25 avril 2024
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Etatisme et clanisme… « Le dernier clan qui reste meurt de faim » !

REGARD

Etatisme et clanisme… « Le dernier clan qui reste meurt de faim » !

« L’Etat est peu de chose, notre lien avec lui est toujours révocable, ce qui compte, c’est le clan, le petit groupe d’hommes liés entre eux par des attaches héréditaires, et tenant au sol par la même racine nourricière » Jean de Pange

La diversité humaine, si elle peut être une richesse peut s’accompagner de conflits si les sociétés ne peuvent pas ou ne savent pas les maîtriser. Alors toute différence peut devenir prétexte à conflits. En effet, chaque société humaine doit instaurer et faire respecter les règles si elle veut survivre et préserver ses ressources.

Pourquoi l’Algérie n’arrive-t-elle pas à se doter d’un Etat moderne ? La réponse est simple, ce que l’on analyse comme système politique se cache la réalité d’un système clanique.

La société algérienne est segmentée en clans dominés par des personnes physiques influentes privant l’Etat en tant que personne morale de jouer son rôle régulateur et planificateur. La formation sociale algérienne est tributaire d’un double passé. Le passé colonial imposé pendant toute la période de colonisation soit 132 et le vieux passé précolonial secrété à travers des siècles par la société algérienne elle-même encore qu’elle est subie des influences extérieures avant la pénétration française.

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Ces deux passés ne s’excluent pas, ils coexistent dans le présent. « Ils se mâchent sans s’avaler ». C’est pour dire qu’un système clanique ne se réforme pas avec les mêmes outils qu’un système bureaucratique. Avant l’avènement de l’islam, les dirigeants arabes étaient soit des chefs de tribus, soit des chefs de clans jouissant de la même autorité que les rois et une obéissance totale leur étaient due en temps de guerre comme en temps de paix. Les Arabes avaient avec leurs parents ainsi qu’avec leur clan des relations profondes, l’esprit de clan était leur raison de vivre ou de mourir.

Pour un grand nombre d’autochtones, l’Etat n’est pas une abstraction, c’est une personne physique palpable avec qui on doit tisser des liens personnels. Ce n’est pas une entité juridique, une création du droit régie par des textes connus par tous et applicables à tous. Les règles de droit ne sont là que comme devanture, elles s’effacent devant les réseaux mafieux influents. Tout y passe : séduction, argent, intimidations, chantage. Tant que vous êtes du côté des plus forts, la loi vous ignore et vous, vous ignorez la loi. Elle vous sera appliquée, le jour où vous sortez des rangs pour rejoindre le commun des mortels.

Dans ce contexte, toute œuvre de salubrité publique prend l’allure d’une chasse aux sorcières. L’organisation étatique fortement structurée réside dans la nature même de l’armée, c’est-à-dire selon le modèle hiérarchique centralisé et disciplinaire. Dans ces conditions, l’armée ne pouvait produire que de l’étatisme. C’est un Etat qui veut tout faire, tout entreprendre, tient à tout diriger, à tout imposer d’en haut ; tout doit passer par lui, tout doit converger vers lui, tous doivent agir avec lui et sous son contrôle.

La construction d’un Etat fort par la centralisation du pouvoir de décision et la concentration des ressources nationales, permet de justifier les méthodes les plus autoritaires et les plus despotiques. Le pouvoir est segmenté en clans dominé par des chefs influents qui privent l’Etat de son rôle régulateur.

Des individus influents qui recherchent l’intérêt de leur groupe au détriment de l’intérêt général  en ignorant les règles morales et les lois de la société. Le commandement du groupe revient au vainqueur. Quand deux éléphants clans s’affrontent, c’est l’herbe qui souffre (le peuple). Il s’agit de détruire le clan adversaire pour rester seul sur la scène. L’esprit de société qui régnait au sein de la tribu était exacerbé par le tribalisme. Les chefs de tribus s’arrogeaient une part considérable du butin. 

L’Etat postcolonial n’échappe pas au contrôle des clans ce qui pérennise les régulations traditionnelles, provoque des conflits et attise les tensions. Seule la fin du clanisme amorcera le début du politique. Pour entrer dans la cité, il faut sortir de la tribu. Les dirigeants, ont les pieds dans la cité et la tête dans le douar. Il porte le turban et le costume. Cela fait folklore. Si l’un est visible (l’Etat), l’autre est invisible (les clans). Il est vrai que le clanisme  est une attitude qui tire son origine de l’homme. C’est avant tout un phénomène humain. De ce phénomène, on peut dégager deux aspects. Il y a d’abord un aspect primaire pour ne pas dire primitif qui correspond à cet élan irrésistible de solidarité autour d’une personne ou d’un groupe de personne issu(s) du même terroir. Il y a ensuite ce phénomène urbain résultant de l’exode rural vers les villes.

En ville, l’appartenance à une famille, à une tribu, à un clan importe peu ; l’essentiel est de répondre à un impératif immédiat : reconstituer de toutes pièces une famille qui garantisse à ses membres sécurité et épanouissement. C’est ainsi que le personnage bien placé en ville, s’entoure des membres de sa famille, de son clan, de sa région sans se soucier de leur compétence ou de leur performance. Comme, on le constate, l’Algérie indépendante s’est avérée impuissante à mettre en place des institutions économiques jouissant de la légitimité nécessaire  pour fonder un principe hiérarchique et le respect de l’autorité.

