beli d3awi ta3 Sidi Marjajou s’hah (Avouez maintenant que mon choix était bon, ne vous ai-je pas dis que les prières de Sidi Marjajou sont entendues et toujours exaucées», se félicite Chahid-El-Hey, en poussant un rire bruyant auquel bientôt font écho ses codétenus, à l’exception d’Alilouche.
Ce dernier pose, en effet, un bémol en faisant rappeler à Chahid-El-Hey que sans le gros sac d’argent fourni par leurs contacts à l’extérieur des geôles, les prières n’auraient peut-être pas été formulées… ni exaucées.
Une petite querelle éclate entre les deux détenus avant que H’mimed n’intervienne pour calmer les esprits.
– L’heure n’est pas aux petites chamailleries ! Le temps presse et nous devons immédiatement mettre en place un plan d’action.
Les habitants de la cellule n° 40 acquiescent et chantonnent en chœur :
– Malheur à ceux qui ont cru nous ravir le pouvoir, vous voilà donc enfermés tels des prisonniers dans vos manoirs. Et lorsque les prières de Sidi Marjajou viendront à bout de vos espoirs, nous reprendrons le trône dans la gloire.
Au fond de la cellule, les comploteurs forment un Conseil de taulards. H’mimed prend l’initiative de distribuer les rôles, pendant qu’Alilouche se projette dans le partage du butin de guerre.
Jusque-là silencieux, Chahid-El-Hey s’interpose :
– En temps de guerre épidémiologique, c’est le Docteur qui fixe la stratégie et les règles.
Une querelle éclate de nouveau, mais c’est Tayeb-La-Planche qui intervient, cette fois-ci, pour faire le juge.
– Inutile de vous disputer la rente et les richesses, il n’y en aura que pour nous, comme toute la population est appelée à disparaître. Nous serons des maîtres sans sujets, comme nous en avions toujours rêvé, et l’injustice régnera aussi longtemps que les morts resteront sous terre.
Le Conseil est levé. Les taulards poussent un cri de guerre :
– Tout pour les 40, rien pour les autres !
En rejoignant chacun lit, tard dans la soirée, les habitants de la cellule sont plein d’assurance. Ils auraient certainement souhaité que cette nuit dure éternellement, et que le lendemain ne viendra pas anéantir leurs espérances. A suivre…
M.M
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LIRE : El Harrach, cellule numéro 40 (Acte VIII)
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