Mardi 13 octobre 2020
Entre guerre de chiffres et chiffres de guerre
Dans d’autres États, quand il s’agit de finances, le débat au sein de la classe politique prend la tournure d’une véritable guerre de chiffres. Partout on entend dire que ça va mal, que la crise sanitaire actuelle pourrait coûter des milliards et que la facture s’annonce salée pour au moins les trois prochaines années.
Les politiciens et autres économistes, dans ces pays, se disputent sévèrement et fermement les budgets annuels dans débats pouvant aller jusqu’à une semaine et souvent repris en direct par des chaînes de télévision.
En Algérie, notre gouvernement nous rassure et son analyse était la même l’an passé et l’année d’avant aussi, tout va bien nous dit-il, nous en avons les moyens et tout le monde trouvera son compte: Les travailleurs, les retraités, les handicapés, les différents ministères, la santé, l’éducation, la défense nationale, la présidence de la république, le développement économique…
Et voilà que d’une traite, à mains levées, notre APN a approuvé cette addition simpliste de chiffres, pourtant en milliards de dinars, que nous autres croyons à tort être une fonction polynomiale très difficile à résoudre. Pauvres de nous qui pensons que l’argent va en manquer pour les années à venir et que les chiffres s’avéraient difficiles à être arrêtés pour 2021.
Nous avons même cru plus grave, avec cette arrière-pensée de voir nos dirigeants paniqués pour s’empresser au recours à l’emprunt extérieur afin d’équilibrer le budget de l’année prochaine.
Nous avons le droit de nous inquiéter en tout cas; il s’agit bien de notre pays. Mais peut-on prouver qui a tort qui a raison, entre d’un côté nos gouvernants qui jurent de maîtriser la situation tout en nous rassurant que le trésor public est ‘’full’’, souriant et généreux; et de l’autre, le peuple qui dit que ça va être certainement le moment de la guerre des chiffres, vu qu’il n’arrive pas à joindre les deux bouts ? Qui dit vrai alors, quand on sait que la pandémie à elle seule, durant dix mois, à ébranlé tout ce qu’elle a rencontré sur son chemin, depuis nos finances, jusque à notre économie en passant par le couffin du citoyen, son mental et sa liberté de se déplacer. Une crise sanitaire qui n’a pas livré tous ses secrets, après qu’elle ait forcé l’économie mondiale à somnoler et le prix du pétrole à flancher drastiquement. Tout ça a un coût financier pourtant. Il n’est pas question que notre pays en fasse exception à la règle.
Sa crise est plus profonde, ajouté aux graves dégâts et au désastre causés par cette maudite et éternelle dépendance à la rente pétrolière et de l’État rentier. Une vraie et grave guerre des chiffres et des grands montants, pour que chacun impose sa place, est supposée naître et un débat responsable, houleux et fructueux aurait dû s’installer : Quand on sait qu’un déficit prévisionnel de plus de 2700 milliards de dinars est annoncé pour 2021 (différence entre les revenues et les dépenses dans l’année) – Que nos avions sont cloués au sol depuis plus d’une année – Que les entreprises Sonatrach et Sonelgaz ont besoin d’un minimum de 8 milliards de dollars par année chacune afin de maintenir en état leur outil de production. Quand on sait aussi que nos chemins de fer, notre métro et notre tramway attendent, à leur tour, leur part dans ce budget – Que nous avons plus de 350.000 établissements scolaires à entretenir, avec pas moins de 9 millions d’élèves et 2 millions d’étudiants à prendre en charge – Que plus de 3 millions de différents types de retraite à payer (avec un déficit criard de pas moins de 700 milliards de dinars au cœur même de la caisse nationale des retraites CNR) – Que notre secteur de santé est malade – Que notre ministère de la défense nationale doit empocher ses 10 à 11 milliards de dollars etc.
Qui entre le gouvernement et le peuple rêve en couleur, quand on sait que les 90% de nos recettes sont constituées de la fiscalité ordinaire et pétrolière, que les riches ne payent qu’une infime partie de leurs impôts ou ne payent pas du tout et que nos volumes des hydrocarbures à l’exportation ont drastiquement baissé. D’où allons-nous chercher des liquidités pour fonctionner, nous soigner, nous nourrir… et relancer notre économie?
Nous savons tous que nous ne pouvons pas dépasser la barre de 30 milliards de dollars de recettes pétrolières, pour l’exercice 2021, avec un prix maximum de référence de 40$ le baril. Pourrions-nous subvenir réellement à tous nos besoins de fonctionnement et d’équipements avec ses enveloppes fragiles retenues dans cet avant-projet de loi de finances 2021 : soit respectivement : 5 314 milliard pour le premier et 2 798 milliards de dinars pour le second. Il faut dire que l’année 2021 sera la plus difficile à affronter comparativement aux cinq années précédentes; ni l’équilibre budgétaire ne sera trouvé, ni la relance économique ne sera réalisée.
Durant ces 20 ans au moins, dans les discours des gouvernements, on a vécu de promesses et de mensonges. On a semblé se soucier de notre éducation, notre santé, nos routes, écoles, hôpitaux et infrastructures ! En plus de tous ces fake-news qui circulent à droite et à gauche sur les start-up, la diversification de l’économie et j’en passe !
Dans la vie, il est n’est pas courant de passer par des périodes de prospérité financière mais souvent par des crises et d’instabilités économiques. Ceux qui nous gouvernent n’ont pas appris cette précieuse leçon malheureusement.
Pour votre gouverne, j’ai moi-même planifié un budget sur six mois, pour ma petite famille. Ça n’a duré en pratique que soixante jours et pourtant, très généreux dans mon estimé. Ma femme m’a dit qu’il y a quelque chose qui cloche dans ma technique. Effectivement j’ai triché, je n’ai pas dit toute la vérité : J’ai caché certaines dépenses pourtant onéreuses: la cigarette, le cinéma et les rencontres inutiles avec les amis, qui me coûtent une bonne part de mon salaire.
Alors messieurs les gouvernants : Arrêtez de dépenser pour dépenser; cette anarchie et fuite en avant ne sont pas du goût du peuple qui tient à vous rendre comptable de ses finances. Le citoyen qui s’attendait à une guerre de chiffres s’est retrouvé malheureusement avec les chiffres de guerre.