A tous les niveaux, ces entreprises publiques et les règles qu’elles édictaient furent incapables de s’imposer aux réseaux de solidarités fondées sur les liens de parenté. Profondément ancrés dans les esprits, ces réseaux se reconstituèrent très vite derrière le paravent des organigrammes qui demeurèrent les véritables canaux d’accession au pouvoir sur les ressources et sur les hommes c’est à dire au pouvoir de signature des recrutements,  des commandes d’achats, des ventes, des dépenses et des licenciements.

Les structures ne sont en réalité que des façades dissimulant des réseaux occultes et mouvants de relations lucratifs entre  cousins. La persistance des solidarités communautaires fondées sur les liens de parenté semble bien être l’obstacle décisif à la construction d’une économie féconde et durable.

En retour, cette solidarité d’occasion engendre un autre phénomène : celui du parasitisme lié à un certain contexte politique. En effet, quiconque détient une parcelle du pouvoir, qu’il soit Président de la République, Directeur d’entreprise, chef de service, tombe immédiatement à la merci des siens, de tous les siens. Par tous les moyens, celui qui détient une parcelle de la puissance cherchera à faire intégrer les siens dans le circuit du nouvel ordre politico-économique au risque de se laisser corrompre ou compromettre pourvu qu’il soit assuré d’être maintenu à son poste. Le clanisme est par conséquent un obstacle à l’efficience de la gestion. Il nourrit sa clientèle en lui assurant une promotion économique et sociale.

Le phénomène des interventions par lesquelles est facilitée la promotion de tous ceux qui ne répondent pas aux critères objectifs et transparents s’accommode aisément de ce réseau de relations. Ces consultations se font en privé où sont prises nombre de décisions, le bureau ne servant plus que pour formaliser ce qui a été arrêté par ailleurs.

En outre, dans un système à circuits multiples et parallèles, il devient difficile de déterminer qui est responsable de quoi et devant qui ? La confiance avant la compétence, comme pratique de nomination à des postes de responsabilité réduit ou élimine les voies de recours que pourraient utiliser les travailleurs en cas de conflit avec les chefs immédiats. Le tout s’inscrit dans un régime politique dominé par l’Armée et un système économique qui tire sa richesse non  pas  du travail mais de la rente pétrolière  et de l’endettement extérieur.

La société algérienne  fonctionne au commandement sous couvert d’une rente pétrolière et gazière. La question est de savoir comment peut-on passer d’une logique de commandement à une logique de marché ? De l’injonction politique à l’impératif  économique ? Le conflit dans les pays arabes est entre les poussées modernistes sociétales des gouvernés et les freins conservateurs des gouvernants. Des dirigeants ayant les pieds en ville et la tête dans le douar, le turban discret pour amadouer le peuple en s’adressant à lui avec ses mots (maux) et la cravate éclatante pour signifier aux occidentaux nous sommes des vôtres (le complexe du colonisé).

Le pétrole est une arme de corruption massive des sociétés et une assurance vie des de gouvernance arabes. Dans les pays arabes pétroliers, les monarchies et le clanisme diffèrent sur la forme et convergent sur le fond. L’avènement des revenus pétroliers a permis la concentration des ressources financières et la centralisation du pouvoir de décision entre les mains d’une seule personne.

Les monarchies comme le clanisme ont survécu au nationalisme arabe et aux poussées islamistes grâce au marché pétrolier dominé par les américains. Les régimes claniques et monarchiques sont confrontés à deux problèmes majeurs : l’impossibilité de comprimer les dépenses publiques sans perdre leur légitimité et l’incapacité de répondre positivement aux cris de révolte de leurs jeunesses les mettant devant leurs responsabilités.

L’organisation socio-politique apparaît comme le moteur essentiel dans la détermination de l’attitude d’une nation. La souveraineté nationale qui implique un principe d’indépendance s’évanouit si économiquement, les gouvernants ne peuvent pas choisir une fonction d’objectifs et favoriser pour la mettre en œuvre un agencement des moyens à la disposition des nationaux et de l’Etat. L’Etat en Algérie n’est pas seulement un Etat dépendant mais un Etat minimal qui porte les stigmates de toutes les crises qui l’ont secoué : décolonisation ratée, intégration inachevée, extrême vulnérabilité aux ingérences et intérêts étrangers, autant d’indices d’incapacité étatique.

A ce stade la remise en cause de la relation de dépendance devient problématique. Les crises sociales affaiblissent les structures de l’Etat et le rendent de plus en plus tributaire des opérations de sauvetage financière ou militaires des puissances étrangères. La précarité de l’Etat est telle que toute tentative de développement autocentré qui dépasse les exigences de profit des élites au pouvoir est généralement perçue par celles-ci comme un manque à gagner ou une menace. Ce qui compte avant tout c’est le maintien du statut quo même si cette situation engendre les germes de sa propre destruction. 

Dr. A. B.

(*) Le titre s’inspire d’une citation de Denis Langlois 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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